Par Marilou Ollivier, Avocat.

Nullité de la rupture conventionnelle conclue dans un contexte de harcèlement moral.

Dans un arrêt rendu le 1er mars 2023, la Cour de cassation a annulé une rupture conventionnelle au motif que la salariée se trouvait, au moment de la signature, dans une situation de violence morale en raison du harcèlement moral dont elle était victime.
Cass. soc., 1er mars 2023, n°21.21-345.

1. Faits et procédure.

Dans cette affaire, une salariée employée comme Chargée de recrutement avait conclu une rupture conventionnelle de son contrat de travail avec son employeur le 5 juin 2014.

Peu après, la salariée avait saisi le Conseil de prud’hommes en soutenant avoir été victime de harcèlement moral afin d’obtenir l’annulation de sa rupture conventionnelle.

En appel, la cour avait reconnu l’existence d’une situation de harcèlement moral caractérisée par des « propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire et des troubles psychologiques qui en sont résultés » à l’encontre de la salariée.

Elle avait considéré que ce harcèlement moral avait placé la salariée dans une situation de violence morale qui avait vicié son consentement.

Elle avait donc annulé la rupture conventionnelle et condamné l’employeur à verser à la salariée des dommages-intérêts pour harcèlement moral, des dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait la nullité de la rupture conventionnelle ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.

L’employeur a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

2. Position de la Cour de cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et confirme ainsi la décision de la Cour d’appel d’Aix-en Provence :

« La cour d’appel a souverainement estimé que la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence, résultant notamment de propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire et des troubles psychologiques qui en sont résultés.

Elle en a exactement déduit que la convention de rupture était nulle ».

3. Analyse de cette décision.

Cette décision se situe dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de rupture conventionnelle en présence d’une situation de harcèlement moral [1].

Pour rappel, le consentement du salarié à une rupture conventionnelle doit être exempt de tout vice.

Or, dans cette affaire la Cour d’appel avait pris soin de justifier que le harcèlement moral subi par la salariée avait eu pour conséquence de la placer dans une situation de violence morale qui avait aboli sa liberté de consentement.

Elle avait en conséquence annulé la rupture conventionnelle pour vice du consentement.

C’est donc sans surprise que la Cour de cassation approuve la Cour d’appel.

On peut néanmoins regretter que l’employeur n’ait pas soulevé de moyen relatif aux effets indemnitaires de l’annulation de la rupture conventionnelle pour cause de violence morale devant la Cour de cassation.

En effet, ni les textes ni la jurisprudence n’établissent clairement les conséquences de l’annulation d’une rupture conventionnelle en présence d’une situation de harcèlement.

Certaines Cours d’appel ont pu juger qu’en cas d’annulation d’une rupture conventionnelle en raison d’un harcèlement moral, les effets sont ceux d’un licenciement nul [2].

A l’inverse, d’autres ont considéré que même en présence d’un harcèlement moral, la rupture conventionnelle annulée produit les effets d’un licenciement simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse [3].

Pour sa part, la Cour de cassation jamais eu à trancher expressément cette question.

Il serait donc intéressant qu’une décision de la Haute juridiction intervienne pour définir clairement les conséquences indemnitaires de l’annulation d’une rupture conventionnelle en lien avec un harcèlement.

Marilou Ollivier
Avocat à la Cour
Selarl Chhum Avocats
03.20.57.53.24
www.chhum-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-24.296 ; Cass. soc. 4 novembre 2021, n°20-16.550 D.

[2Cass. soc. 29 janvier 2020, n° 18-24.296 ; Cass. soc. 4 novembre 2021, n° 20-16.550.

[3Cass. soc. 30 janvier 2013, n° 11-22332, BC V n° 24.

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