La dématérialisation doit devenir une réalité pour toutes les juridictions.
Au-delà, c’est toute la transformation numérique et les modes d’organisation qui doivent être repensés afin de trouver des solutions pour garantir l’accès au juge et un débat judiciaire de qualité.
Il faut développer la médiation qui permet aux parties d’être actives de leur affaire dans la recherche d’une solution négociée.
C’est à cette condition que la justice remplira pleinement sa mission : garantir l’Etat de droit dans une société démocratique et favoriser la paix sociale.
1 - Le principe prévu par les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile.
Il pose le principe selon lequel le demandeur devra justifier, préalablement à toute saisine du juge, d’une tentative de règlement amiable, à peine d’irrecevabilité, que le juge pourra relever d’office.
Ce principe ne s’applique qu’aux « instances introduites à compter du 1ᵉʳ janvier 2020 ».
Son champ d’application est, pour l’instant, restreint à deux hypothèses :
Lorsque la demande en justice tend au paiement d’une somme inférieure ou égale à 5 000 euros, étant précisé que les litiges relatifs au crédit à la consommation et au crédit immobilier sont exclus du domaine d’application de la loi du 23 mars 2019 ;
Lorsque la demande est relative aux litiges de voisinage, « actions mentionnées aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ».
L’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile et son application aux instances en cours.
La loi n°2019-222 du 23 mars 2019, visant notamment à promouvoir les modes de résolution amiables des différends, a instauré une tentative de conciliation obligatoire avant toute saisine du juge, sauf motif légitime, pour certains litiges, notamment ceux dont l’enjeu financier était inférieur à 5 000 euros. Saisi d’un contrôle préalable de constitutionnalité, le Conseil d’État a initialement validé cet article sous réserve de la définition, par le pouvoir réglementaire, de la notion de « motif légitime ».
Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a ainsi institué l’article 750-1 du Code de procédure civile, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2020. Cet article a toutefois été annulé par le Conseil d’État, dans sa décision du 22 septembre 2022, en raison de l’imprécision des modalités et des délais relatifs à l’indisponibilité des conciliateurs de justice.
L’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile dans sa version initiale, a fait l’objet d’une modulation dans le temps, de sorte que ses effets n’étaient pas rétroactifs pour les décisions déjà rendues.
Par décret du 13 mai 2023, en vigueur le même jour et applicable à partir du 1er octobre 2023, l’article 750-1 a été réintroduit, le pouvoir réglementaire ayant précisé la notion de "motif légitime" et ses modalités d’application.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 février 2025 répond au vide juridique créé par l’annulation de l’ancien article 750-1, dans l’intervalle qui s’étendait entre cette annulation, prononcée par le Conseil d’État le 22 septembre 2022, et l’entrée en vigueur de la nouvelle version du texte le 13 mai 2023. La Haute Cour précise que, pour les instances en cours, l’article 750-1 est réputé n’avoir jamais existé, permettant ainsi de clarifier les conséquences de cette période transitoire.
En l’espèce, le Tribunal judiciaire d’Ajaccio avait déclaré une demande en paiement, inférieure à 5.000 euros, irrecevable en raison de l’absence de tentative de conciliation préalable.
Bien que le jugement ait été rendu sous l’empire de l’article 750-1 dans sa version du décret de 2019, la Cour de cassation, en raison de l’annulation rétroactive de cet article par le Conseil d’État, a jugé que ce texte n’était pas applicable au litige en cause. Cette décision confirme la règle selon laquelle, même pour les instances en cours, l’article 750-1 du Code de procédure civile ne s’applique pas en raison de son annulation rétroactive.
Cette solution n’est pas étonnante dans la mesure où la Cour de cassation s’était déjà prononcée en ses termes, par un arrêt du 13 juin 2024 (RG n°22-21.597). En effet, la troisième chambre civile avait déjà jugé que « l’article 750-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 4 du décret n°2019-1933 du 11 décembre 2019, a été annulé par le Conseil d’Etat qui a décidé de déroger au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses en sorte que les effets produits par ce texte sont définitifs sous réserve des actions engagées à la date de la décision […]. Le jugement du 4 juillet 2022 ayant été frappé de pourvoi le 21 septembre 2022 par les locataires et les cautions, une instance était engagée à la date de la décision du Conseil d’Etat. L’instance étant, dès lors, atteinte par l’effet rétroactif de l’annulation, l’article 750-1 du code de procédure civile prescrivant un préalable obligation de conciliation ne lui est applicable ».
