La procédure de divorce a déjà connu de nombreuses simplifications. La mise en place, fin 2016, du divorce sans juge en est l’exemple le plus récent. Mais cela ne doit pas faire oublier que, dès qu’il n’est pas mutuellement consenti, et surtout dès qu’il y a un peu d’argent en jeu, le divorce peut durer plus d’une dizaine d’années, c’est-à-dire aussi longtemps que le procès d’un crash aérien et à peine moins longtemps que la durée moyenne de l’union qui l’a précédée. On ne dit pas assez que ceux qui traversent cette épreuve, dont le seul tort est bien souvent d’être en instance d’un divorce qu’ils n’ont même pas forcément souhaité, vont pendant cette incroyablement longue période vivre dans la précarité, sous surveillance judiciaire, et connaître les pires injustices. Certains (nombreux ?) en sortiront marqués à jamais, dépressifs, ou ruinés, tout cela dans l’indifférence générale ou peut-être même avec la complicité d’un système qui veut punir sans le reconnaître le droit à la séparation.
Officiellement, juges, avocats et notaires œuvrent de concert pour pacifier le conflit conjugal ; le manque de moyens dont souffre la justice serait seul responsable de cette situation inhumaine. En pratique, il apparaît au contraire que rien n’est fait pour favoriser la médiation ou la transaction et que c’est la façon même dont est pensée et organisée la procédure de divorce qui concourt à l’exacerbation du conflit et à la complexification de la procédure. L’arsenal juridique à disposition, couplé à de redoutables délais d’attente, permet aujourd’hui à celui qui s’estime blessé, ou à l’avocat belliqueux en manque d’honoraires, d’entraîner le couple et ses enfants, quelles que soient les fautes qu’ils aient pu commettre ou ne pas commettre, dans un engrenage long, coûteux et inextricable. La justice ne sert plus à dire le droit, elle est utilisée à des fins vengeresses.
Tout débute lors de l’audience dite de « conciliation ». Entre autres sujets concernant la famille, le JAF (juge aux affaires familiales) va décider, pour la durée de la procédure, soit de maintenir les deux époux dans le logement (ce qui est rarissime), soit d’attribuer ce dernier à l’un ou à l’autre. Aucune autre solution n’est prévue par la loi. En confiant le logement à l’un des époux, le législateur a entendu protéger le « cocon » familial.
Noble en apparence, cette décision est à notre avis une erreur fondamentale qui aura, nous le verrons, de multiples répercussions tout au long de l’instance. Et cela commence dès l’ONC : dès lors qu’il a attribué le logement à l’un des époux, le juge ne peut que constater que l’autre est sans domicile. Il est donc impossible de lui attribuer la garde des enfants, même alternée. Les textes auraient pu la prévoir automatiquement dès relogement à proximité de l’époux chassé mais il n’en est rien.
S’il veut voir ses enfants, il devra ressaisir le JAF ce qui peut, dans certaines juridictions, prendre plus d’une année. Il est donc surprenant d’entendre ici et là l’argument selon lequel tout justiciable qui demande la garde alternée l’obtient : en vérité, la procédure ne le permet pas.
Vient ensuite le volet financier : il est aisé de comprendre que celui qui reste dans l’appartement avec les enfants (c’est généralement le moins fortuné des deux) ne pourra pas faire face seul à toutes les charges : l’époux éconduit doit donc en outre payer une pension alimentaire.
Ainsi, la procédure de divorce est-elle pensée et organisée aujourd’hui de sorte que l’un des époux (celui qu’on nomme « partie faible ») obtienne mécaniquement tout (maison, enfants et argent) alors que l’autre en est réduit au rôle de contributeur financier. Dans l’indifférence générale, il aura les plus grandes difficultés pour se reloger (son apport est bloqué dans son ancien logement et il ne peut généralement plus recourir à l’emprunt bancaire du fait de l’issue incertaine de la procédure et de la solidarité avec son conjoint qui perdure) et, dans certains cas, il devra même continuer de payer pour le quotidien des enfants si l’autre parent décide sans scrupules de conserver les pensions alimentaires pour augmenter son épargne.
