Covid-19 : D’un autodafé vers une redéfinition du droit international.

Par Ismail Haddar, Juriste.

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Explorer : # droit international # covid-19 # souveraineté des États # organisations internationales

Etant un élément perturbateur voire même attentatoire à l’essence de la notion de « l’ordre public sanitaire international », la pandémie du Covid-19 a donné naissance à une question fondamentale à savoir ; existe-elle une discipline nommée « le droit international » ?
Il semble que cette interrogation est légitime et ce compte tenu de la prédominance voire de l’omniprésence de l’action et l’acte Etatique au niveau interne au détriment de l’absence d’une intervention internationale multilatérale.
De ce fait, les marginalisations qualifiées abusives et injustifiées subies par « le droit international » constituent un milieu adéquat pour l’émergence des critiques et solutions alternatives afin de remédier aux imperfections, insuffisances de cette discipline aussi un simple décalogue théorique qu’un agrégat de règles opérantes et efficaces.
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

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Covid-19 : « l’autodafé » du droit international.

Le mot « aliéner » s’impose tout d’abord. En effet, lors d’une dangereuse et sérieuse menace à l’ordre public sanitaire à connotation mondiale, la mise en œuvre des règles, principes et normes du droit international reste un vain mot, une expression vider de sa substance et son essence ; elle constitue, donc, une simple revendication.

De ce fait, les concrétisations du dispositif juridique international, comme étant un vétible sanctuaire pour faire face à une situation d’insalubrité et d’insécurité, se voit, désormais, camoufler et accabler par l’existence d’un faisceau de facteurs. D’ailleurs, la sacralisation de l’idée selon laquelle le droit international se ressource voire même découle de « la volonté des Etats » [1], constitue un facteur cardinal susceptible d’enrayer la mise en œuvre d’une action internationale multilatérale qualifiée protectrice contre la pandémie de Covid-19, dans la mesure où la mise en œuvre des mécanismes, outils et instruments juridiques conférés aux organisations internationales dépend des contributions et subventions monétaires de la part des Etats membres ce qui dénote l’absence d’une autonomie financière.
A titre illustratif, le président des Etats unis d’Amérique décide de priver l’organisation internationale de la santé de la contribution financière américaine sous prétexte qu’elle (l’OMS) a « mal géré et dissimulé la propagation du virus » [2].

Il convient, donc, à noter que la dépendance financière d’une organisation internationale relativise, incontestablement, ses interventions, ses objectifs et par la suite son « pouvoir décisionnel ». En ce sens, ce facteur, réputé comme étant une sérieuse entrave à la mise en œuvre des règles du droit international en général et l’essence de l’organe international en particulier, se conjugue avec l’idée selon laquelle le rôle d’une organisation, lors du maintien d’un ordre public international, se limite, de ce fait, à fournir des informations, éclaircissements et des recommandations couronnés simplement par un halo de valeurs telles que la solidarité, la coopération, la fraternité etc…

Donc, d’un autodafé vers une redéfinition de la discipline internationale…

Covid-19 : vers une redéfinition du droit international.

Etant un ordonnancement, un décalogue « des règles qui régissent les rapports entre les États » [3], le droit international est marqué, dès son émergence et sa naissance, par les manifestations des inégalités entre les Etats [4] ; entre les constituants et les adhérents ; entre ceux qui monopolisent un véritable pouvoir décisionnel [5] et d’autres ayant un simple rôle de participation.
A ce contexte, les rapports inégalitaires entre les Etats membres, l’omnipuissance de la volonté Etatique et les imperfections caractérisant les instruments et les règles juridiques, contribuent à dématérialiser le droit international de son objet. Il convient, de ce fait, de s’inscrire et de s’engager dans une approche de « redéfinition du droit international ».
Vers un droit de plus en plus indépendant de la volonté des Etats membres ; un droit qui assure le respect des obligations Etatiques vis-à-vis d’« un Ordre international » [6] ; un dispositif juridique qui se comporte, notamment lors des moments de crise et circonstances exceptionnelles, de manière raisonnable et rationnel ; un droit qui concrétise une action internationale multilatérale moins imparfaite, plus efficace et opérante.

