A. Dorange
Rédaction du Village de la Justice

Tout savoir sur les Formalités des entreprises en 2023 : la « saga » du guichet unique.

Nous avons tous, peu ou prou, entendu parlé de cette réforme issue de la loi PACTE de 2019, consistant à dématérialiser et centraliser les démarches des entreprises, grâce à un « guichet unique » pour réaliser la quasi-totalité des formalités relatives à la vie des entreprises, sous la responsabilité de l’INPI.
Un projet ambitieux, qui ne s’est pas déroulé tout à fait comme prévu…

Le Village de la Justice vous propose une synthèse en texte et en image pour vous aider à comprendre en quelques minutes les tenants et les aboutissants de ce sujet qui a largement défrayé une bonne partie de la chronique.

L’infographie qui résume tout !

Le contexte.

La loi PACTE.

La loi dite « PACTE » du 22 mai 2019 a instauré deux mécanismes permettant de moderniser les outils relatifs aux informations économiques et juridiques des entreprises implantées en France [1] et à leurs dirigeants : le Registre national des entreprises (RNE) et le « Guichet unique ».

L’objectif : simplifier les démarches incombant aux entreprises, réduire les délais de traitement des formalités de création, de modification et de cessation d’entreprises, ainsi qu’améliorer l’accès à l’information relative à la vie des entreprises et la qualité de celle-ci.

La responsabilité du RNE et du Guichet unique ont été confiées à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) [2].

Le registre national des entreprises (RNE).

Le RNE (www.registre.entreprises.gouv.fr) fusionne, depuis le 1er janvier 2023, les différents registres qui existaient auparavant : le registre national du commerce et des sociétés (RCS) pour les entreprises commerciales, le répertoire national des métiers (RM) pour les entreprises artisanales et le registre des actifs agricoles (RAA) pour les entreprises agricoles.

Certaines entreprises, par exemple les professions libérales, figureront pour la première fois dans un registre public.

Les données du registre sont presque toutes accessibles gratuitement (en « open data » (en accès libre), à l’exception de certaines données personnelles.

Principaux textes applicables au RNE :
- Ordonnance n° 2021-1189 du 15 septembre 2021 portant création du Registre national des entreprises | Rapport au Président de la République ;
- Décret n° 2022-1014 du 19 juillet 2022 relatif au Registre national des entreprises et portant adaptation d’autres registres d’entreprises ;
- Décret n° 2022-1015 du 19 juillet 2022 relatif aux droits dus au titre du Registre national des entreprises et portant adaptation d’autres registres d’entreprises ;
- Décret n° 2022-1620 du 23 décembre 2022 relatif à la signature des déclarations des formalités des entreprises, à la consultation du Registre national des entreprises et à la radiation de certaines entreprises.

Le guichet unique vs le guichet entreprises.

Le Guichet unique est opérationnel pour les immatriculations depuis le 1er Janvier 2022 ainsi que les cessations et les dépôts des comptes depuis fin mars 2023. Il remplace et fusionne les 6 réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE) qui assuraient jusqu’ici le recueil des dossiers de formalité, majoritairement par voie papier (chambres de commerce et d’industrie (CCI), chambres des métiers et de l’artisanat (CMA), chambres d’agriculture (CA), greffiers des tribunaux de commerce, URSSAF et services des impôts des entreprises de la DGFiP).

La fin donc, des actions nécessaires pour identifier l’organisme compétent pour déposer son dossier et des déplacements au CFE pour le dépôt des dossier papier (70 % des formalités jusqu’ici).

La fin aussi des 56 formulaires CERFA disponibles (et cumulables) pour les formalités papier : désormais, un seul formulaire dynamique en ligne sert à effectuer toutes les déclarations, avec, à la clé, une économie de papier significative (évaluée à 35 tonnes par an).

Le guichet unique a également vocation à se substituer aux sites internet mis en place par certains CFE (lautoentrepreneur.fr, CFE-urssaf.fr et la partie création d’entreprises d’Infogreffe). Ceux-ci ne devaient plus être utilisables à compter du 1er janvier 2023, mais des difficultés de mise en œuvre ont changé la donne (voir infra).

Principaux textes applicables au Guichet unique :
- Décret n° 2021-300 du 18 mars 2021 portant application de l’article 1er de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et introduction de diverses mesures applicables aux formalités incombant aux entreprises ;
- C. com., art. L. 123-32 et s. ; C. com., art. R. 123-1, issu du décret du 18 mars 2021.

Les formalités relevant de l’URSSAF, CMA ou les SIE continuent quant à elles d’être effectuées par le canal habituel jusqu’à ce que le GU soit entièrement opérationnel

Le Guichet Entreprise a été proposé par BERCY comme une solution de secours depuis le 1er Janvier 2023 pour les formalités de modifications de statuts (société commerciale) en lieu et place d’INFOGREFFE, en période transitoire donc.

