Au retour d’un arrêt maladie de près de 4 mois, s’étant soldé par un avis d’aptitude du médecin du travail, une salariée a signé ce même jour une rupture conventionnelle avec son employeur.
Une fois la convention homologuée par l’administration, la salariée s’est portée devant la justice pour obtenir son annulation ce qu’elle a obtenu.
En effet, selon les juges du fond, cette convention était nulle, car au moment de la signature, la salariée avait subi un harcèlement moral, caractérisé par un avertissement injustifié et par des attitudes blessantes et déstabilisantes, ayant conduit à un arrêt de travail.
Un certificat médical établi quelques jours avant la procédure de la rupture, avait relevé chez l’intéressée « une blessure narcissique, une estime de soi fortement atteinte et des sentiments de doute, d’humiliation et d’angoisse encore très présents ».
De fait, pour la Cour d’appel, ces faits de harcèlement moral, dont il était résulté de tels troubles psychologiques caractérisaient une situation de violence au sens de l’article 1112 du Code civil, selon lequel « Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent », c’est-à-dire un vice du consentement impliquant l’annulation de la convention et de surcroît faisant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation en affirmant que la validité du consentement de la salariée devait s’apprécier au jour de la signature de la convention, si bien que le certificat médical du médecin du travail ayant été rendu antérieurement, il ne pouvait être retenu par les juges.
La Cour de cassation l’a débouté au motif que : « La cour d’appel a souverainement estimé que la salariée était, au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ».
Le rejet du pourvoi signifie que la convention est bien nulle et que la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
QUE RETENIR DE CET ARRÊT ?
Pour signer une rupture conventionnelle, il faut que le consentement du salarié soit libre et éclairé ! Aucune violence morale ne doit venir perturber son consentement.
La solution n’est pas critiquable, car elle ne fait que satisfaire aux exigences de l’article L. 1237-11 du Code du travail disposant que la rupture conventionnelle « ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. »
Une telle solution peut donc très bien trouver à s’appliquer à l’employeur, s’il est victime de violence morale.
Par contexte de violence morale, il ne faut pas seulement entendre uniquement des faits de harcèlement moral, mais toutes pressions, chantage, procédés vexatoires utilisés par l’employeur sur son salarié (mais la situation inverse est envisageable) pour obtenir son consentement de quitter ses fonctions en signant une convention de rupture amiable.
En résumé, le droit des contrats est au service des victimes de violence morale à qui on souhaite arracher son consentement pour signer à tort une rupture amiable.
Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332
Discussions en cours :
Cette décision met en évidence la nécessité d’institutionnaliser une pratique intelligente, et constructive, la rupture amiable, par la présence d’un tiers neutre, impartial, indépendant : le médiateur professionnel.
Il sera en effet le garant de la sincérité des parties au moment de la signature de la convention, et de la situation saine dans laquelle est prise la décision. La convention aura été signée à l’issue du processus de médiation permettant de faire émerger sans pression les intérêts des deux parties.
Je rejoins votre opinion, le rôle du médiateur n’est pas à négliger.
Cependant, en pratique, il est rarement aisé d’y faire appel, faute pour les circonstances de s’y prêter.
Je lis vos articles toujours avec plaisir. Connaissez-vous la thèse du Pr CHAUVEL sur le sujet ?
Avec mon bon souvenir,
André CASTALDO
Pr émérite Paris II
Je vous remercie beaucoup, cela me fait plaisir surtout venant de vous.
Eh bien non, je ne connaissais pas sa thèse. je vais m’enquérir d’aller voir de quoi il en retourne.
Bien à vous.