Toujours dans l’optique de la tendance vers une redéfinition du droit international, il est nécessaire de greffer au sein de l’arsenal juridique international la signification voire même le crédo « d’un système autopoïétique » [7] ; Un système juridique, tout en transposant l’idée de Mme Lise Binet, « se produit et se reproduit lui-même selon un mode d’opération utilisant le code binaire légal/illégal » [8].
Alors que pour un système juridique à connotation international, ses interventions et ses instruments, « le code binaire » [9] envisagé de fonctionnement et de mise en œuvre est celui du couple humain/inhumain, efficace/inefficace, raisonnable/déraisonnable, suffisant/insuffisant et opérant/inopérant.

Reste à signaler que le droit international est ensemble de règles juridiques ayant pour pierre philosophale l’instauration d’une équation équilibrée et raisonnable entre deux éléments, les multiples revendications des Etats et la préservation de « l’ordre public international » [10] ; autrement dit, entre les intérêts antagonistes, conflictuels et la protection de l’Humanité ; entre, tout simplement, l’intérêt et l’Humanité…

Ismail Haddar, Doctorant.

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Notes de l'article:

[1ALAIN PELLET, Cours Général : le Droit International entre souveraineté et communauté internationale, p.41 (http://pellet.actu.com/wp-content/uploads/2016/02/PELLET-2007-DI-entre-souverainet%C3%A9-et-CI.pdf) ; Emmanuelle Tourme-Jouannet, Chapitre II. Le droit international comme ordre juridique, Le droit international (2016), pages 25 à 68 ; Lider BAL, Le Mythe de la Souveraineté en Droit International La souveraineté des États à l’épreuve des mutations de l’ordre juridique international, THÈSE, 3 Février 2012, P.135

[3René-Jean Dupuy, Introduction, Le droit international (2001), pages 3 à 2.

[4Lider BAL, Le Mythe de la Souveraineté en Droit International La souveraineté des États à l’épreuve des mutations de l’ordre juridique international, THÈSE, 3 Février 2012, P.223 ( note bas de page n°807) ; Batyah Sierpinski, Les Etats dans les relations internationales économiques : entre égalité et disparité, Civitas Europa 2013/1 (N° 30), pages 117 à 143.

[5A titre d’exemple le Conseil de sécurité des Nations Unies/ les organisations internationales à caractère monétaires/ les organisations internationales à caractère politique, militaire et de sécurité…

[6Dario Battistella, L’ordre international. Portée théorique et conséquences pratiques d’une notion réaliste, Revue internationale et stratégique 2004/2 (n° 54), pages 89 à 98 ; Gilles Bertrand, Ordre international, ordre mondial, ordre global, Revue internationale et stratégique 2004/2 (n° 54), pages 99 à 107.

[7Gunther Teubner, Le Droit : un système autopoïétique, PUF, 1993 ; L’auto-référence en droit et dans l’auto-organisation, Bruxelles, 1994 cité Le Moigne Jean-Louis, Droit et Société, L’environnement et le droit, Année 1995 30-31 pp. 505-507 ; Lise Binet, Le droit comme système social ou la méthode systémique appliquée au droit, Les Cahiers de droit, Volume 32, n°2, 1991 p441.

[8Lise Binet, Le droit comme système social ou la méthode systémique appliquée au droit, Les Cahiers de droit, Volume 32, n°2, 1991, p445 : « L’unité du système juridique repose sur le fait que le système se produit et se reproduit lui-même selon un mode d’opération utilisant le code binaire légal/illégal. »

[9IBID

[10Notion utilisée par la doctrine du droit international.

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