A l’occasion d’une affaire de contrefaçon de graphiques pour des vêtements, la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 20 septembre 2022 a ainsi rappelé la nécessité de rechercher l’effort personnel de création de l’artiste dans la combinaison des éléments (I), et l’importance de démontrer le lien entre l’auteur et son œuvre (II) pour caractériser la contrefaçon.
I. Le droit d’auteur exclu pour défaut d’originalité.
Pour rappel, l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».
Les dispositions de l’article L112-1 du Code précité protègent par le droit d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, indifféremment du genre, de la forme d’expression, du mérite ou de la destination, et ce, pourvu qu’elles soient des créations originales.
L’article L122-4 du même Code prévoit que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
En application des articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, applicables à l’ensemble des œuvres de l’esprit, la contrefaçon se caractérise par l’atteinte portée aux droits exclusifs de l’auteur par notamment la reproduction, la représentation ou la diffusion, sans son autorisation des éléments qui caractérisent l’originalité de son œuvre.
Les prérequis de l’action en contrefaçon résident dans la démonstration de l’originalité et de la paternité de l’œuvre.
En l’espèce, un créateur revendiquait la titularité des droits d’auteur portant sur 55 œuvres graphiques (dessins et créations graphiques) destinées à l’élaboration d’articles de sport. Il reprochait en outre à la société exploitante de les commercialiser sans contrat de cession.
Il arguait de l’originalité desdites créations sur la base
« d’éléments graphiques spécifiques, associés à des couleurs précises qui confèrent à chaque produit un caractère singulier propre et témoignent d’une recherche esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur ».
La cour d’appel, après avoir rappelé que la preuve du caractère original incombe à celui qui s’en prévaut, affirme la nécessité d’être précis dans la démonstration de l’originalité :
« l’appelant se borne à faire état, par des allégations générales et non étayées, d’éléments graphiques spécifiques, de dessins et visuels originaux, sans caractériser en quoi les créations dont il prétend -sans en justifier- être l’auteur, porteraient l’empreinte de la personnalité de celui-ci ».
Une simple description générale et non détaillée n’est donc pas suffisante pour caractériser l’originalité de l’œuvre. À comprendre donc que les œuvres revendiquées par le créateur n’étaient pas protégées par le droit d’auteur. L’appelant était donc mal fondé à arguer de la contrefaçon des créations.
Force est de constater que la notion d’originalité est ambivalente et s’établit in concreto au gré des espèces. L’arrêt souligne en ce sens l’incertitude inhérente à cette notion puisque les parties étaient parties du postulat que les créations étaient originales. A titre subsidiaire, la société soutenait qu’il s’agirait d’œuvres collectives.
Outre le débat sur le caractère protégeable ou non des créations, l’argument avancé par la société souligne le fait que seules les personnes investies des droits d’auteur sur une œuvre ont la possibilité d’exercer une action en contrefaçon.
II. La paternité : condition sine qua none à la protection par le droit d’auteur.
Si aucun formalisme n’est requis pour qu’une création soit protégée par le droit d’auteur, en cas de contentieux il est toutefois nécessaire de prouver qui en est l’auteur de l’œuvre revendiquée.
L’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».
En l’absence de revendication, une présomption de titularité des droits est donc instaurée au profit de celui qui l’exploite, i.e en l’espèce la société.
Dans cette affaire, la société exploitait commercialement les œuvres litigieuses pour les produits et le matériel commercialisé par la société. Pour renverser la présomption, le créateur a versé différentes pièces au dossier qui n’ont pas convaincu la cour.
Au demeurant, l’inventaire dressé de sa main ainsi que deux attestations ont été jugés insuffisants pour défaut de forme ou de valeur probatoire. Effectivement, l’une des attestations n’obéissant pas aux formes de l’article 202 du Code procédure civile, a été écartée des débats et l’inventaire constituait une preuve réalisée par le créateur lui-même.
L’unique élément probant était donc une attestation, certes, en bonne et due forme, mais non-suffisante pour établir la paternité effective de l’appelant sur 55 œuvres graphiques.
Ainsi, la Cour d’appel de Bordeaux énonce que
« faute d’établir l’originalité des créations et faute de démontrer en être le créateur, c’est à bon droit que le tribunal a débouté [le requérant] de ses demandes au titre de l’action en contrefaçon ».
En tout état de cause, la question de la titularité des droits devient sans objet dès que les créations visées ne sont pas originales.
La décision de la Cour d’appel de Bordeaux a le mérite de rappeler que la recevabilité de l’action en contrefaçon de droit d’auteur est subordonnée, d’une part à la démonstration de l’originalité de l’œuvre et à l’apport probant de la qualité d’auteur d’une part.
Il est en outre opportun de rappeler que, si le droit d’auteur s’acquiert sans formalité, des solutions existent pour renforcer les droits des créateurs. Souvent ignoré, il est permis de recourir à des procédures de dépôt ou d’enregistrement afin de faciliter la preuve de la paternité et la date de création de l’œuvre.
Enfin, s’agissant de la dimension patrimoniale du droit d’auteur, il convient d’être particulièrement vigilant quant à l’exploitation de l’œuvre d’autrui. Il est fortement recommandé de conclure un contrat de cession de droits avec le créateur au préalable afin d’éviter tout litige.
Cet accord est tenu à un certain formalisme précisant notamment l’usage autorisé, l’étendue des exploitations couvertes par la cession, la durée des droits cédés, la zone géographique concernée ou encore le montant de la cession. A noter que chaque contrat de cession devra être adapté au cas d’espèce et établi le plus précisément possible.
Source : [1].