L’arrêt du 6 février 2025, clarifie donc l’applicabilité dans le temps de l’article 750-1 du Code de procédure civile.
L’annulation de l’article 750-1 du Code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, par le Conseil d’État (CE, chambres réunies, 22 septembre 2022, n° 436939) a donc un effet rétroactif.
Par conséquent, l’obligation de tentative préalable de conciliation ne s’applique pas aux instances en cours.
Depuis le Décret n°2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile, toutes les mises en demeure, assignations et toutes les requêtes devront y satisfaire.
2 - Le principe précité est assorti d’exceptions, également prévues par les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile.
« Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ».
3 - La tentative amiable préalable obligatoire s’impose même en référé.
La tentative amiable préalable obligatoire prévue à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile s’impose même dans le cadre d’une procédure de référé [1].
Pour en être dispensé, il peut être justifié d’une urgence manifeste.
Le juge ne peut relever d’office la nullité pour défaut de mention de la tentative dans l’acte introductif d’instance, étant donné qu’il s’agit d’un simple vice de forme.
Alors que le résultat des travaux et réflexions menés dans le cadre des États généraux de la Justice pourrait inciter à une extension du domaine des tentatives amiables obligatoires, il est intéressant de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation qui s’emploie à en définir le régime.
Dans un arrêt de sa deuxième chambre civile du 14 avril 2022, la Cour de cassation précise en effet le domaine et la sanction de la tentative amiable préalable obligatoire imposée à l’article 750-1 du Code de Procédure Civile.
Ce texte oblige à recourir, au choix des parties, à une conciliation, une médiation ou une procédure participative avant la saisine du tribunal judiciaire pour les demandes en paiement, à peine de nullité.
4 - La tentative amiable préalable obligatoire s’impose en présence d’une clause de médiation.
La Cour de cassation a rendu le 1ᵉʳ février 2023 un arrêt qui réaffirme le principe que le non-respect d’une clause de médiation dans un contrat constitue une fin de non-recevoir et non pas une exception de procédure [2].
Dans cette affaire, les associés d’une société française, avaient conclu un protocole d’accord qui prévoyait qu’en cas de litige, les parties recourraient préalablement à une procédure de médiation, et en cas d’échec, à l’arbitrage CMAP.
Toutefois, dans le cadre d’un différend né de ce protocole, le Tribunal arbitral a été directement saisi, sans que la clause de médiation n’ait été mise en œuvre par les parties.
Le non-respect d’une clause de médiation est donc une question de recevabilité et non de compétence.
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence : la violation d’une clause de médiation, comme toute autre question de recevabilité relève de la seule appréciation de l’arbitre et échappe au contrôle du juge de l’annulation sur le fondement de l’article 1492-1 du Code de Procédure Civile [3].
La même solution est retenue en matière d’arbitrage international : une clause de règlement amiable n’est pas une exception d’incompétence. Il s’agit d’une question de recevabilité qui n’est pas de nature à ouvrir la voie à un recours en annulation sur le fondement de l’article 1520 du Code de Procédure Civile [4].
Références.
- ORF n°0288 du 12 décembre 2019.
- Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile ;
- Voir du même auteur le guide pratique détaillé de cette réforme ;
- Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile ;
- Arrêt Cass. 3ᵉ civ.,19 mai 2016, n°15-14-464 ;
- Arrêt CA Paris, 28 juin 2016, n°15-03504 ;
- Arrêt CA Paris, 29 janvier 2019, n°16-20822 ;
- Arrêt Cass. 2ᵉ civ., 14 avr. 2022, n° 20-22886, Sarl d’exploitation de l’Institut européen des langues c/ Mmes J. et K., F–B (cassation TJ Paris, 18 sept. 2020) ;
- Arrêt Cass. 1 ère civ., 1ᵉʳ février. 2023, n° 21-25024 Mme Dupon et a c/ M. Dupon et a.) ;
- Arrêt Conseil d’État (CE, chambres réunies, 22 septembre 2022, n° 436939) ;
- Arrêt Cassation Civ. 2e, 6 février. 2025, n° 22-20.070, Publié au bulletin.