A) Rappel des obligations déclaratives actuelles.
Pour rappel, les contribuables résidents fiscalement en France et détenant des portefeuilles d’actifs numériques à l’étranger doivent déclarer la référence de leur portefeuille numérique. Ils doivent ainsi remplir le formulaire n° 3916-3916 bis qui est à annexer à la déclaration d’ensemble des revenus (n°2042).
Cette exigence vise à faire connaitre à l’administration l’existence des avoirs numériques détenus hors de France.
Le non-respect de cette obligation expose les contrevenants à des sanctions.
L’amende applicable s’élève à 750€ par portefeuille non déclaré et 125€ par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000€ par déclaration. Toutefois, lorsque la valeur vénale des actifs numériques détenus, utilisés ou clos auprès d’entités étrangères excède 50 000€ à un moment quelconque de l’année concernée, ces montants sont portés à 1 500€ par portefeuille et 250€ par omission ou inexactitude.
Par ailleurs, le montant global de la plus ou moins-value issue de la cession d’actifs numériques doit également être mentionné dans la déclaration annuelle d’impôt sur le revenu. Dans ce cas, chaque transaction est détaillée dans l’annexe n°2086, permettant ainsi une traçabilité complète des mouvements de capitaux numériques.
B) Le droit de communication auprès des tiers.
Mal avisé serait celui qui espère dissimuler ou minimiser le nombre d’actifs numériques détenus dans son portefeuille.
L’administration est désormais en mesure de demander aux organismes étrangers l’ensemble des relevés de compte du contribuable pour les années durant lesquelles les obligations déclaratives des portefeuilles d’actifs numériques n’ont pas été respectées.
Cela ne constitue pas un examen de situation fiscale personnelle.
Les relevés de compte en question sont transmis à l’administration par des tiers, spontanément ou à sa demande.
En pratique, cela permet à l’administration d’obtenir les relevés de comptes des contribuables quand bien même les portefeuilles sont à l’étranger.
C) L’extension de la taxation d’office aux actifs numériques.
Avant l’adoption de la loi de finances, l’administration fiscale pouvait déjà recourir à une demande de justification sur les plus-values à la suite d’une cession d’actifs numériques. En cas d’absence de réponse ou d’une réponse insatisfaisante, l’administration pouvait procéder à une évaluation d’office de ces gains.
Désormais, s’ajoutent deux dispositifs qui étendent la taxation d’office aux actifs numériques.
1. Imposition sur le revenu en cas de défaut ou de retard de déclaration des plus-values.
Désormais, les contribuables qui déclarent en retard ou qui n’ont pas déclaré les gains nets et les plus-values imposables qu’ils ont réalisés, s’exposent à la taxation d’office.
En effet, la loi de finances pour 2025 modifie le Livre des procédures fiscales pour inclure ce défaut ou retard de déclaration dans le champ de la taxation d’office.
2. Droits de mutation en cas d’absence de déclaration des portefeuilles d’actifs numériques détenus à l’étranger.
En vertu des articles L23 C du LPF, l’administration fiscale peut exiger du contribuable qu’il explique l’origine et les modalités d’acquisition de ces cryptomonnaies non déclarées.
En l’absence de réponse satisfaisante, ces sommes peuvent être taxées d’office aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60%. La loi de finances de 2025 est venue étendre ce dispositif très répressif (déjà applicable aux comptes bancaires) au cas des cryptomonnaies.
D) Un alourdissement des sanctions fiscales.
Le régime des sanctions est lui aussi durci.
Une majoration de 80% s’applique sur tous les rappels d’impôt liés au défaut de déclaration des avoirs détenus à l’étranger.
E) Extension du délai de reprise, un possible renforcement des contrôles ?
C’est sans nul doute un élément essentiel qui résulte de ce nouveau dispositif.
Le délai de reprise (prescription) de l’administration fiscale est en principe de trois ans. Toutefois, ce délai est porté à dix ans dans certains cas limitativement prévus.
La loi de finances pour 2025 modifie cette liste en y intégrant expressément le cas des cryptomonnaies non déclarées.
L’extension du délai de reprise à dix ans entraîne un risque accru de contrôle fiscal pour les contribuables détenant des portefeuilles d’actifs numériques à l’étranger.
L’administration fiscale pourra remonter plus loin dans le temps pour détecter d’éventuelles omissions ou déclarations inexactes, augmentant ainsi la probabilité de redressements.
Par ailleurs, si la traçabilité des transactions en actifs numériques s’est considérablement renforcée ces dernières années avec l’essor des plateformes régulées (comme Binance, Kraken ou Coinbase) et les obligations de type KYC (« Know Your Customer »), les moyens d’acquisition des cryptomonnaies pouvaient être plus complexes par le passé.
En effet, de nombreux investisseurs passaient par des plateformes non régulées, des échanges de gré à gré (P2P), voire des mineurs indépendants, rendant plus difficile la justification des fonds aujourd’hui. Cette évolution renforce ainsi le risque de sanctions fiscales pour des opérations passées qui, bien que conformes aux pratiques d’époque, peuvent désormais être perçues comme opaques.
En perspective, on peut déjà déceler un risque de contentieux accru.