Actuellement, trois grands types d’entretiens sont organisés. Ces trois entretiens ont des objectifs bien différents, ils sont obligatoires pour certains d’entre eux, facultatifs pour d’autres, mais ils sont tous très importants, tant pour respecter les préconisations légales et réglementaires, que pour soutenir l’évolution professionnelle individuelle :
- L’entretien annuel d’évaluation
- L’entretien professionnel
- L’entretien relatif au suivi de la charge de travail et à l’équilibre de la vie privée et professionnelle.
L’entretien annuel d’évaluation.
Contrairement à une croyance assez répandue, l’entretien annuel d’évaluation n’est pas obligatoire. En effet, aucune disposition du Code du travail ne vient contraindre l’employeur à organiser un tel entretien. En revanche, une convention ou un accord collectif peut toujours imposer sa mise en place. Il convient donc d’être vigilant et de bien vérifier le contenu de la convention collective applicable.
Cet entretien, qui doit se tient généralement une fois par an, a pour objectif de faire le point avec le salarié sur l’année écoulée afin d’évaluer ses compétences, lui fixer de nouveaux objectifs. Il permet donc de faire le bilan des performances de son salarié et de fixer les objectifs à venir.
C’est aussi l’occasion pour l’employeur comme pour le salarié d’évoquer les éventuelles problématiques rencontrées dans le cadre de l’exercice des fonctions et de les formaliser par écrit (ex : surcharge de travail, conditions de travail délétères, insuffisance professionnelle du salarié, nombreuses absences ou retards injustifiés, insubordination etc), ou au contraire de faire part des éléments de satisfactions et de récompenser son salarié en conséquence (ex : augmentation de salaire, évolution de carrière).
S’agissant de la procédure à suivre, celle-ci demeure libre. Généralement l’employeur informe suffisamment à l’avance le salarié de la date et de l’heure de l’entretien. Cet entretien à l’instar des autres types d’entretien, doit être préparé en amont tant par l’employeur que par le salarié. Pour le mener à bien, il ne doit pas être improvisé ou bâclé.
Enfin, les informations collectées au cours de cet entretien doivent avoir un lien direct avec l’évaluation des compétences du salarié. L’employeur ne peut donc pas interroger son salarié sur son état de santé, son appartenance syndicale, son orientation sexuelle ou son origine, sous peine d’être qualifiées de questions discriminatoires.
L’entretien professionnel.
Cet entretien est prévu par l’article L6315-1 du Code du travail. Il est donc obligatoire pour tous les employeurs, quel que soit leur effectif, dès l’embauche du 1er salarié.
Celui-ci doit être organisé tous les deux ans, et a pour objectif de définir un projet professionnel pour le salarié et les actions à mettre en œuvre pour le réaliser (ex : formation, mobilité). Ce projet doit répondre tant aux souhaits d’évolution du salarié qu’à la stratégie de l’entreprise et peut être un levier pour mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il peut également mettre en évidence le souhait d’un salarié d’évoluer au sein de l’entreprise ou du groupe.
En outre, il doit être proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité dans plusieurs cas : notamment à l’issue d’un congé de maternité, d’un congé parental d’éducation, d’un congé de proche aidant, d’un congé d’adoption, d’un congé sabbatique, d’une période de mobilité volontaire.
Le ou les entretiens relatifs au suivi du forfait jours.
L’entretien relatif au suivi de la charge de travail et à l’équilibre de la vie privée et personnelle du salarié embauché selon une convention de forfait jours est celui qui donne lieu au plus grand nombre de contentieux.
Il est obligatoire et prévu à l’article L3121-65 du Code du travail qui prévoit : « l’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ».
Attention ! De nombreuses conventions collectives (ex : SYNTEC) prévoient l’organisation de plusieurs entretiens annuels. Il convient donc de se référer à la convention collective applicable au secteur d’activité pour connaître les modalités de cet entretien et sa périodicité. Ce plus, certaines conventions collectives ou accords d’entreprises peuvent étendre ce type d’entretien aux salariés soumis à une variation de leur temps de travail dans le mois ou l’année, voire à l’ensemble des salariés, (même les salariés hors forfait, ou hors variation).
L’objectif de cet entretien est d’assurer le suivi de la charge de travail du salarié, de la bonne application de son droit à la déconnexion et de vérifier la compatibilité de cette organisation avec sa vie personnelle.
Est-il possible de réaliser ces 3 entretiens à la même date et au cours d’un seul et unique entretien ?
La Cour de Cassation est venue récemment répondre à cette question, dans un arrêt du 5 juillet 2023 (n°21-24.122) en jugeant que la tenue de l’entretien professionnel et celle de l’entretien d’évaluation peuvent avoir lieu le même jour, tant qu’ils sont réalisés distinctement. Il faut donc deux entretiens différents, dans la mesure où ils n’ont pas les mêmes objectifs.
