1. L’évolution du cadre juridique du reclassement depuis 2017.
1.1. Un assouplissement initial des modalités de diffusion.
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a sensiblement modifié les modalités de diffusion des offres de reclassement préalables au licenciement économique.
Alors qu’auparavant l’employeur était tenu d’adresser des offres personnalisées à chaque salarié, le texte a introduit la possibilité de diffuser "collectivement" une liste de postes disponibles.
Cette évolution, précisée par le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017, visait à simplifier la procédure pour les entreprises tout en maintenant l’effectivité du reclassement.
L’article L1233-4 du Code du travail permet désormais à l’employeur de diffuser "par tout moyen" une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés concernés.
1.2. Le maintien d’exigences précises quant au contenu des offres.
L’article D1233-2-1 du Code du travail définit précisément les mentions obligatoires devant figurer dans les offres de reclassement, qu’elles soient personnalisées ou collectives.
Ces informations comprennent notamment :
- L’intitulé du poste et son descriptif ;
- Le nom de l’employeur ;
- La nature du contrat de travail ;
- La localisation du poste ;
- Le niveau de rémunération ;
- La classification du poste.
Pour les offres diffusées sous forme de liste collective, deux mentions supplémentaires sont exigées :
- Les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples ;
- Le délai de réponse accordé aux salariés (minimum 15 jours francs, ou 4 jours francs en cas de procédure collective).
2. La sanction du défaut de mention des critères de départage.
2.1. Une question nouvelle soumise à la Cour de cassation.
Dans l’affaire jugée le 8 janvier 2025, l’employeur avait diffusé une liste d’offres de reclassement sans mentionner les critères de départage applicables en cas de candidatures multiples sur un même poste.
La question se posait alors de la qualification de ce manquement : constituait-il une simple irrégularité de procédure ou un manquement à l’obligation de reclassement privant le licenciement de cause réelle et sérieuse ?
2.2. Une réponse claire en faveur de la protection du salarié.
La Cour de cassation adopte une position protectrice des droits des salariés.
Elle considère que l’absence de mention des critères de départage rend l’offre de reclassement imprécise, en ce qu’elle ne fournit pas aux salariés tous les éléments d’information nécessaires à leur réflexion.
Cette imprécision caractérise un manquement à l’obligation de reclassement qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
La solution retenue s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence récente [1] qui sanctionnait déjà l’absence d’autres mentions obligatoires dans les offres de reclassement.
3. Les implications pratiques pour l’employeur.
3.1. Une obligation de transparence renforcée.
Cette décision impose à l’employeur une rigueur accrue dans la préparation des listes d’offres de reclassement.
Les critères de départage doivent être :
Définis préalablement à la diffusion des offres ;
Mentionnés explicitement dans la liste ;
Objectifs et non discriminatoires ;
Suffisamment précis pour permettre aux salariés de se déterminer en connaissance de cause.
Il est possible, par exemple, de se calquer sur les critères d’ordre des licenciements.
3.2. Des conséquences significatives en cas de manquement.
Le non-respect de cette obligation expose l’employeur à :
- La privation de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
- L’octroi de dommages-intérêts aux salariés concernés ;
- Un risque contentieux accru, même en l’absence de candidature effective des salariés sur les postes proposés…
Cette décision de la Cour de cassation précise utilement les contours de l’obligation de reclassement dans sa version modernisée par l’ordonnance Macron.
Si la diffusion collective des offres de reclassement constitue un assouplissement procédural bienvenu, elle ne dispense pas l’employeur d’une transparence totale sur les modalités de mise en œuvre du reclassement.
La mention des critères de départage apparaît désormais comme une condition de la validité de la procédure, participant de la loyauté qui doit présider à la recherche de reclassement.