I. Faits.
Une salariée de la société Lidl, a été engagée en 2011 comme caissière sous contrat à durée déterminée, transformé en contrat à durée indéterminée en 2012.
Le 16 octobre 2018, elle a été licenciée pour faute grave alors qu’elle était en état de grossesse.
Contestant son licenciement, elle a saisi les prud’hommes pour obtenir réparation, invoquant notamment la nullité de son licenciement en raison de la protection légale attachée à sa situation de femme enceinte.
Les juges de la Cour d’appel de Douai, constatant que l’employeur avait connaissance de son état de grossesse et ne justifiait pas la faute grave invoquée, ont prononcé la nullité du licenciement.
La Cour d’appel de Douai condamne alors l’employeur à payer à la salariée les salaires qu’elle aurait dû percevoir durant la période protégée par la nullité du licenciement d’une femme enceinte, à savoir l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes, selon l’article L1225-71 du Code du travail.
L’employeur, contestant les indemnités dues pour cette période, forme un pourvoi en cassation.
II. Moyens.
La société Lidl soutenait que, depuis une ordonnance de 2017, une salariée qui renonce à sa réintégration ne pouvait prétendre au paiement cumulatif des salaires couvrant la période de nullité du licenciement et de l’indemnité de rupture de six mois de salaire prévue par la loi.
La société estimait donc que la décision de la Cour d’appel de Douai violait les articles L1225-71 et L1235-3-1 du Code du travail.
III. Solution.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société.
Au visa des articles L1225-71 et L1235-3-1 du Code du travail, interprétés à la lumière des articles 10 de la Directive 92/85/CEE et de l’article 18 de la Directive 2006/54/CE elle affirme qu’une salariée en état de grossesse, licenciée illicitement pendant les périodes protégées, a droit non seulement à une indemnisation pour réparer les préjudices qu’elle a subi, correspondant à six mois de salaire, mais également aux salaires qu’elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, y compris les congés payés.
En l’espèce, l’employeur ne démontrait pas l’existence d’une faute grave et ne justifiait pas non plus d’une impossibilité de maintenir le contrat de la salariée pour un motif étranger à la grossesse, exceptions pour lesquelles le licenciement est autorisé.
La nullité du licenciement a donc été confirmée, et la société condamnée à payer les salaires dus pour la période de protection légale.
IV. Analyse.
La décision illustre l’articulation entre le droit national et le droit européen en matière de protection des salariées enceintes.
La Cour de cassation s’appuie sur la jurisprudence de la CJUE (notamment l’aff. C-407/14) ainsi que sur les directives européennes (92/85/CEE et 2006/54/CE) pour assurer le principe de l’égalité de traitement en garantissant une réparation intégrale, proportionnée et dissuasive en cas de licenciement discriminatoire.
De ces principes, elle en tire des conséquences financières pour l’employeur qui doit réparer intégralement le préjudice subi par la salariée soit par une réintégration, soit par une indemnisation adéquate.
Concernant notamment les indemnités obligatoires, la Cour de cassation énonce que la salariée a droit aux indemnités de rupture légales ou conventionnelles, et une indemnité d’au moins six mois de salaire, couvrant le préjudice résultant de la nullité du licenciement.
Cette indemnité, distincte des dommages et intérêts classiques, doit avoir un effet dissuasif contre les licenciements discriminatoires en application de l’article 18 de la directive 2006/54/CE.
Enfin, les salaires dus sont ceux qui couvrent l’intégralité de la période protégée par la nullité, y compris les congés payés afférents, indépendamment de la demande de réintégration.
Cette disposition vise à garantir une réparation intégrale des conséquences économiques du licenciement nul.
Ce cumul renforce ainsi l’effectivité du statut protecteur des salariées enceintes face aux discriminations directes liées au sexe, car le licenciement basé sur de tels motifs ne peut concerner que les femmes.
Au final, cette décision réaffirme l’objectif d’une protection renforcée des salariées contre les discriminations liées à la grossesse, en alignant le droit national sur les principes européens.
Elle rappelle également aux employeurs qu’un licenciement basé sur des motifs discriminatoires expose à des sanctions financières significatives et met l’accent sur l’importance d’une gestion respectueuse des droits des salariés.
Source.