Retrait de l’autorisation d’urbanisme sur demande du pétitionnaire : ne pas oublier son utilité et son opportunité.

Par Mélanie Laplace, Avocat.

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Lorsqu’une autorisation d’urbanisme est contestée et qu’aucune voie amiable ne semble possible pour la modification du projet, on pense souvent qu’il n’y a que deux possibilités : soit l’administration accepte de retirer pour illégalité dans le délai de trois mois, soit c’est le juge qui tranchera sur la légalité.
Une disposition discrète du Code de l’urbanisme offre pourtant une porte de sortie parfois intéressante.

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Selon l’article L424-5 du Code de l’urbanisme,

« La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ».

En principe et pour rappel, le retrait d’une autorisation d’urbanisme n’est possible que dans un délai de trois mois à compter de sa délivrance, et à la condition que celle-ci soit illégale.

Mais il ne faut pas en conclure que passés trois mois, tout est perdu et que seul le juge aura le dernier mot sur le sort de l’autorisation concernée (ceci évidemment si le recours des tiers a été engagé dans les délais impartis).

La deuxième phrase du premier alinéa précité constitue en réalité une vrai porte de sortie pour certains litiges.

Autrement dit, il est possible qu’a posteriori de la délivrance de l’autorisation, il soit fait lumière sur une irrégularité à même d’entraîner l’annulation, que tout simplement la situation du pétitionnaire change et que les parties ne souhaitent pas forcément aller jusqu’au bout d’un contentieux....

  • Exemple n°1 : Dans une première affaire, une déclaration préalable a été délivrée pour la construction d’un portail.

La problématique était cependant que ledit portail prenait emprise sur une servitude de passage sur laquelle il y avait un contentieux. Le pétitionnaire n’est pas le propriétaire mais il pense bénéficier d’une servitude de passage.

Il en résulte que la demande a été déposée par une personne qui n’est pas propriétaire de la parcelle d’assiette du projet et que cette personne n’a pas sollicité l’autorisation des propriétaires. Le cerfa de déclaration mentionne en revanche clairement que le terrain d’emprise du projet fait l’objet d’une servitude (ce qui est soit dit en passant erroné puisqu’il y a un contentieux en cours sur cette servitude).

Nonobstant ces éléments, l’administration a néanmoins délivré l’autorisation, laquelle est donc parfaitement illégale. Malgré le recours gracieux adressé en temps et en heure, la commune n’a pas eu le temps de réagir et de retirer son arrêté de manière spontanée sur le fondement des dispositions de l’article L424-5 du Code de l’urbanisme précité. Cependant, après que le pétitionnaire ait été alerté sur cette situation, et se soit résolu à constater que son dossier était voué à l’échec devant un juge, celui-ci a demandé le retrait de la décision auprès de la commune, laquelle est en situation de compétence liée dans ces cas-là.

L’autorisation a donc été retirée, pour le soulagement du tiers propriétaire de la parcelle du projet.

Les parties ont été suffisamment diligentes pour que le retrait interviennent quelques jours avant le délai de saisine du tribunal administratif et évite ainsi des frais inutiles.

  • Exemple n°2 : dans un deuxième dossier, un permis de construire a été déposé sur une parcelle dans le centre bourg d’un village en bord d’océan dont la configuration faisait que cette construction viendrait obstruer la vue du voisin sur tout la baie.

Ce voisin a saisi la juridiction (les phases de discussions amiables n’ayant pas abouties). Même s’il est constant que le permis était exécutoire dès sa délivrance et que le pétitionnaire aurait pu (à ses risques et périls) débuter la construction, il ne l’a pas fait.

A savoir que dans ce dossier, comme dans beaucoup dans des situations similaires, le pétitionnaire n’était pas encore propriétaire du foncier, il avait déposé la demande d’autorisation en qualité de signataire d’un compromis de vente et n’avait pas été au bout de la démarche d’acquisition du terrain (ce qui est parfaitement possible et même vivement conseillé pour tous les acheteurs de terrains à bâtir sur le fondement des dispositions de l’article R423-1 du Code de l’urbanisme, l’acte est dans ce cas signé sous condition suspensive d’obtention du permis de construire).

Devant les délais de traitement des dossiers au fond devant la juridiction (donnée qui constitue malheureusement une réalité à prendre en compte), le pétitionnaire n’a donc jamais signé l’acte authentique chez le notaire pour devenir propriétaire et a donc abandonné l’intégralité de son projet. Il a sollicité le retrait de l’autorisation, qui a été entériné par le maire puis par le tribunal administratif, après 18 mois de procédure.

Le tiers qui contestait l’autorisation est donc libéré du projet.

Evidemment, cela n’empêchera pas un prochain projet d’émerger mais pour l’instant les cartes sont rebattues et la parcelle demeure libre de toute construction et les propriétaires peuvent profiter encore de leur vue. Ils auront peut être l’opportunité d’avoir des discussions plus productives si un prochain projet devait émerger sur la parcelle voisine.

A noter que dans le premier dossier, il y avait une irrégularité de la décision et dans le second la question ne sera jamais tranchée par le tribunal, cependant une grande force de la disposition dont il est question est que sur demande du pétitionnaire, aucune illégalité n’est requise, l’autorisation est retirée sur simple demande.

C’est donc une porte de sortie à ne pas négliger dans les dossiers.

Mélanie Laplace, Avocat en droit public au barreau de Dax

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  • par M. Bertrand , Le 1er août 2024 à 23:24

    Bonjour,

    A la lecture de l’article, cette demande de retrait semble de droit ? Est-ce qu’une Mairie peut refuser une demande de retrait et si oui pour quelles raisons ?

    Merci d’avance

  • Bonjour,
    Le pétitionnaire peut demander le retrait de son autorisation d’urbanisme passé le délai des 3 mois pour l’administration.
    Mais ce délai de retrait a t-il une date de fin ?
    Un pétitionnaire peut-il demander le retrait d’une autorisation qui serait devenue caduque (durée de validité terminée) ?

    • par LAPLACE Mélanie , Le 29 novembre 2023 à 18:16

      Bonjour Julie,
      S’agissant du délai dans lequel le pétitionnaire peut demander le retrait de l’autorisation, il est celui de la durée de vie de l’autorisation. Je réponds donc également à votre deuxième question, à savoir qu’une autorisation qui ne produit plus d’effet juridique pour raison de sa caducité ne peut faire l’objet d’un retrait puisque juridiquement, elle n’existe plus. Pour tout autre demande, n’hésitez pas à joindre le cabinet.

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