Dans cette affaire, après l’achat d’une division d’entreprise, l’acquéreur a constaté que plusieurs contrats de service listés comme actifs dans l’annexe de l’acte de vente étaient en réalité résiliés.
Considérant que le vendeur n’a pas respecté son obligation de transférer la clientèle liée à l’entreprise, l’acquéreur a assigné le vendeur en paiement d’une somme correspondant au montant des contrats résiliés et sollicitait des dommages et intérêts.
La cour d’appel a rejeté cette demande, jugeant que le vendeur avait bien respecté son obligation en fournissant une liste des contrats cédés avec les coordonnées des clients.
Toutefois, la Cour de cassation a annulé cette décision en considérant que, la clientèle étant un élément clé du fonds de commerce, ne pas transférer tout ou partie de celle-ci lors de la vente représente une défaillance du vendeur dans son obligation de livraison.
La présence de contrats résiliés dans la liste jointe à l’acte de vente indique que le vendeur n’a pas transmis une partie de la clientèle, constituant ainsi un manquement à ses obligations.
En effet, pour mémoire, la vente du fonds de commerce implique la cession d’éléments incorporels et corporels.
Les éléments incorporels comprennent notamment :
- La Clientèle ;
- L’enseigne et nom commercial ;
- Le droit au bail ;
- Les contrats de travail, d’assurance et d’édition ;
- Les droits de propriété ;
- Les licences ou autorisations administratives.
Aussi, la vente d’un fonds de commerce peut inclure le transfert des composants numériques du fonds, qui sont essentiels pour assurer la continuité des activités de l’entreprise.
Il peut s’agir, sans que cette liste ne soit exhaustive, du nom de domaine et des adresses mail professionnelles liées, du site internet, du contrat d’hébergement ou encore, des comptes sur les réseaux sociaux etc.
Les éléments corporels quant à eux, comprennent le mobilier, les équipements et les outils. En tout état de cause, il est recommandé de spécifier clairement les objets inclus dans la cession afin de prévenir d’éventuels conflits.
Attention : Le stock de produits n’est pas compris dans la valeur du fonds de commerce et doit être évalué indépendamment.
Dans sa décision en date du 23 décembre 2023, la Cour de cassation rappelle donc l’importance de la clientèle contenue dans le fonds de commerce, qui n’est pas sans rappeler la citation du professeur Georges Ripert « Le fonds n’est pas autre chose que le droit à une clientèle. S’il n’y avait pas de clientèle, il n’y aurait pas de fonds de commerce ».
En effet déjà en 1937, la Cour de cassation affirmait que "La clientèle est l’essence du fonds".
Cette place cruciale de la clientèle entraîne plusieurs conséquences :
- D’une part, cela implique qu’une clientèle simplement espérée ou potentielle ne qualifie pas à elle seule l’existence d’un fonds de commerce. Pour qu’un fonds de commerce soit reconnu, il faut qu’une première transaction commerciale ait été réalisée avec cette clientèle. De même, si l’exploitation du fonds cesse, l’absence de clientèle entraîne sa disparition.
- D’autre part, la vente d’un fonds de commerce est caractérisée par le transfert de sa clientèle. En pratique, cela signifie que la vente doit inclure des éléments du fonds capables d’attirer la clientèle, tels que l’enseigne, le nom commercial, ou le droit au bail.
- Enfin, on considère qu’un commerçant gère plusieurs fonds de commerce s’il interagit avec des clientèles distinctes dans différents emplacements.
En conséquence, la clientèle cédée dans le fonds de commerce doit répondre aux trois conditions cumulatives suivantes :
- Elle doit être réelle et certaine : ce qui signifie qu’elle ne peut être seulement potentielle, future voire disparue du fait de la résiliation de contrats cédés.
- Elle doit être personnelle : indiquant qu’elle a été attirée grâce aux efforts personnels du commerçant pour développer son fonds de commerce, notamment à travers la qualité des produits ou services offerts ou encore sa réputation.