Comment utiliser le Guichet unique ?

Le Guichet unique est une plateforme en ligne, qui permet les échanges d’informations entre les entreprises déclarantes (ou leurs mandataires) et les administrations concernées par les formalités.

Selon la nature de l’entreprise et la formalité à effectuer, le guichet unique propose au déclarant un formulaire en ligne adapté et précise les informations à renseigner, ainsi que les pièces justificatives à transmettre (au format numérique) pour la réalisation de la démarche.

Le processus se déroule en plusieurs étapes :

1) Le ou la déclarant(e) (l’entrepreneur ou son mandataire) peut se rendre sur le portail du Guichet unique pour être guidé(e) dans ses démarches, avant d’être invité(e) à se connecter ou à créer son compte sur le portail sécurisé e-procédures de l’INPI (accès direct : https://procedures.inpi.fr) ;

2) Il ou elle saisit en ligne les informations demandées et joint les pièces dématérialisées nécessaires à la réalisation sa formalité ;

3) Les organismes compétents (INSEE, organismes sociaux et fiscaux, greffiers des tribunaux de commerce, chambres consulaires, etc.) reçoivent et traitent les informations qui les concernent ;

4) Au terme de la procédure, les données des entreprises, issues de ces formalités, sont stockées au sein du RNE.

Quelles sont les formalités concernées ?

Les formalités qui doivent désormais être déclarées en ligne sont :

- la création (immatriculation ou déclaration de début d’activité), qui permet de donner une existence légale à une entité ;
- les modifications (changement d’activité, d’adresse, de nom, du nombre d’associés, des statuts, etc.), qui permettent de mettre à jour les informations relatives à l’entreprise ;
- la cessation d’activité, qui permet de mettre fin à l’existence légale d’une entité.

Lorsque les entreprises soumises à l’obligation de dépôt des comptes annuels ou de documents comptables, il est possible de le faire par voie électronique, même si les dépôts papier des comptes annuels restent possibles, comme avant, auprès du greffe du tribunal de commerce compétent.

Ce qui ne peut pas être fait sur le Guichet unique.

D’autres démarches, qui ne sont pas des formalités au sens strict, ne peuvent pas être effectuées sur le site :
- la déclaration sociale nominative (DSN), qui doit être faite sur www.net-entreprises.fr ;
- le paiement des cotisations sociales et fiscales, qui doit être réalisé sur www.portailpro.gouv.fr.

Par ailleurs, les personnes morales et les groupements qui ne sont pas des entreprises (associations, fondations, etc.) doivent continuer d’utiliser les sites internet dédiés ou d’adresser aux organismes actuellement compétents (INSEE, organismes sociaux ou fiscaux) leur formulaire de déclaration d’existence. Ces formulaires sont disponibles sur le site www.entreprendre.service-public.fr.

L’assistance gratuite.

Les déclarants bénéficient d’une assistance gratuite pour les aider à tout moment dans leurs démarches, tant pour des questions techniques (aide à l’utilisation du site internet), que réglementaires (aide au remplissage du formulaire) :
- par téléphone (INPI Direct au 01 56 65 89 98) ;
- en présentiel (possibilité de prendre rendez-vous, avec les réseaux consulaires compétents) ;
- en ligne (assistant conversationnel et base documentaire, disponibles sur le site internet : www.formalites.entreprises.gouv.fr).

Pour les déclarants qui rencontrent des difficultés dans l’accès au numérique, des ordinateurs sont en outre mis à disposition gratuitement dans les locaux des partenaires du guichet unique (réseaux consulaires notamment).

Un déploiement compliqué.

Un calendrier inflexible.

La mise en oeuvre du Guichet unique s’est effectué en plusieurs étapes :

- 1er avril 2021 : ouverture aux professionnels disposant d’un mandat pour réaliser les formalités d’entreprises pour le compte de leurs clients ;
- 1er janvier 2022 : ouverture à tous les créateurs et entrepreneurs, quelles que soient l’activité et la forme juridique de leur entreprise ;
- 1er janvier 2023 : le site est devenu la voie unique pour effectuer ses formalités des entreprises.

Certains acteurs économiques avaient exprimé des craintes sur de possibles dysfonctionnements du Guichet unique dès les premiers mois de mise en fonction.

Des procédures de secours établies.

