Les possibilités de dérogation aux règles d’urbanisme applicables.

Par Mélanie Laplace, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # adaptations mineures

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Le Code de l'urbanisme prévoit des possibilités de dérogation aux règles d'urbanisme. Elles sont de deux types: les dérogations strictement encadrées par le code et les adaptations mineures. Les juges définissent au cas par cas ce qui constitue une adaptation mineure, en s'assurant que celle-ci ne modifie pas fondamentalement le type d'urbanisation.
Description rédigée par l'IA du Village

Quand on dépose une demande d’autorisation d’urbanisme (permis d’aménager, permis de construire, déclaration préalable…) le maître mot est la conformité.

Le projet doit être en tous points conforme à la réglementation d’urbanisme applicable. Le rôle de l’administration qui va instruire le dossier est précisément de vérifier que l’ensemble des règles applicables sont respectées, et si elles ne le sont pas, l’autorisation est refusée.

Mais comme dans tout bon principe de droit, il y a des exceptions, en l’occurrence, des dérogations.

-

En matière d’urbanisme, deux notions sont en réalité comprises dans les termes généraux de dérogation :

  • 1. les dérogations : qui viennent véritablement contredire les règles applicables : elles sont prévues de manière limitative et très strictement encadrées par le Code de l’urbanisme (A) ;
  • 2. les adaptations mineures : qui constituent des sortes d’entorses à la règle applicable. Elles sont acceptées sous réserves qu’elles soient « mineures », notion que la jurisprudence est venue préciser (B).

A) Les dérogations sont exhaustivement énumérées par le Code de l’urbanisme.

Le code prévoit un certain nombre de cas dans lesquels des dérogations aux règles qu’il édicte peuvent être accordées.

Ainsi, il peut notamment être dérogé :

  • aux dispositions du Règlement national d’urbanisme relatives à l’implantation et aux volumes des constructions [1] ;
  • à certaines dispositions du PLU pour faciliter les projets visés par les articles L152-4 à L. 152-6-2 du Code de l’urbanisme, à savoir :
    • la reconstruction de bâtiments détruits ou endommagés à la suite d’une catastrophe naturelle survenue depuis moins d’un an, lorsque les prescriptions imposées aux constructeurs en vue d’assurer la sécurité des biens et des personnes sont contraires à ces règles ;
    • la restauration ou la reconstruction d’immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques, lorsque les contraintes architecturales propres à ces immeubles sont contraires à ces règles ;
    • des travaux nécessaires à l’accessibilité des personnes handicapées à un logement existant.
    • pour des projets comprenant des problématiques environnementales (nécessité d’isolation, de protection contre les rayonnements solaires, végétalisation des façades…)
    • nécessités de logements sociaux.
  • aux marges de recul pour l’implantation des constructions [2] ;
  • aux règles locales d’urbanisme pour les projets de constructions durables [3].

Ces cas sont précisément abordés par le code et donc limités. Aucun autre motif de dérogation n’est recevable.

B) Les adaptations mineures sont des entorses « mineures » : notion que la jurisprudence est venue préciser.

Selon le Code de l’urbanisme, les règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme [4] :

  • Ne peuvent faire l’objet d’aucune autre dérogation que celles prévues par les dispositions du code (mentionnées ci-avant).
  • Peuvent faire l’objet d’adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes.

Il est à noter que le bénéfice d’une adaptation mineure fait partie des paramètres dont l’administration doit faire application pour instruire le permis de construire.

Autrement dit, en cas de non-conformité du projet à une règle applicable et même si le pétitionnaire n’a pas clairement fait état dans son dossier qu’il sollicitait une adaptation mineure, l’autorité qui instruit la demande doit rechercher d’office si le projet ne peut pas faire l’objet d’une adaptation mineure lorsque la nature particulière du sol, la configuration des parcelles d’assiette du projet ou le caractère des constructions avoisinantes l’exige [5].

