Inédit : nullité d’une convention de rupture amiable signée dans un climat de violence morale.

Par Grégory Rouland, Avocat.

1741 lectures 1re Parution: 4 commentaires 4.76  /5

Explorer : # harcèlement moral # violence morale # rupture conventionnelle # vice du consentement

Dans un arrêt du 30 janvier 2013, la Cour de cassation se prononce pour la première fois sur le fait de savoir si une convention de rupture amiable est nulle, car conclue avec une salariée qui, lors de la signature, était dans une situation de violence morale.

-

Au retour d’un arrêt maladie de près de 4 mois, s’étant soldé par un avis d’aptitude du médecin du travail, une salariée a signé ce même jour une rupture conventionnelle avec son employeur.

Une fois la convention homologuée par l’administration, la salariée s’est portée devant la justice pour obtenir son annulation ce qu’elle a obtenu.

En effet, selon les juges du fond, cette convention était nulle, car au moment de la signature, la salariée avait subi un harcèlement moral, caractérisé par un avertissement injustifié et par des attitudes blessantes et déstabilisantes, ayant conduit à un arrêt de travail.

Un certificat médical établi quelques jours avant la procédure de la rupture, avait relevé chez l’intéressée « une blessure narcissique, une estime de soi fortement atteinte et des sentiments de doute, d’humiliation et d’angoisse encore très présents ».

De fait, pour la Cour d’appel, ces faits de harcèlement moral, dont il était résulté de tels troubles psychologiques caractérisaient une situation de violence au sens de l’article 1112 du Code civil, selon lequel « Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent », c’est-à-dire un vice du consentement impliquant l’annulation de la convention et de surcroît faisant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation en affirmant que la validité du consentement de la salariée devait s’apprécier au jour de la signature de la convention, si bien que le certificat médical du médecin du travail ayant été rendu antérieurement, il ne pouvait être retenu par les juges.

La Cour de cassation l’a débouté au motif que : « La cour d’appel a souverainement estimé que la salariée était, au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ».

Le rejet du pourvoi signifie que la convention est bien nulle et que la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

QUE RETENIR DE CET ARRÊT ?

Pour signer une rupture conventionnelle, il faut que le consentement du salarié soit libre et éclairé ! Aucune violence morale ne doit venir perturber son consentement.

La solution n’est pas critiquable, car elle ne fait que satisfaire aux exigences de l’article L. 1237-11 du Code du travail disposant que la rupture conventionnelle « ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. »

Une telle solution peut donc très bien trouver à s’appliquer à l’employeur, s’il est victime de violence morale.

Par contexte de violence morale, il ne faut pas seulement entendre uniquement des faits de harcèlement moral, mais toutes pressions, chantage, procédés vexatoires utilisés par l’employeur sur son salarié (mais la situation inverse est envisageable) pour obtenir son consentement de quitter ses fonctions en signant une convention de rupture amiable.

En résumé, le droit des contrats est au service des victimes de violence morale à qui on souhaite arracher son consentement pour signer à tort une rupture amiable.

Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-22.332

Grégory Rouland
Docteur en Droit et Avocat
gregory.rouland chez outlook.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

51 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 550 membres, 28198 articles, 127 292 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs