Contester une suspension, un retrait ou une restriction d’agrément d’assistante maternelle.

Par Quentin Clément, Avocat.

1129 lectures 1re Parution: 29 août 2023 4.83  /5

L’agrément délivré à une assistante maternelle pour lui permettre l’exercice de sa profession peut être retiré, suspendu ou restreint sur décision du Président du Conseil départemental. Parfois, ces décisions outrepassent les droits des assistantes maternelles. Il est dès lors important pour ces dernières de connaître les manières de contester ces décisions et les arguments à soulever devant un tribunal.

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La profession d’assistante maternelle est définie à l’article L421-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) comme étant la profession de la personne qui accueille de façon habituelle et non permanente des mineurs à son domicile (ou dans une maison d’assistants maternels) en contrepartie d’une rémunération.

Pour pouvoir exercer cette profession, les intéressées doivent se voir délivrer un agrément par le Président du Conseil départemental [1].

Pour obtenir cet agrément, il est indispensable de remplir plusieurs conditions fixées par les textes et fournir différents documents tels qu’un formulaire de demande d’agrément, un certificat médical, un extrait de casier judiciaire, etc.

Une fois l’agrément obtenu, l’assistante maternelle peut exercer sa profession et recevoir plusieurs enfants. Il arrive toutefois qu’au cours de l’exercice professionnel les conditions exigées pour obtenir un agrément soient considérées par le Conseil département comme n’étant plus remplies par l’assistante maternelle.

Le Département, responsable du suivi et du contrôle des assistantes maternelles, se trouve alors contraint d’engager une procédure, de suspension, de retrait ou de restriction de cet agrément, avec de lourdes conséquences pour l’intéressée.

Au regard des conséquences importantes, il est essentiel pour les assistantes maternelles de connaître leurs droits et les conditions de légalité de ces procédures de retrait, de suspension ou de restriction.

Les mesures à disposition du Président du Conseil départemental.

Lorsque les conditions initiales de délivrance de l’agrément à un assistante maternelle ne sont plus remplies, le Président du Conseil départemental peut prendre plusieurs décisions telles qu’une modification du contenu de l’agrément, un retrait de celui-ci ou une suspension temporaire.

Une modification du contenu de l’agrément peut prendre plusieurs formes. Le Président du Conseil départemental peut, par exemple, décider de réduire le nombre d’enfants que l’assistante maternelle aura le droit d’accueillir. La modification de l’agrément peut également porter sur l’âge des enfants accueillis, les horaires d’accueil, etc.

La procédure de suspension de l’agrément d’assistante maternelle est quant à elle mise en œuvre uniquement en cas d’urgence et l’article R421-24 du CASF précise que cette mesure de police conservatoire ne peut pas excéder les 4 mois.

Enfin, la décision de retrait d’agrément est prise dans les situations les plus graves.

Les décisions portant sur l’agrément d’une assistante maternelle ne peuvent pas être prise de n’importe quelle façon. Ainsi, afin de respecter les droits des assistantes maternelles, lorsqu’il souhaite prendre une décision portant sur un agrément, le Président du Conseil départemental doit :

  • Informer par courrier recommandé l’assistante maternelle des raisons pour lesquelles il envisage de prendre une décision de restriction ou de retrait ;
  • Ce courrier recommandé doit également informer de la saisine de la commission consultative paritaire, au moins 15 jours avant que celle-ci se réunisse ;
  • Organiser un entretien entre l’assistante maternelle et les services départementaux ;
  • Permettre à l’assistante maternelle de prendre connaissance de son dossier administratif et de présenter ses éventuelles observations, oralement ou à l’écrit, sur la décision envisagée à son encontre.

Pour qu’une décision de modification ou de retrait d’agrément soit prise par le Président du Conseil départemental, l’article L421-6 du CASF impose que l’avis d’une commission consultative paritaire départementale soit recueilli.

En l’absence d’un tel avis, la décision est illégale pour vice de procédure et l’assistante maternelle peut en demander l’annulation devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois [2].

Différentes autres garanties sont prévues par les textes afin de permettre aux assistantes maternelles sous le coup d’une suspension, d’un retrait ou d’une restriction de leur agrément de se défendre et de faire valoir leurs droits. Il existe ainsi une obligation d’information de l’assistante maternelle au moins 15 jours avant la réunion de cette commission. Cette information doit également préciser les motifs pour lesquels la commission est saisie et les faits reprochés.

