En effet, un professionnel de santé, masseur-kinésithérapeute, a sollicité le 5 juin 2019 l’autorisation de s’installer en exercice libéral conventionné dans une commune de la région Nouvelle Aquitaine. À cette date, selon les données publiées par l’Agence régionale de santé (ARS), la commune concernée était classée en zone intermédiaire, ne soumettant pas l’installation à des conditions restrictives de conventionnement.
Or, par arrêté de l’ARS en date du 14 juin 2019, publié le même jour, cette commune a été reclassée en zone sur-dotée. Ce changement de zonage s’inscrit dans le cadre du dispositif de régulation de l’offre de soins prévu par les avenants 5 et 6 à la convention nationale des masseurs kinésithérapeutes, visant à mieux répartir les professionnels sur le territoire et à éviter les déséquilibres territoriaux.
L’article L1434-4 du Code de la santé publique habilite le directeur général de l’ARS à classer les territoires en différentes zones :
- Zones sous-dotées ou en tension, où sont prévues des aides à l’installation ;
- Zones sur-dotées, où l’accès au conventionnement est restreint afin d’éviter une concentration excessive de professionnels.
Dans ces zones sur-dotées, l’accès au conventionnement avec l’assurance maladie n’est en principe autorisé que dans certaines conditions, notamment en cas de remplacement d’un confrère partant ou si le projet répond à un besoin de soins spécifique.
Les avenants 5 (2017) et 6 (2019) à la convention nationale ont renforcé ce dispositif de régulation, en conditionnant le conventionnement à l’appréciation de la situation locale, tout en prévoyant certaines dérogations en cas de spécialisation ou de carence d’offre de soins.
En l’espèce, bien que la demande du praticien ait été faite avant la publication de l’arrêté de reclassement, la CPAM a considéré que la date à prendre en compte était celle du début d’activité prévue (1ᵉʳ août 2019), et non celle du dépôt de la demande. Elle a ainsi refusé l’autorisation de conventionnement, au regard du nouveau classement, malgré les démarches anticipées du professionnel, y compris la déclaration de modification d’exercice faite à l’Ordre professionnel. Toutes les voies de recours internes ayant confirmé ce refus, le professionnel a saisi le juge judiciaire.
Le pôle social du tribunal judiciaire a rejeté la demande, considérant fondée l’application du nouveau zonage à la date d’effet prévue pour l’installation (1ᵉʳ août 2019), et non à la date du dépôt de la demande (5 juin 2019).
Le professionnel a fait appel, soutenant que la date de dépôt de la demande (5 juin 2019) devait être retenue pour apprécier le zonage applicable, et que l’arrêté du 14 juin ne pouvait produire d’effet rétroactif. Il soulignait en outre la spécificité de son projet, centré sur la kinésithérapie respiratoire, répondant à un besoin de santé publique identifié.
La Cour d’appel de Bordeaux a infirmé le jugement de première instance. Elle a retenu que :
- A la date du dépôt de la demande, la commune était classée en zone intermédiaire ;
- Aucune disposition des textes applicables ne permet d’appliquer rétroactivement le zonage publié le 14 juin ;
- Le professionnel avait mené des démarches concrètes et suivies (information de l’Ordre, rendez-vous avec la caisse, projet d’association), et ne pouvait avoir connaissance du reclassement à venir ;
- Au surplus, même postérieurement au 14 juin, le site de l’ARS continuait d’afficher la commune comme étant en zone intermédiaire, démontrant l’absence d’information effective au moment des démarches.
Dès lors, la cour a jugé que le zonage applicable devait être celui existant au 5 juin 2019, ce qui ouvrait droit au conventionnement.
La cour a ainsi autorisé l’installation sous convention du professionnel de santé dans la commune concernée. La CPAM a été condamnée à verser 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.