Dès lors, lors de l’entretien professionnel, il ne doit être nullement question d’évaluer le salarié, ou de lui fixer des objectifs sur l’année à venir. La question de l’évaluation du travail du salarié lors de l’entretien professionnelle ne doit être évoquée que dans le cadre de l’entretien annuel.
Cet arrêt ne traite pas de la question de l’entretien afférent au suivi de la charge de travail pour les salariés au forfait jours. Néanmoins, et à notre sens, rien ne s’oppose à ce que cet entretien se tienne le même jour que l’entretien professionnel et l’entretien annuel d’évaluation à partir du moment où, une fois encore, cet entretien est bien distinct des deux autres. Il convient également par mesure de précaution, de prévoir trois convocations différentes pour chacun de ces entretiens, avec une heure distincte, même si la date est la même.
Faut-il rédiger des comptes rendus de ces entretiens ?
La réponse est oui ! En pratique, il est fortement recommandé de procéder à la rédaction de trois compte rendus distincts pour chacun de ces entretiens. L’utilisation d’un formulaire unique comportant trois sections distinctes (une pour l’entretien annuel d’évaluation, une pour l’entretien professionnel et une pour l’entretien forfait jours) est à proscrire. Utiliser des formulaires différents permettra de faciliter le contrôle de ces processus.
Si la rédaction de ces comptes rendu peut paraitre « superflus », ils ont en réalité toute leur importance. Rédiger un compte rendu, permet au salarié comme à l’employeur :
- D’avoir l’historique de la relation de travail, qui est essentiel notamment en cas de changement de direction ou de responsable,
- De justifier par des éléments matériellement vérifiables le versement d’une prime ou, au contraire son absence de versement, ainsi que de tout autre éventuel avantage,
- D’acter une situation professionnelle qui se dégrade telles que des insuffisances qui commencent à se manifester, des tensions dans l’équipe etc…
Il est à noter qu’en cas de contentieux, ces entretiens sont minutieusement analysés par les Juges qui y forgent une partie de leur conviction. Il est donc indispensable pour l’employeur comme pour le salarié d’être particulièrement vigilant dans la rédaction des observations et de valider la procédure entourant la tenue des entretiens avec les partenaires sociaux pour que ceux-ci soient valables.
Pour avoir toute sa force probante la procédure et le formulaire d’entretien devra :
- Avoir été présenté au CSE lorsqu’il existe
- Adressé aux salariés, pour signature. Toutefois, le salarié peut refuser de signer le compte rendu, ce qui n’aura pas d’incidence sur la validité de celui-ci, à partir du moment où l’employeur est en mesure de démontrer qu’il a bien été soumis au salarié.
- Etre conservé pendant toute la durée de la collaboration et jusqu’à 5 années après la sortie des effectifs du salarié.
- Etre mentionné dans le registre RGPD dés lors que des données personnelles figurent dans ce document.
Attention : il convient d’être précis dans la rédaction des entretiens mais également mesuré lorsque des reproches sont formulés. Généralement, il est recommandé de s’en tenir à une cotation chiffrée, ajoutées à une ligne laconique de commentaires afin que cette évaluation ne puisse pas être qualifiée de sanction disciplinaire.
Quelles sanctions ? Quel intérêt ?
L’absence d’entretien annuel d’évaluation rend bien plus difficile la possibilité de démontrer une dégradation de la relation de travail, ou les raisons pour lesquelles un avantage est octroyé à un salarié mais pas au collègue. Ne pas organiser cet entretien est également une occasion manquée de motiver les salariés, de clarifier leurs tâches et de les faire évoluer conformément aux intérêts de l’activité.
Dans le cas d’un licenciement ou d’une négociation de sortie pour cause d’insuffisance professionnelle, par exemple, les différents entretiens annuels permettront de fonder et de renforcer la position de l’employeur, s’ils sont correctement rédigés.
Le défaut d’entretien professionnel est prévu dans le Code du travail qui prévoit des sanctions spécifiques :
- Un abondement au compte personnel de formation du salarié (dans les entreprises d’au moins 50 salariés) ;
- Des dommages et intérêts sollicités à ce titre par le salarié, en cas de contentieux.
Concernant le ou les entretiens spécifiques au suivi du forfait jours, la non-réalisation de ces entretiens peut avoir des conséquences extrêmement lourdes pour l’employeur :
- Nullité de la convention de forfait jours ;
- Paiement des heures supplémentaires réalisées par le salarié au cours des trois dernières années, en cas de contentieux ;
- Paiement d’une indemnité forfaitaire de travail dissimulé à hauteur de 6 mois de salaire, en cas de contentieux.
- Dommages et intérêts pour atteinte à la santé et à la sécurité, en cas de contentieux.