Le contrat de travail est un accord entre un employeur et un salarié, par lequel le salarié s’engage à fournir un travail en échange d’une rémunération, sous la direction et l’autorité de l’employeur. Cet accord formalise les droits et obligations des deux parties dans le cadre de leur relation professionnelle. Parmi les clauses souvent insérées dans ce contrat, la clause de non-concurrence vise à protéger les intérêts de l’employeur en limitant les activités concurrentielles que le salarié pourrait entreprendre pendant ou après la relation de travail. En Côte d’Ivoire, ni le Code du travail, ni la convention collective interprofessionnelle, ne prévoit expressément une application de la clause de non-concurrence après la rupture de la relation de travail, contrairement à d’autres pays, comme le cas du Congo [1].
Le principe en droit ivoirien est que la clause de non-concurrence ne s’applique que pendant la relation de travail. C’est ce qui ressort de l’article 23, alinéa 1 de la convention collective interprofessionnel en ces termes :
« Sauf stipulation contraire insérée dans le contrat de travail ou autorisation particulière écrite de l’employeur, il est interdit au travailleur d’exercer, même en dehors de son travail, toute activité à caractère professionnel susceptible de concurrencer l’entreprise ou de nuire à la bonne exécution des services convenus... ».
Cette idée est reprise par l’article 16.4 du Code travail ivoirien.
De telles dispositions interdisent au salarié d’exercer, même en dehors de ses heures de travail, toute activité susceptible de concurrencer l’employeur durant la relation de travail. Cette règle garantit que le salarié se consacre pleinement à l’entreprise et n’exploite pas ses compétences pour un concurrent.
Cependant, cette restriction soulève une question importante : l’interdiction peut-elle s’étendre après la rupture du contrat de travail ?
La réponse à cette question suscite d’évoquer deux points, à savoir un principe qui est assorti d’une exception.
I- Principe.
En principe, la législation ivoirienne interdit l’application de clauses restrictives qui limiteraient la liberté d’un salarié d’exercer une activité professionnelle après la rupture de son contrat de travail. Cette protection est inscrite dans plusieurs textes notamment les articles 23 de la convention collective interprofessionnelle et 16.5 du Code du travail ivoirien.
En effet, l’article 16.5 du Code du travail dispose : « Est nulle de plein droit toute clause d’un contrat portant interdiction pour le travailleur d’exercer une activité quelconque à l’expiration du contrat ».
Au regard de cette disposition, il est clair que toute clause empêchant un salarié d’exercer une activité professionnelle après la rupture du contrat est nulle. Ainsi, aucune interdiction ne peut empêcher un salarié de travailler, y compris pour un concurrent, après la fin de son contrat. Toute clause qui limiterait cette liberté serait frappée de nullité.
De surcroît, l’article 23, dernier alinéa, de la convention collective interprofessionnelle renforce cette position en disposant que :
« ... le fait pour un travailleur d’avoir quitté un établissement ou entreprise ne doit pas faire obstacle à son engagement dans un autre établissement relevant de la même profession ».
Cet article vise à protéger le salarié en lui permettant de se réengager dans un autre établissement, de la même profession, après avoir quitté son ancien emploi.
De telles dispositions nous permettent de constater que le salarié, après la rupture de son contrat, conserve la possibilité de poursuivre sa carrière dans le même secteur d’activité, sans être limité par des clauses de non-concurrence postérieures à la rupture du contrat. Mais ce principe est assorti d’une exception selon laquelle, la pratique s’étant relevée comme source de droit dans la mesure où par coutume, les employeurs concluent des clauses de non-concurrence qui produisent les effets après la rupture du contrat.
II- Exception.
En Côte d’Ivoire, comme dans de nombreux autres pays, la clause de non-concurrence n’est valable qu’à certaines conditions, et son application peut être restreinte si elle ne respecte pas les exigences légales. Ces exigences incluent :
- La clause doit justifier qu’elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise : l’entreprise doit prouver que la clause protège un intérêt légitime (par exemple, des informations sensibles, secrètes ou des relations commerciales stratégiques) ;
- Déterminer l’activité concernée : l’interdiction doit cibler un savoir-faire précis, une activité ciblée...
- Limiter la non-concurrence dans le temps et dans l’espace : au sein même de la clause, doivent être précisés le secteur géographique et la durée de l’interdiction de concurrence. La durée sera fonction des possibilités qu’a le salarié d’exercer dans un autre secteur d’activité. La loi n’indique pas de durée précise, mais en pratique la durée raisonnable court de six (6) mois à deux (2) ans. La limitation dans l’espace peut être également variable et doit tenir compte des fonctions exercées par le salarié et de ses possibilités d’exercer un autre métier. Elle doit être raisonnable et ne pas porter atteinte à la liberté du travail du salarié.
- Prévoir une contrepartie financière au profit du salarié : cette contrepartie financière vise à compenser la restriction imposée au salarié. En droit ivoirien, ni le Code du travail ni la convention collective ni la jurisprudence ne stipulent explicitement la nécessité de rétribution pour une clause de non-concurrence. Cependant, la pratique juridique courante suggère qu’une telle clause doit être rémunérée pour être valide et applicable. La contrepartie doit être raisonnable : si la compensation financière prévue est très faible, elle est considérée comme inexistante et donc non valable. Le montant doit être fixé en fonction de la durée de la restriction et de l’impact que cela aura sur la liberté professionnelle du salarié, en prenant en compte ses anciens revenus.
- Notons que ces critères sont cumulatifs. L’absence d’un critère rend invalide la clause. Elle doit être obligatoirement écrite dans le contrat de travail.
Il est important de préciser que le salarié n’est pas obligé de signer cette clause. Il est libre de refuser.
De ce fait si le salarié signe et ne respecte pas cette clause, il perd son droit à l’indemnité compensatrice prévue et il pourrait être soumis au remboursement des sommes déjà perçus et au paiement de dommages et intérêts à son ancien employeur au cas où celui-ci rapporte la preuve des dommages subis par ce manquement.
Si l’employeur ne respecte pas la clause, le juge peut ordonner à celui-ci de verser une indemnité au salarié pour la période pendant laquelle le salarié a respecté la clause, en réparation du préjudice subi en raison du non-respect de l’accord par l’employeur.
D’autre part, si le salarié n’a pas été informé de la clause de non-concurrence lors de la signature du contrat, il convient de préciser que cette clause pourrait être considérée comme nulle ou inapplicable, car elle ne repose pas sur un consentement éclairé.
Conclusion.
La clause de non-concurrence, bien qu’elle puisse paraître protectrice pour les intérêts de l’employeur, doit être utilisée avec parcimonie et respect des conditions légales en Côte d’Ivoire. En principe, la législation ivoirienne protège la liberté du travail après la rupture du contrat, interdisant toute restriction à l’exercice d’une activité professionnelle.
Toutefois, dans certaines circonstances, une clause de non-concurrence post-contractuelle peut être admise à condition de répondre à des critères stricts, tels que la protection des intérêts légitimes de l’employeur, la limitation dans le temps et l’espace, ainsi que la fourniture d’une contrepartie financière.