Vers la légitimité de l’activité de prostitution au regard de la liberté personnelle et corporelle ?

Par Marjolaine Rivière, Juriste.

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Explorer : # liberté personnelle # dignité humaine # prostitution # droits fondamentaux

La prostitution est un sujet qui anime de nombreux débats n’aboutissant pas à une prise de position claire sur la question de la reconnaissance ou de l’éradication de la prostitution. Il s’agit d’une question difficile pour les pouvoirs publics telle que l’interdiction générale tout comme la règlementation totale de la prostitution peuvent nuire aux droits fondamentaux de l’individu. En effet, la prostitution peut être à la fois permise au nom de la liberté personnelle et interdite au nom du respect de la dignité humaine. Dans quelle mesure, le recours aux droits fondamentaux permettrait-il de garantir le droit de la personne prostituée à la libre disposition de son corps ?

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Considérée comme « le plus vieux métier du monde » (Michelle Perrot, Historienne), la prostitution est un sujet qui anime de nombreux débats juridiques n’aboutissant pas à une prise de position claire sur la question de la reconnaissance ou de l’éradication de la prostitution. Il s’agit effectivement d’une question éminemment difficile pour les pouvoirs publics telle que l’interdiction générale tout comme la règlementation totale de la prostitution peuvent nuire aux droits fondamentaux de l’individu.

La « Prostitution » a pour origine le mot latin « prostituere » signifiant « exposer au regard d’autrui » et est défini généralement comme « l’activité d’une personne qui consent habituellement à des rapports sexuels avec un nombre indéterminé d’individus moyennant rémunération » (décret français du 5 novembre 1945). La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) apporte quant à elle une plus-value à la définition généralisée de la prostitution dans son arrêt « Aldona Malgorenzata Jany » en date du 20 novembre 2001. Pour ladite institution, la prostitution demeure être une « activité par laquelle le prestataire satisfait, à titre onéreux une demande du bénéficiaire sans produire ou céder des biens matériels ». Quant à la Commission européenne des droits de l’homme (Com EDH), « les relations sexuelles qui (…) résultent d’une volonté de rémunération et sont entreprises par métier se présentent comme prostitution  » et ce « droit d’entretenir des relations sexuelles en se prostituant n’est pas garanti par la Convention  » (Com EDH « France c/Suisse » le 10 mars 1988). Les droits de l’homme garantis par la Convention de sauvegarde européenne des droits de l’homme (CSDHC) «  constitue un système intégré visant à protéger la dignité de l’être humain » (CEDH, 31 juillet 2001 « Affaire Refah Partisie et autres c/Turquie ») à clamer haut et fort que les droits de l’homme ne s’accommode pas de la prostitution. Les juges européens entendent la notion de dignité comme fondatrice de l’ensemble des droits de l’homme car elle permet de fonder, de restreindre des droits. Comme la prostitution est assimilée au niveau international à la Traite des femmes et des enfants soit le recrutement, le transport ou l’accueil de personne par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. C’est à ce titre que la société internationale s’est dotée de textes permettant de lutter contre l’activité prostitutionnelle dès lors qu’il s’agit d’une exploitation sexuelle d’autrui. La célèbre Convention des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation d’autrui du 2 décembre 1949, entrée en vigueur en 1951 estime la prostitution contraire à la dignité et prévoit de punir toute personne qui exploite la prostitution d’autrui, même avec son consentement.

C’est ainsi qu’en France, la prostitution devient règlementée et réprimée à partir de l’édiction de la loi « Marthe Richard » en date du 13 avril 1946. Cette loi interdit l’exercice de la prostitution dans les maisons de « tolérance » qui étaient autrefois autorisée. D’autres mesures interdiront quelques formes de prostitution comme le proxénétisme (article 225-5 à 12 du Code pénal) ou encore le racolage passif entendu comme le fait d’inciter autrui à des relations sexuelles (article 225-12-1 du Code pénal) pour des raisons d’ordre public (lutte contre les nuisances, et propagation de maladie sexuellement transmissible comme la syphilis). En Angleterre, en réponse au mouvement des féministes selon lequel la prostitution nuit à l’égalité entre les hommes et les femmes, le « Criminal law amendement acte of 1885 » punit d’une infraction punissable de deux années d’emprisonnement toute incitation faîte aux femmes de se prostituer, ou encore de trois mois d’emprisonnement toute occupation, location de lieux où se pratique la prostitution. Ces répressions ont lieu au nom du respect de la dignité humaine.
Cette notion est consacrée dans les droits de l’homme comme un principe fondamental, qui avait auparavant un sens général et universel. Etant donné qu’aujourd’hui aucune définition ne peut lui être attribuée, certains auteurs
considèrent que dans la dignité de l’homme, il y règne une certaine liberté.

Au nom de la dignité de la personne et au regard des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), la liberté personnelle a été développé. Cette liberté s’assimile au « libre épanouissement de la personnalité », et est considéré comme un droit à avoir des droits (Xavier Bioy Les droits et Libertés fondamentales). Ainsi, il découle de cette liberté personnelle diverses libertés comme la liberté individuelle comprenant « l’autodétermination » et « l’autonomie individuelle » soit le fait pour l’individu de faire ces propres choix (Tribunal constitutionnel du Portugal, arrêt du 17 avril 1998), ou encore la liberté corporelle. La liberté personnelle protège différentes manifestations de la liberté corporelle notamment lorsqu’il s’agit de la sexualité ou de la libre disposition de son corps, limitée par son indisponibilité. Ainsi, certains pays tentent de faire coexister la liberté avec la lutte contre la traite des êtres humains. En effet, la Grèce ou encore les Pays-Bas autorisent la prostitution tout en l’encadrant règlementairement telle que la répression ne portera que sur les mineures et les personnes non consentantes. D’autres pays dits abolitionnistes, comme la France, adoptent une « politique permissive » interdisant certaines formes de prostitution en vertu du respect de la dignité de soi et d’autrui (mesure d’ordre public – Conseil d’Etat, 28 février 1919 « Dame Dol et Laurent »).

Le constat est que la prostitution peut être à la fois permise au nom de la liberté personnelle et interdite au nom du respect de la dignité, ainsi dans quelle mesure le recours aux droits fondamentaux permettrait-il de garantir le droit de la personne prostituée à la libre disposition de son corps ?

La CEDH a renforcé la notion de liberté personnelle lors de l’affaire « Pretty c/RU » (29 avril 2002) en déduisant de l’article 8 de la CSEDH relatif à la vie privée, un droit à l’ « autonomie personnelle ». Dans cette affaire, « bien qu’il n’ait été établi dans aucune autre affaire antérieure que l’article 8 de la Convention comporte un droit à l’autodétermination en tant que tel, la Cour considère que la notion d’autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-entend l’interprétation des garanties de l’article 8 ». La notion d’autonomie personnelle se rattache non pas à la liberté entendue à l’article 5 de la CSEDH (droit à la liberté et à la sûreté) car celle-ci assure une protection contre les détentions physiques mais au droit au respect de la vie privée. A partir de ce moment, le nouveau « droit » qu’est l’ « autonomie personnelle » assimilée à la liberté personnelle permet de protéger avantage l’individu dans les choix qu’il effectue dont celui de se livrer à la prostitution.

Au regard de l’épanouissement de l’ « autonomie personnelle », la prostitution en réponse à la liberté sexuelle semble être une activité économique à part entière (I) dont la légalité de l’activité prostitutionnelle dépend de sa compatibilité avec la dignité de la personne (II).

Article complet à lire au format PDF.

(...)

Marjolaine Rivière, juriste

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