Les acheteurs publics doivent évaluer l’intégralité d’une offre.

Par Sébastien Palmier, Avocat.

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Explorer : # Évaluation des offres # transparence des procédures # Égalité de traitement # modification des règles

Une commune avait lancé une consultation en vue de la conclusion d’une délégation de service public pour la gestion des parcs de stationnement et le stationnement en surface de la ville. Au cours de la négociation, le règlement de la consultation a été modifié à plusieurs reprises par l’autorité concédante, qui a finalement décidé de renoncer à prendre en compte un « scenario optionnel » et n’a analysé qu’une partie de chaque offre.

CE 9 juin 2017, Commune de Saint-Maur-des-Fossés, n°408082
TA Melun, 1er février 2017, Société Urbis Park, n°1609916

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La société Urbis Park ayant été informée que son offre n’était pas retenue, elle a saisi le juge des référés d’une demande tendant à l’annulation de la décision de rejet de l’offre, à l’annulation de la décision d’attribution de la délégation et à l’annulation de la procédure. Le juge des référés ayant annulé la procédure de passation de la délégation, la commune a formé un pourvoi devant le Conseil d’État, qui condamne dans cet arrêt l’analyse partielle par un pouvoir adjudicateur des offres présentées par les candidats.

Règle n°1 : L’absence d’évaluation de l’intégralité de l’offre constitue un manquement

La commune avait modifié à plusieurs reprises le règlement de consultation. Dans sa dernière version, il prévoyait que les candidats devraient présenter leurs propositions selon deux « scenarios » : le premier fondé sur l’absence de toute subvention versée par la commune au délégataire (« scénario de base »), le second intégrant l’éventuelle prise en charge, par le futur délégataire, au 1er janvier 2018, de missions nouvelles pour tirer les conséquences des dispositions autorisant la perception de redevances de stationnement introduites par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (« scénario » dit « optionnel »). La commune a finalement renoncé à prendre en compte, au stade de l’appréciation des offres, ce second « scénario » et a n’a donc examiné que les offres des entreprises correspondant au premier « scenario », sans en informer les candidats. Le tribunal administratif a jugé qu’en n’appréciant pas les offres qui lui étaient soumises dans leur ensemble, au besoin en fixant une pondération sur la notation de l’option et en n’évaluant pas notamment la partie financière de cette « option », qui aboutissait au surplus à modifier de manière substantielle l’exécution du contrat de délégation de service public en cause sans procéder à une mise en concurrence de ses implications financières, la commune a manqué à ses obligations d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures et a lésé les intérêts de la requérante. Le Conseil d’État valide ce raisonnement en retenant que l’ordonnance du juge des référés est suffisamment motivée et n’est entachée ni d’erreur de droit, ni de dénaturation, ni d’erreur de qualification juridique des faits.

Règle n°2 : le juge n’a pas à rechercher si un manquement de l’acheteur public est susceptible de léser davantage le requérant que les autres candidats

La commune soutenait que le juge des référés aurait dû rechercher si le manquement invoqué a été susceptible de léser davantage la requérante que les autres candidats. Le Conseil d’État rejette cet argument, en rappelant une position déjà exprimée (cf. CE, 1er juin 2011 Commune de Saint-Benoit, req. n° 345649), à savoir que « s’il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente, il ne lui appartient pas de rechercher à ce titre si le manquement invoqué a été susceptible de léser davantage le requérant que les autres candidats ».

Règle n°3 : la modification substantielle des règles de la consultation après le dépôt des offres et sans en avoir informé les candidats est illicite

Outre l’absence d’évaluation de l’intégralité de l’offre, le Conseil d’État relève par ailleurs que la commune a substantiellement modifié le règlement de la consultation au cours de la phase de négociation et a décidé de renoncer au « scénario optionnel » sans en avoir jamais informé les candidats admis à déposer une offre. Le tribunal administratif a jugé que la commune avait ainsi manqué aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Le Conseil d’État approuve cette position et retient que l’ensemble de ces manquements justifie l’annulation de la totalité de la procédure de passation.

Me Sébastien PALMIER-Spécialiste en Droit Public
Cabinet Palmier & Associés- Experts en marchés publics
http://www.sebastien-palmier-avocat.com

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