Sur le plan humain, d’abord, c’est évidemment catastrophique. Cette succession de décisions va être reçue par celui qui la subit comme une injustice incompréhensible et par celui qui en bénéficie comme une justification du bien fondé de sa démarche. Elle va l’encourager à poursuivre le contentieux et non à faire le deuil de sa relation passée pour tourner la page. Pour les deux parties, on va dans la mauvaise direction. Mais il n’y a pas que le justiciable qui pâtisse de cette situation. Pour les hommes de loi, l’attribution du logement à l’un des époux va aussi être source de complexité et de paperasses. Ainsi, pendant toute la durée du divorce, il va maintenant falloir faire des comptes d’apothicaires et fournir mille justificatifs pour établir qui a payé quoi et qui doit quoi à qui (taxe foncière, taxe d’habitation, eau, électricité, charges, emprunts bancaires, assurances, indemnités d’occupation... et tout cela au pro rata de la quote-part de chacun).
Disons-le, ces calculs entrecoupés de disputes conjugales mesquines exaspèrent généralement notaires et juges. La lassitude, la surcharge de travail sont le prétexte idéal à une répartition « à la grosse louche » qui favorise bien souvent une fois encore la partie dite faible.
La saga du logement familial ne s’arrête pourtant pas là : comme au spectacle, le clou est à la fin.
Malgré l’ordonnance du 15 octobre 2015 qui donne des pouvoirs accrus au JAF en matière de liquidation du régime matrimonial, la plupart des magistrats ne jouent pas le jeu et les justiciables se retrouvent, une fois divorcés, après parfois 7 ou 8 ans de procédure, à devoir encore se déchirer pendant plusieurs années pour le partage de leurs biens mobiliers et immobiliers. Cette tâche sera complexifiée du fait de l’occupation du logement par l’un des époux : il n’est pas rare en effet que ce dernier décide de se maintenir dans les lieux en toute illégalité après le divorce car l’indemnité d’occupation est sensiblement plus faible qu’un loyer. Pour peu que les enfants y vivent avec lui, il est inexpulsable. Et même si ce n’est pas le cas, les règles de l’indivision font qu’il est très long et difficile de le déloger (parfois plus de cinq ans). Pour couronner le tout, il pourra attaquer son ex-conjoint s’il est dans l’impossibilité de lui verser la prestation compensatoire décidée par le juge même si c’est l’empêchement de la vente qui bloque le paiement ; et lorsqu’il quittera un jour l’appartement indivis, il sera bien souvent tenté, de nouveau en toute illégalité, de partir avec les meubles du couple.
Pendant dix années, et parfois bien plus longtemps encore, certains justiciables se retrouvent, avec la complicité active et passive de la justice, sans enfants, privés de la jouissance de leurs biens, mal logés, et épuisés par une procédure partiale qui n’en finit plus. Quelle faute peut justifier un tel traitement ?
Comme on le voit, l’attribution systématique du logement de famille à l’un des époux en début de procédure soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle ne fait que reporter à plus tard et de manière plus complexe la liquidation des biens meubles et immeubles. La vente immédiate de la résidence principale devrait être envisagée et même privilégiée par les textes, quitte à prévoir une pension alimentaire plus importante si nécessaire, le tout en veillant à maintenir un équilibre entre les époux. Avec cette simple modification législative, on diminuerait le ressentiment d’injustice, on désengorgerait les tribunaux, on accélérerait les procédures et on permettrait à chaque parent de voir régulièrement ses enfants.
Surtout, avec les produits de la cession, il deviendrait possible de traiter plus en amont l’épineuse question de la prestation compensatoire qui est supposée effacer les déséquilibres financiers causés par le divorce. Pour cela, il faudrait néanmoins en simplifier le calcul. Dans son immense souci du détail, le législateur a prévu plusieurs paramètres (revenus et patrimoine de chacun, état de santé, droit à la retraite,...) à prendre en compte au moment du divorce (et non à celui de la séparation). De ce texte à la fois trop précis et pas assez découlent de nombreuses difficultés.
D’une part, il faut déterminer la valeur de tous ces paramètres qui sont souvent sujets à interprétation ou difficiles à obtenir. Comme il n’est pas expert financier, le juge confiera généralement au notaire, aidé ou non d’un sapiteur, la mission de rendre sous six mois un rapport détaillé (qui sera évidemment payé par l’époux déjà éconduit...). Dans les faits, cette expertise durera plusieurs années, ou n’aboutira pas pour cause de désaccord entre les époux, ce qui est évidemment aberrant puisqu’il faudra alors tout recommencer et que, s’il y avait eu accord des parties, on n’aurait pas eu besoin de l’intervention d’un notaire. S’il y a appel du divorce, la partie dite faible sera fondée à demander un nouveau rapport en invoquant la caducité du premier réalisé plusieurs années auparavant (d’autant plus que souvent, ce n’est pas elle qui devra le régler).