La notion d’adaptation mineure n’est pas définie par le Code de l’urbanisme, ce sont les juges qui sont venus déterminer au cas par cas ce qui constitue une adaptation mineure et ce qui n’en est pas.

Sur la base de la jurisprudence disponible à ce jour, une adaptation mineure peut être définie comme un assouplissement qu’il est inévitable d’apporter à certaines règles d’urbanisme en vue d’éviter une mauvaise utilisation du sol tenant le plus souvent à la forme du terrain.

Si ces adaptations constituent des dérogations (au sens commun du terme) à une application stricte et aveugle de la règle juridique, elles n’aboutissent pas, par leur importance et leur nature, à un changement du type d’urbanisation.

Ces adaptations excluent tout écart important entre la règle et le projet.

Il ressort du texte que l’adaptation mineure n’est possible que sous couvert du respect de deux conditions qui sont cumulatives [6], à savoir :

  • 1. d’une part, elle est effectivement mineure : pas d’écart trop important entre la règle et le projet
  • 2. d’autre part, si elle est rendue nécessaire par (conditions ici alternatives en revanche) [7] :
    • la nature du sol,
    • ou la configuration des parcelles : sur ce point l’adaptation doit vraiment résulter de la configuration du terrain et non de la volonté du pétitionnaire [8],
    • ou le caractère des constructions avoisinantes.

S’agissant d’un mécanisme de flexibilité de la règle d’urbanisme, le juge administratif opère naturellement un contrôle très rigoureux sur l’importance, la localisation et la nécessité de l’adaptation mineure octroyée en s’appuyant les justifications exposées par le service instructeur.

Ont été considérées comme des adaptations mineures :

  • des emplacements de stationnement à découvert pour des motifs esthétiques, alors que le POS prévoyait qu’au moins 50 % d’entre eux devaient être couverts [9] ;
  • des constructions sur un terrain ayant 7,70 mètres de façade au lieu des 8 mètres prévus par le POS [10] ; la parcelle ne faisait que 7,70 mètres de façade.

En revanche, n’ont pas été considérées comme des adaptations mineures :

  • la maison construite en limite de terrain sur une longueur de 7,60 m, alors qu’un retrait de 3 m est imposé par le POS [11] ;
  • les balcons surplombant d’au moins 1,50 mètres la marge de recul de l’alignement [12].

Ces dérogations ont été considérées par les juges comme revêtant une importance telle qu’elles ne pouvaient plus être regardées comme de simples adaptations mineures.

Il a pu être soutenu que les adaptations mineures ne pouvaient être que des dérogations à des règles quantitatives chiffrées, c’est-à-dire par exemple le dépassement d’une règle de hauteur qui est exprimée en mètres ou le dépassement d’un coefficient d’occupation au sol qui est exprimé en pourcentage ; et non des dérogations à des règles binaires, c’est-à-dire par exemple une règle interdisant la construction d’une clôture pleine.

C’est en effet le cas de la majorité de la jurisprudence dans lesquels les juges ont pu autoriser des dépassements de pourcentage, de hauteur, de distances de retrait…

Mélanie Laplace,
Avocat en droit public au barreau de Dax.

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Notes de l'article:

[1Article R111-19 du Code de l’urbanisme.

[2Article L111-10 du Code de l’urbanisme.

[3Article L111-16 et L111-17 du Code de l’urbanisme.

[4Article L152-3 du Code de l’urbanisme.

[5CE, 11 février 2015, n° 367414.

[6CE, 30 juin 1999, n° 190250.

[7CE, 8 avril 1994, n° 116000, CE, 29 avril 1994, n° 116090.

[8CAA Lyon 17 octobre 2017, n°15LY02828.

[9CE, 26 juin 1985, n° 13952.

[10CE, 18 mars 1988, n° 71229.

[11CE, 12 mai 1989, n° 66935.

[12CE, 2 novembre 1994, n° 131117.

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