I. Reprise d’ancienneté des militaires titularisés dans la police nationale.
En premier lieu, s’agissant de la radiation des militaires lauréats d’un concours de la fonction publique civile, l’alinéa 8 de l’article L4139-14 du Code de la défense dispose :
« La cessation de l’état militaire intervient d’office dans les cas suivants : (…) 8° Lors de la titularisation dans la fonction publique ou, pour les militaires qui ne répondent pas aux obligations fixées au premier alinéa de l’article L4139-1 leur permettant d’être détachés, dès la nomination dans un corps ou cadre d’emplois de fonctionnaires, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre ».
L’article R4139-4 du même code précise que :
« Le militaire lauréat d’un concours qui ne réunit pas les conditions fixées à l’article L4139-1 pour obtenir un détachement est radié des cadres ou rayé des contrôles de l’armée active à la date de sa nomination comme élève ou fonctionnaire stagiaire ».
Il résulte de la combinaison de ces articles que la radiation des cadres ou des contrôles d’un militaire de l’armée active doit intervenir de plein droit à la date de sa nomination dans un corps ou cadre d’emploi de fonctionnaire comme élève ou fonctionnaire stagiaire.
En second lieu, s’agissant du reclassement des militaires nommés dans la fonction publique civile, l’article L4139-1 du Code de la défense dispose :
« La demande de mise en détachement du militaire lauréat d’un concours de l’une des fonctions publiques civiles ou d’accès à la magistrature, ainsi que celle du militaire admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier dans un corps ou cadre d’emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l’accès au premier grade du corps ou cadre d’emplois, est acceptée, sous réserve que l’intéressé ait accompli au moins quatre ans de services militaires, ait informé son autorité d’emploi de sa démarche visant à un recrutement sans concours ou de son inscription au concours, et ait atteint le terme du délai pendant lequel il s’est engagé à rester en position d’activité à la suite d’une formation spécialisée ou de la perception d’une prime liée au recrutement ou à la fidélisation.
- Sous réserve des dispositions de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, le militaire lauréat de l’un de ces concours, ou admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier d’un corps ou cadre d’emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l’accès au premier grade de ce corps ou cadre d’emplois, est titularisé et reclassé dans le corps ou le cadre d’emploi d’accueil dans des conditions équivalentes à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d’emploi.
- Lorsque le militaire ne peut bénéficier du détachement mentionné au premier alinéa, il est reclassé dès sa nomination dans le corps ou cadre d’emplois d’accueil, dans les conditions prévues au deuxième alinéa ».
L’article R4139-5 du Code de la défense précise ce qui suit :
« Les dispositions statutaires du corps ou cadre d’emplois d’accueil demeurent applicables lorsqu’elles fixent pour le militaire des règles de classement plus favorables que celles prévues au présent article et aux articles R4139-6 à R4139-9.
- Lorsque le classement est fonction de la durée des services militaires, la durée prise en compte pour la reprise partielle de l’ancienneté de service s’entend comme la durée effective des services, autres que ceux accomplis le cas échéant en qualité d’appelé. La durée effective de service national accompli en tant qu’appelé est prise en compte pour sa totalité en application de l’article L63 du Code du service national.
- Lorsque le militaire est classé à un échelon conduisant à un traitement inférieur à celui qu’il percevait précédemment, il conserve à titre personnel le bénéfice de son traitement antérieur jusqu’au jour où il bénéficie d’un traitement au moins égal dans son nouveau corps ou cadre d’emplois, dans la limite du traitement correspondant à l’échelon le plus élevé de ce corps ou cadre d’emplois ».
Les articles R4139-6, R4139-7 et R4139-8 du Code de la défense fixent les conditions dans lesquelles doit s’effectuer la reprise d’ancienneté des militaires titularisés dans la fonction publique civile, selon la catégorie d’emploi (A, B ou C) qu’ils intègrent.
L’article R4139-9 du Code de la défense dispose :
« Pour l’application de l’article R4139-6, du 2° de l’article R4139-7 et des 2° et 3° de l’article R4139-8, le classement lors de la titularisation est effectué dans le grade de début à l’échelon que l’intéressé aurait atteint, compte tenu de l’ancienneté ainsi reprise, sur la base des durées moyennes, ou maximales pour la fonction publique territoriale, fixées pour chaque avancement d’échelon par le statut particulier du corps ou cadre d’emplois d’accueil ».