D’autre part, quand on dispose enfin des paramètres nécessaires, si on en dispose, les textes ne donnent aucune méthode de calcul. Chaque juge détermine souverainement le montant de la prestation compensatoire. Il en résulte des différences importantes d’une juridiction à l’autre et bien souvent un sentiment d’injustice.
Lorsqu’elle était ministre de la Justice, Christiane Taubira avait exploré la piste d’un algorithme national de calcul de la prestation compensatoire (Pilote PC). Même si ces algorithmes mériteraient d’être améliorés (peut-être avec l’intervention d’un mathématicien expert en calculs financiers ?), ils ont le mérite de la simplification. Son départ anticipé n’a pas permis de pousser cette idée à son terme. Afin de désengorger les tribunaux et de moderniser la justice, ne serait-il pas temps d’organiser un chantier visant à simplifier, clarifier et uniformiser les règles d’attribution et de calcul de la prestation compensatoire ? Ne faudrait-il pas mieux encadrer le recours aux experts et notamment le délai et les conditions de leurs interventions ? Ne devrait-on pas former et mettre en place des spécialistes dédiés au divorce qui pourraient à la fois seconder le juge, pousser la médiation, calmer les esprits et faire aboutir les expertises dans des délais raisonnables ? Contrairement à ce qu’on lit ça et là, le notaire ne semble pas être le professionnel le plus qualifié pour ces missions d’expertise. D’une part, il est peut-être justement trop diplômé pour passer ses journées à faire des calculs de proratas de taxe foncière. On peut comprendre un certain manque de motivation. D’autre part, les études sont déjà surchargées par les transactions immobilières (plus rémunératrices ?) et l’afflux permanent de nouvelles normes n’ira pas dans le sens de l’amélioration.
Sans entrer dans les détails, plusieurs autres mesures pourraient encore grandement faciliter la vie des justiciables et réduire la charge de travail des juges :
- supprimer la solidarité des époux dès leur séparation (sauf cas frauduleux)
- légiférer sur les conditions de la désolidarisation des comptes et crédits bancaires,
- supprimer l’obligation de fidélité dès la séparation.
Le divorce reste un passage difficile et douloureux. Sauf pour les cas les plus simples, la législation actuelle est inadaptée. Elle exacerbe les haines. Paradoxalement, elle multiplie les contentieux et elle place les époux pendant de trop nombreuses années dans des situations injustes et inextricables. Enfin, elle coûte très cher à la société en laissant des centaines de milliers de Français en marge de l’activité économique. Des solutions qui permettraient de maintenir l’équilibre des forces tout en rendant un visage humain à la justice existent. On ne peut pas prendre prétexte de la violence de certains maris ou de l’esseulement de certaines femmes pour mettre en place des mesures systématiques de rétorsion disproportionnées, injustes et inhumaines. Comme on le voit encore aujourd’hui, toute discussion sur l’évolution du divorce suscite des débats passionnés entre associations féministes et masculinistes. Il est temps de dépasser ce clivage. On ne peut pas laisser les règles du mariage être dictées par des gens qui ne croient plus en l’amour entre hommes et femmes. La justice doit être juste. Elle n’a pas à être le reflet des idées de tel ou tel lobby. C’est la volonté du Président de la République et de la garde des sceaux de lancer une vaste refondation de la justice. Il nous semble que le divorce contentieux serait un candidat idéal à cet ambitieux projet.
Discussions en cours :
La prestation compensatoire ne peut pas être barémisée car sinon elle serait inconstitutionnelle. Dans la pratique la prestation compensatoire va souvent au-delà de la compensation des sacrifices consentis pendant le mariage. Par conséquent une méthode qui chercherait à institutionnaliser la pratique serait inconstitutionnelle. En effet, la prestation compensatoire est payée par le débiteur avec ses biens propres. Elle percute donc son droit de propriété pourtant protégé par la Constitution à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
J’ai lu votre article très intéressant avec des propositions intéressantes.
