Licenciements économiques - Contestation des catégories professionnelles d’un PSE = compétence exclusive du juge administratif.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Elise de Langlard, Juriste.

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Explorer : # licenciement économique # plan de sauvegarde de l'emploi # juridiction administrative # catégories professionnelles

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La Cour de cassation confirme que le juge administratif est compétent pour évaluer la validité des plans de sauvegarde de l’emploi, y compris la définition des catégories professionnelles. Le juge judiciaire ne peut pas se prononcer sur leur légalité, préservant ainsi la séparation des pouvoirs entre juridictions.
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L’arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2024 (Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-18.987) marque un point important dans la délimitation des compétences entre les juridictions administrative et judiciaire. En l’espèce, la question centrale est de savoir si le juge judiciaire peut remettre en cause les catégories professionnelles définies dans un accord collectif validé par la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), et ce, après l’annulation par le juge administratif d’une demande d’annulation de cet accord.

Cette décision, qui s’inscrit dans une jurisprudence consolidée, souligne que les litiges relatifs au Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) relèvent de la compétence exclusive du juge administratif, en particulier concernant la définition des catégories professionnelles et les critères d’ordre des licenciements.

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I. Faits.

La société Bristol-Myers Squibb a mis en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) suite à une réorganisation de l’entreprise. Ce plan a été validé en février 2017 par la Direccte, après négociation avec les organisations syndicales. Une salariée, embauchée depuis 1997 au sein de l’entreprise en tant que directrice associée, a postulé pour un départ volontaire dans le cadre de ce plan, en raison de son projet professionnel. Cependant, après un changement dans ses conditions de travail, elle a été informée que son poste n’était plus disponible et que la société souhaitait la réintégrer.

Suite à cette situation, elle a contesté la validité du plan de sauvegarde de l’emploi mis en place par son employeur dans le cadre de suppressions de postes et demanda la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour exécution déloyale du plan. Bien qu’elle ait formulé des demandes de résiliation de son contrat pour exécution déloyale du PSE et de paiement de diverses sommes, sa contestation portait sur des éléments directement liés à la validité de ce plan. En effet, elle remettait en cause la définition des catégories professionnelles retenues dans l’accord collectif majoritaire, qui fixait les critères pour déterminer les salariés concernés par les licenciements.

II. Moyens.

La salariée a fait valoir que, même si le juge administratif avait rejeté sa demande d’annulation du PSE, le juge judiciaire restait compétent pour apprécier la légalité des catégories professionnelles définies dans ce plan. Elle arguait que les catégories professionnelles définies dans le PSE étaient mal segmentées, ce qui, selon elle, avait affecté la pertinence de la réorganisation et entraîné une discrimination dans les conditions de reclassement des salariés. Ainsi, la déloyauté de l’exécution du PSE justifiait une compétence du juge judiciaire.

En revanche, l’employeur et la juridiction d’appel soutenaient que, en procédant ainsi, elle cherchait à transférer au juge judiciaire une question qui relevait de la compétence exclusive du juge administratif, à savoir le contrôle de la légalité de la définition des catégories professionnelles dans un PSE validé par l’autorité compétente.

La salariée forma alors un pourvoi devant la Cour de cassation.

III. Solution.

La Cour de cassation rejette les demandes de la salariée et confirme la solution des juges du fond. Elle affirme que le juge judiciaire, tout en restant compétent pour statuer sur les litiges relatifs à l’application des mesures du PSE, ne peut pas apprécier la validité d’un PSE, y compris la définition des catégories professionnelles.

Selon la cour, ce contrôle relève de la compétence de l’autorité administrative (la Direccte), limité à un contrôle de la régularité de la procédure, sans appréciation de la légalité des catégories professionnelles sur le fond. De fait, la cour précise que, en l’espèce, les litiges portant sur la régularité du PSE, qu’ils concernent l’accord collectif, le contenu du plan ou la procédure de licenciement, sont indissociables de la décision administrative validant ou homologuant le plan. Dès lors, le juge judiciaire, par voie d’exception, ne peut se prononcer sur ces éléments, confirmant ainsi l’incompétence de la juridiction judiciaire à connaître de ce type de litige.

IV. Analyse.

L’arrêt du 11 décembre 2024 met en lumière une question fondamentale du droit du travail : celle de la séparation des pouvoirs entre les juridictions judiciaires et administratives, en particulier dans le domaine du licenciement économique et des plans de sauvegarde de l’emploi, qui interdit au juge judiciaire d’examiner la légalité des actes administratifs validant le PSE.

En validant la solution retenue par la cour d’appel, la Cour de cassation confirme la répartition des compétences entre les juridictions, en précisant que même si la contestation porte sur des éléments relatifs à l’exécution d’un PSE, comme la définition des catégories professionnelles, la question de sa régularité doit être tranchée par le juge administratif. La compétence du juge judiciaire, quant à elle, est strictement encadrée par des règles spécifiques au contentieux du licenciement, et ne peut pas être étendue aux questions relevant du contrôle de la légalité du PSE.

Ainsi, la Cour de cassation consacre la compétence exclusive du juge administratif pour statuer sur les litiges relatifs à la validité des PSE et rappelle, à travers cette décision, l’importance de respecter les procédures juridictionnelles pour éviter toute confusion des rôles entre les deux juridictions ou dérive qui pourrait compromettre le bon fonctionnement du droit du travail. Cette solution est également en adéquation avec la jurisprudence antérieure, qui exclut systématiquement le juge judiciaire du contrôle de la légalité des plans de sauvegarde de l’emploi.

Elle souligne aussi l’importance de la validation administrative des PSE, qui confère à ces plans une certaine légitimité institutionnelle, protégée de toute remise en cause sur des bases techniques et organisationnelles par la juridiction judiciaire. Dès lors, la jurisprudence confirme également que le recours à la contestation devant le juge judiciaire, pour des questions administratives telles que la répartition des catégories professionnelles dans un PSE, est une tentative de contournement des règles procédurales applicables et constitue une voie de recours inappropriée.

Sur le fond, l’arrêt aborde de plus, la notion de catégorie professionnelle dans le cadre du licenciement économique. La cour rappelle que cette notion ne se réduit pas à un poste spécifique, mais doit englober l’ensemble des salariés exerçant des activités de même nature, requérant une formation professionnelle commune. Cette précision permet de mieux comprendre les enjeux liés à l’organisation des licenciements dans le cadre d’un PSE et souligne la nécessité de ne pas fonder la catégorisation des salariés uniquement sur leurs parcours individuels ou leur formation, mais bien sûr la nature de leurs fonctions au sein de l’entreprise.

Cet arrêt rappelle la nécessité de respecter les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, en renvoyant aux juridictions administratives le soin de juger de la validité des catégories professionnelles dans un PSE.

Source :

Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-18.987

Frédéric Chhum, Avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
Elise de Langlard, Juriste

Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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