À ce sujet, le Conseil d’État a jugé que la reprise d’ancienneté des anciens militaires lauréats d’un concours, nommés dans la fonction publique à la date de leur nomination, doit être effectuée en application des dispositions des articles R4139-5 à R. 4139-9 du Code de la défense, quelle que soit la cause de cette radiation [1] :
« 5. Il résulte de l’ensemble des dispositions citées aux points 2 à 4, interprétées à la lumière des travaux préparatoires de la loi du 28 juillet 2015, que lorsqu’un militaire est intégré dans la fonction publique civile en application des dispositions de l’article L4139-1 du Code de la défense et qu’il est radié des cadres de l’armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d’emplois d’accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d’emplois sur le fondement du premier alinéa de l’article L4139-1. Par suite, ce reclassement doit être effectué conformément aux dispositions des articles R4139-5 à R4139-9 du Code de la défense, auxquelles renvoie d’ailleurs le II de l’article 4 du décret du 29 septembre 2005 relatif à l’organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C. L’intéressé peut ainsi, en particulier, bénéficier de la conservation, à titre personnel, de son traitement antérieur, en application des dispositions du dernier alinéa de l’article R4139-5 de ce code. Il peut aussi, en application du premier alinéa de cet article, bénéficier des règles de reclassement prévues par le statut de son corps ou cadre d’emplois d’accueil si elles lui sont plus favorables ».
Ainsi, il résulte de la combinaison de tous ces articles qu’un militaire radié des cadres ou des contrôles à la date de sa nomination en tant qu’élève ou fonctionnaire stagiaire dans un corps de la police nationale ou municipale doit bénéficier d’une reprise de son ancienneté militaire dans les conditions prévues aux articles R4139-5 à R4139-9 du Code de la défense à la date de sa titularisation.
II. Recours en reprise d’ancienneté militaire et rappels de traitements des fonctionnaires de police.
Aux termes de l’article L911-1 du Code de justice administrative :
« Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure ».
Par son jugement du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rappelé que l’annulation d’une décision illégale de refus de reprise d’ancienneté doit conduire à ce qu’il soit enjoint à l’administration d’emploi de procéder, non seulement, à la reprise de l’ancienneté dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, mais aussi de verser les rappels de traitements dus au titre de cette reprise d’ancienneté [2] :
« 14. Eu égard au motif d’annulation retenu au point 12, l’exécution du présent jugement implique que le centre hospitalier d’Uzès procède au réexamen de la situation administrative et financière de Mme A en lui accordant le bénéfice d’une reprise d’ancienneté d’un an au titre de l’activité exercée du 1ᵉʳ janvier 2019 au 31 décembre 2019, et en lui versant les rappels de traitement auxquels elle a droit au titre de cette reprise d’ancienneté. Il y a lieu d’enjoindre au centre hospitalier d’Uzès d’y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte dans les circonstances de l’espèce ».
Ainsi, lorsqu’un militaire a quitté l’institution militaire à la suite de la réussite à un concours mais n’a pas bénéficié de la reprise d’ancienneté lors de sa titularisation dans la police nationale ou municipale, il pourra solliciter non seulement le bénéfice de sa reprise d’ancienneté, mais également le versement des rappels de traitements qui lui sont dus au titre de cette reprise d’ancienneté.
Pour ce faire, il devra contester son arrêté de titularisation par un recours gracieux ou contentieux directement devant le tribunal administratif, et demander qu’il soit enjoint à l’administration de procéder à la reprise de son ancienneté militaire et au versement des rappels de traitements y afférents.
En cas de recours gracieux et à défaut de réponse expresse sur ledit recours dans un délai de deux mois suivant la réception de la demande, celle-ci fera naître une décision implicite de rejet, qui pourra être contestée devant le tribunal administratif dans un nouveau délai de deux mois (article R421-2 du Code de justice administrative) :
« Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l’autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l’intéressé dispose, pour former un recours, d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient avant l’expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours ».
Dans le cadre de sa requête contre la décision de rejet de son recours gracieux, le policier concerné pourra solliciter du tribunal administratif qu’il enjoigne au ministre de l’Intérieur, non seulement, de procéder à la reprise de son ancienneté militaire, mais également au versement des rappels de traitements auxquels il a droit au titre de ladite reprise d’ancienneté.