Je suis actuellement dans une procédure de divorce depuis Juin 2016 avec un contrat de mariage séparation de biens qui entre parenthèse n’a même pas été tenu en compte par les juges (on se demande à quoi sert ces contrats payants).
Je venais de me faire licencier et mon ex est retournée en France avec mon unique enfant.
N’étant plus employé, j’ai décidé de revenir en France pour pouvoir voir mon fils, car elle avait décidé que notre enfant lui appartenait et que je n’y avais rien à voir.
Etant revenu en France, je n’avais pas droit au chômage en France car pas cotiser et du coup la juge a tenu compte de la feuille d’impôt d’il y a 2 ans où je gagnais bien ma vie et m’a condamné à payer 1200€/mois à Mme.
Mme ex s’était mise au RSA avant de passer en ONC et du coup s’est fait passer pour une pauvre. Mais comme par magie 2 mois après elle avait un travail. Un coup monté de main de maître.
Du coup, je me suis retrouvé moi sans revenu et elle avec 1300€ /mois + la somme de 1200€ /mois que je devais lui payer comme devoir de secours et moi 0€.
Après plusieurs tentatives de conciliations avec Mme sans succès, j’ai demandé une révision de ce devoir de secours et elle en a profiter pour porter plainte pour une pension que je ne pouvais pas payer.
Sa plainte, malgré mon incapacité à payer, a découlé à 3 mois avec sursis et une interdiction de quitter le territoire Français.
Mme pendant ce temps engrangé des revenus de l’ordre de 2300€/mois, car j’ai du emprunter à ma famille pour pouvoir vivre et lui payer au moins 250€/mois. Je ne vivais plus qu’avec 500 € par mois, autant vous dire que cela fait 5 ans que je vis un cauchemar dont je ne peux me réveiller.
Je me suis endetté de l’ordre de 30000 € auprès de ma famille pour pouvoir la payer.
Mme a réussi à repousser au maximum les différentes procédures pour maximiser le nombre de mois de devoir de secours.
Après 3 ans de procédure, j’ai pu la diminuer à 750€, ceci car en procédure d’appel, la juge a considéré que j’avais un salaire de 2400€/mois, car elle n’a pas su faire une division correctement.
Aujourd’hui, avec la grève des avocats et la crise du covid-19, ma procédure s’est rallongée de 2 ans supplémentaire avec 750€ x 24 = 18 000 € supplémentaire à payer (enregistré chez l’huissier qui me le rappel régulièrement par des lettres de menaces) grâce à un prolongent qui est favorisé pour Mme.
Avec mon salaire de 1200€/mois, je dois payer 750€/mois alors que Mme gagne 1300€/mois et ceci depuis 4 ans.
L’huissier a comptabilisé la somme de 40 000 € comme dette du à une erreur monumentale d’évaluation des juge.
Bien entendu, plus la procédure durera et plus Mme gagnera de l’argent. Donc autant dire que le système est vicieux et pousse les avocats belliqueux et opportunistes à maintenir la procédure le plus longtemps possible.
En théorie, dès que la partie adverse trouve un travail et qu’il n’y a pas de grande différence entre les revenus, ce devoir de secours devrait disparaitre automatiquement sans repasser en jugement.
Chose facile à faire, mais dont les juges ne veulent pas procéder ainsi.
Ce devoir de secours pousse la partie bénéficiaire à prolonger le plus longtemps possible la procédure de divorce et les moyens sont nombreux.
S’il n’y avait pas ce devoir de secours, les procédures de divorce ne dépasserait pas 1 année car les 2 époux n’auraient aucun intérêt à faire durer la procédure.
Bonjour,
J’ai lu avec intérêt votre article du 24 novembre, 2017. Étant moitié Américaine/Française je suis actuellement complètement épuisée par en procédure de divorce qui dur maintenant presque 6 ans. J’ai un avocat qui fait les actes payants sans demander mon authorization.
A cet stade je voulais savoir mes options pour sortir de ce procédure avant d’être complètement épuisés par sa lourdeur de ce procès incompréhensible.
Merci de me faire part de votre conseil.
Cirdialement,
Shirley Boyé
Cet article est tout à fait pertinent
la pire des choses est la persistance du divorce pour faute , qui occasionne une très longue et très onéreuse procedure et qui permet tous les coups bas et mensonges .
ces divorces aggravent encore tout ce qui est dit dans cet article.
la loi est à revoir, vraiment.