Le principe d’une procédure « de secours » était acquis dès juillet 2022 [3], pour « assurer la continuité du service en cas de difficulté grave de fonctionnement du service » [4], anticipant d’éventuelles difficultés de fonctionnement lors de l’entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2023.
La procédure avait été précisé quelques jours plus tôt, par un arrêté du 28 décembre 2022, entré en vigueur le lendemain [5]

Un incident cyber.

Victime d’une cyberattaque début janvier (attaque par déni de service (DDoS) [6], le nouveau portail a rapidement été fortement critiqué.
Au-delà du cyberincident, de nombreux ralentissements et autres « bugs » ont suscité la colère et l’exaspération des utilisateurs.

Des dysfonctionnements.

Si les créations d’entreprises se sont déroulées dans d’assez bonnes conditions, les modalités de modification et de cessations ont en revanche « rencontré des dysfonctionnements », selon les termes d’un communiqué de presse de Bercy [7].
La procédure dérogatoire a dû être adaptée, par un arrêté du 17 février 2023 [8].

Une solution temporaire.

Pour ne pas davantage porter atteinte à l’activité économique, le Gouvernement a pris des mesures ciblées :
- des travaux informatiques pour améliorer les délais de traitement des dossiers ;
- l’autorisation temporaire de la voie papier pour réaliser certaines formalités, en complément de la voie dématérialisée ;
- une nouvelle modalité de traitement des dossiers depuis le lundi 20 février 2023 et jusqu’au 30 juin prochain : avec le concours des greffiers des tribunaux de commerce, les formalités de modification et de cessation comportant une inscription au registre du commerce et des sociétés (notamment les modifications/cessations de sociétés commerciales, artisanales, agricoles) pourront être réalisées en ligne sur la plateforme www.infogreffe.fr.

Comme l’indique son communiqué de presse du 17 février 2022, Infogreffe peut être utilisé pour :
- les modification et radiation des commerçants, des sociétés commerciales, des sociétés civiles, des sociétés libérales, des personnes morales assujetties à l’immatriculation au RCS, des établissements publics industriels et commerciaux et des groupements d’intérêt économique et groupements européens d’intérêt économique ;
- d’autres formalités et dépôts, dont les déclarations des bénéficiaires effectifs isolées de tous types de personnes morales (c’est-à-dire effectuée indépendamment de toute autre formalité déclarative au RCS) et le dépôt d’acte isolé (non lié à une formalité déclarative).

En revanche, demeurent exclus du champ des formalités opérables sur Infogreffe (et doivent donc être déclarées sur le portail procédures INPI.FR) :
- les immatriculations ;
- le dépôt des comptes annuels.

A. Dorange
Rédaction du Village de la Justice

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Notes de l'article:

[1Entreprises ayant un siège social, un établissement principal ou un établissement secondaire ou une adresse en France et entreprises étrangères souhaitant exercer une activité en France

[2Décret n° 2020-946 du 30 juillet 2020 relatif à la désignation de l’Institut national de la propriété industrielle en tant qu’organisme unique mentionné à l’article 1er de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ; Ordonnance n° 2021-1189 du 15 septembre 2021 portant création du Registre national des entreprises.

[6Selon les informations relayées par Le Parisien avec l’AFP, l’attaque s’est produite entre le 3 et le 7 janvier, avec 120 000 connexions par seconde produites par une centaine d’adresses IP ; « Guichet des entreprises paralysé : enquête ouverte après l’attaque informatique », Le Parisien, 13 janv. 2023 ; A. Lebelle, « Une attaque informatique a paralysé le tout nouveau guichet unique des entreprises », Le Parisien, 7 janv. 2023

[7Min. Économie, Communiqué de presse n° 164, 16 févr. 2023

[8Arr. 17 févr. 2023, NOR : PRMX2305084A modifiant l’arrêté du 28 décembre 2022 pris pour l’application de l’article R. 123-15 du code de commerce.

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Discussion en cours :

  • par Chef d’entreprise et prestataire de services aux TPE , Le 30 mars à 12:25

    En fait, le dépôt des comptes annuels ne fonctionne pas ! et est systématiquement rejeté par les Greffes qui n’ayant plus l’autorisation d’accepter le dépot dématérialisé sur le portail infogreffe, indiquent qu’il faut procéder à un dépôt par courrier.
    Nous sommes face à bien plus qu’une désorganisation de cyberattaque, le portail guichet entreprise n’a jamais fonctionné correctement par le passé pourquoi imposer aux entreprises d’y avoir recours alors qu’Infogreffe fonctionnait parfaitement.
    L’idée de centralisation est bonne mais les utilisateurs (chef d’entreprises, conseils) n’ont pas à subir les conséquences des retards ou non respect des dates de mise en service. Il vaut mieux retarder ou morceler un déploiement plutôt que d’imposer un système "bricolé" pour respecter un délai.

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