Les assistants maternelles destinatrices d’une décision de modification de leur agrément, de retrait ou de suspension de ce dernier, doivent également veiller à ce que ces décisions soient motivées, c’est-à-dire à ce qu’elles indiquent les raisons pour lesquelles l’autorité administrative a pris une telle décision.

Cette obligation de motivation est essentielle et, en cas de défaut ou d’insuffisance, le juge administratif annule la décision litigieuse [3].

Les arguments juridiques à soulever pour contester une décision de suspension, de retrait ou de restriction d’agrément.

Comme il est classique en contentieux administratif général, il peut être intéressant de soulever l’incompétence du signataire de la décision de suspension, de retrait ou de restriction de l’agrément d’une assistante maternelle.

En effet, en application du CASF, c’est le Président du Conseil départemental qui est compétent en matière d’agrément. Toutefois, la plupart du temps, ce ne n’est pas le Président du Conseil départemental qui signe lui-même les décisions mais des subordonnés à qui il a donné délégation de signature.

Il convient alors de s’assurer que le signataire de la décision litigieuse a bien reçu délégation de signature du Président du Conseil départemental et, dans le cas contraire, soulever ce moyen d’illégalité externe devant le tribunal administratif.

Il peut également être soutenu devant le juge administratif que la lettre de convocation de l’assistante maternelle devant la Commission consultative partitaire n’était pas suffisamment motivée quant aux motifs de la décision envisagée.

Il conviendra dans ce cas de convaincre le juge administratif que cette lettre de convocation ne donnait pas les explications de droit et de faits suffisantes à l’assistante maternelle pour qu’elle comprenne parfaitement ce qui lui était reproché et qu’elle puisse, en conséquent, préparer sa défense.

En outre, les articles R421-23, R421-27 et R421-29 du CASF fixent les règles applicables à la composition de la Commission consultative partitaire amenée à rendre un avis sur la décision envisagée à l’encontre de l’assistante maternelle. Dès lors, il est possible devant le juge administratif, en cas de contentieux, de soutenir que la composition de cette Commission n’était pas régulière et légale.

Il est également important de retenir que l’article L421-6 du CASF dispose que les décisions de retrait, de suspension ou de restriction d’agrément doivent être motivées, afin de permettre aux intéressées de comprendre les raisons de droit et de faits ayant conduit l’Administration à prendre une telle décision à leur encontre.

Par conséquent, une décision qui serait insuffisamment ou aucunement motivée serait entachée d’illégalité externe et serait annulée par le juge administratif. Il est alors essentiel, dans le cadre d’un recours contre une décision impactant l’agrément d’assistante maternelle, de procéder à une vérification accrue de sa motivation et soulever, le cas échant, un défaut de sa motivation devant le tribunal administratif.

Enfin, l’assistante maternelle qui entend contester la légalité d’une décision de retrait, de suspension ou de restriction de son agrément doit également soulever une éventuelle erreur d’appréciation commise par l’Administratif. Un tel moyen soulevé devant le juge administratif revient, concrètement, à expliquer aux Juges que le Président du Conseil départemental s’est mépris en prenant la décision litigieuse, parce que les faits ne sont pas établis, parce que l’Administration n’aurait pas pris la juste mesure de la situation, ou encore parce que l’assistante maternelle n’aurait en réalité rien à se reprocher dans l’exercice de sa profession.

Il existe d’autres moyens que l’assistante maternelle sous le coup d’une décision de retrait, de suspension ou de restriction de son agrément, peut soulever devant le tribunal administratif pour contester la légalité de cette décision administrative.

Il convient dès lors de se rapprocher d’un avocat exerçant en droit public pour maximiser ses chances de succès en cas de recours en annulation introduit à l’encontre d’une décision du Président du Conseil départemental.

Quentin Clément
Avocat au Barreau de Lyon
quentin.clement chez clement-avocat.fr
www.clement-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1Article L421-3 du CASF.

[2CE, 31 décembre 2020, no 437006.

[3CE, 31 mars 2017, Mme Z…, n° 395624.

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