En l’espèce :
Mr X... âgé de 83 ans, a été admis au service des urgences du Centre Hospitalier du pays d’Aix le 14 novembre 2009 à 23h30 pour des difficultés respiratoires. Son décès a été constaté par une infirmière le lendemain à 7h45.
Le 15 novembre 2009 en début d’après-midi, un de ses fils s’est rendu sur place pour rendre visite à son père, il a été informé par une infirmière que le corps de son père avait été transporté à la morgue. L’annonce du décès a été non seulement tardive mais aussi maladroite, son fils pensant trouver son père dans sa chambre a été particulièrement choqué.
Reprochant au Centre hospitalier des défaillances dans la prise en charge du patient et "les conditions dans lesquelles son décès leur a été annoncé", son épouse et ses deux fils ont saisi le Tribunal administratif de Marseille d’une requête tendant à la condamnation de l’établissement de santé à la réparation de leur préjudice.
Par jugement du 22 décembre 2014, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Par un arrêt du 9 novembre 2017, la Cour administrative d’appel de Marseille a retenu que "le Centre hospitalier du pays d’Aix avait commis une faute en annonçant tardivement le décès du patient à sa famille, en revanche, elle a jugé que les requérants n’établissaient pas pour autant l’existence de préjudices que ce retard leur aurait directement causés".
Un pourvoi est formé par la famille.
Dans son arrêt du 12 mars 2019 (n°417038), le Conseil d’Etat a estimé que l’arrêt attaqué devait être annulé au motif que "l’épouse du défunt et ses deux fils avaient nécessairement éprouvé, du fait du manque d’empathie de l’établissement et du caractère tardif de cette annonce, une souffrance morale distincte de leur préjudice d’affection".
En résumé :
Le Conseil d’Etat reconnaît la possibilité d’indemniser les ayants droit d’un préjudice moral lié aux circonstances du décès de leur proche distincte du préjudice d’affection découlant du décès (celui-ci étant en lien avec un défaut de prise en charge du patient décédé). Il est important de souligner qu’il s’agit d’un préjudice autonome ne pouvant être laissé par les juges, sans réparation. L’indemnisation de ce préjudice pouvant sensiblement se rapprocher de celui retenu pour le préjudice résultant d’un défaut d’information.
Encore une fois, les avocats et les juges ont démontré leur pouvoir créateur et viennent ainsi compléter la nomenclature Dintilhac qui ne cesse d’accueillir de nouveaux postes de préjudices (voir mon article sur Village de la justice : "La nomenclature Dintilhac face au pouvoir créateur du juge.").