L’obligation vaccinale contre la covid-19 et les droits de l’homme dans les États d’Afrique noire francophone

Charles Kouladoumadji, Juriste.

1186 lectures 1re Parution: 4.97  /5

Explorer : # obligation vaccinale # droits de l'homme # afrique noire francophone # crise sanitaire

En Afrique noire francophone, l’obligation vaccinale contre la Covid-19 est un filtre des droits de l’homme, en période de crise sanitaire, juridiquement soutenu. Une compatibilité entre obligation vaccinale contre la Covid-19 et Droits de l’homme pourrait être établie dès lors qu’il est admis que les impératifs de santé collective emportent certaines dérogations aux libertés des citoyens pour protéger d’autres droits.

-

Toutefois, même en période de crise, la subjectivité des individus devrait demeurer la priorité dans la recherche de cette compatibilité. De même, les interventions de l’Etat, même en période de crise, devraient être adaptées aux contextes afin d’éviter tout mimétisme inutile. C’est dire qu’avant de contraindre il faut éduquer et s’assurer d’une juste conciliation entre les obligations positives et les obligations négatives.

« (…) Une de plus ! Et on se prend à souhaiter qu’un jour un compromis acceptable puisse être établi entre les nécessités croissantes et inéluctables de la vie collective et le respect de la liberté de l’homme ».

La vaccination, convient-il de le rappeler, est la technique médicale consistant à inoculer une substance capable de procurer une immunité contre une maladie infectieuse.

L’obligation vaccinale quant à elle est une imposition quand une vaccination efficace et bien tolérée peut maîtriser une infection sévère, potentiellement mortelle et incontrôlable par tout autre moyen.

Elle s’insère dans un contexte d’urgence ou de gravité de la situation sanitaire et d’insusceptibilité d’autre moyen de recours pour y remédier. De ce fait, l’une des grandes interrogations relatives à l’obligation vaccinale contre la covid-19 serait assurément sa justification. Cette dernière tient essentiellement d’une part aux faits ou aux circonstances actuelles ou persistantes, telle la résurgence d’une pandémie.

On exclurait donc la probabilité (future) dans le processus d’établissement d’une obligation vaccinale. C’est à juste titre que le Professeur Didier Raoult affirmait que « c’est de la sorcellerie que de prédire ce qu’une nouvelle maladie va devenir ».

D’autre part, elle tient à l’objectif initial visé, naturellement, l’éradication de la pandémie.

Partant de cette considération, la maitrise d’une pandémie par un vaccin reste la seule preuve de son efficacité. En termes plus simples, l’absence d’une pandémie actuelle ou persistante susceptible d’être freiner par une vaccination ne justifierait pas l’obligation vaccinale.

Par conséquent, la crédibilité d’un vaccin imposé au sein d’un Etat peut également tenir à la qualité des produits médicaux. C’est au fond le débat en France sur la question. Pour le Professeur Philipe Segur, « la question de l’obligation vaccinale, bien que souvent évoquée, l’est rarement sous l’angle qui devrait être le sien : celui de l’expérimentation médicale à propos de laquelle les règles du droit de l’UE comme celles du droit français sont clairement établies ».

L’Autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle donnerait un « caractère expérimental » aux vaccins ; car « selon l’Agence européenne des médicaments (EMA), ce type d’autorisation est délivrée sur la base de données moins complètes que ce qui est normalement requis et suppose que le fabricant s’engage à fournir des données cliniques complètes à l’avenir.

Une thèse contredite dans un article en « réponse directe » portant le même titre, par les spécialistes du droit de la santé et de santé publique, Caroline Lantero et David Braunstein, pour qui, les vaccins contre la Covid-19 n’ont rien d’une expérimentation ou d’essais cliniques : « s’agissant des vaccins contre la Covid 19, si leur développement a été accéléré du fait de l’urgence, l’évaluation de leur rapport bénéfice/risque se base bel et bien sur le critère principal de jugement d’une étude de phase 3 de grande ampleur (44 000 participants pour Pfizer) ».

Pour ces spécialistes de la santé, « très schématiquement, (…) la phase 3, confirmatoire, vise à confirmer l’efficacité et la sécurité du médicament sur un grand nombre de participants ». Il ne serait donc plus question d’une expérimentation et le AMM, même conditionnelle, ne traduirait pas la qualité des vaccins contre la Covid-19. Contextuellement, depuis mars 2020, il s’agissait de faire face à une diffusion très rapide du virus SARS-CoV-2.

L’effort considérable de recherche s’est traduit, à l’automne 2020, par le développement de nouveaux vaccins dont l’efficacité sur le virus a abouti à leur homologation par les firmes pharmaceutiques, leur validation par l’OMS puis à leur mise sur le marché. Toutefois, l’imposition de l’obligation vaccinale sur l’étendue d’un territoire national relève de la souveraineté de l’Etat. C’est dire qu’imposer l’obligation vaccinale nécessiterait l’intervention de l’État comme pilier de la santé publique.

C’est ainsi qu’en dépit des retombés déjà connus de cette crise sanitaire, seuls deux Etats d’Afrique noire francophone, le Togo et la République du Congo, ont atteint, en fin décembre 2021, le seuil de 10% de population vaccinée. Dans cet ordre d’idée, les autres Etats d’Afrique noire francophone ne sont pas du reste. Au Gabon, en Guinée, ou en Côte d’Ivoire, bien que substantiellement aucune législation en vigueur ne prévoie cette imposition pour le moment, l’obligation vaccinale est une évidence.

Et, même si l’obligation n’est pas, ou pas encore erga omnes, plusieurs catégories de sujets sont concernées par cette restriction, notamment, les personnels de santé, des fonctionnaires de l’Etat, les forces de défense et de sécurité ainsi que des étudiants.

Cependant, l’obligation vaccinale s’oppose prima facie aux grands principes du droit de la santé précisément celui du consentement aux soins, fondement du principe de la vaccination volontaire. Historiquement, c’est le procès de Nuremberg qui donna l’élan à ce principe. Pour le Tribunal : « le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition (…) ».

Cette décision rendue par le Tribunal Militaire a de près inspiré l’adoption des grandes déclarations et conventions internationales relatives aux droits de l’homme. C’est ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIRDESC) du 16 décembre 1966, en son article 12 (1), consacre « le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre ». L’alinéa 2 prévoit les obligations positives de l’Etat et son intervention comme le garant de ce droit par la prise des mesures nécessaires pour assurer « la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques, endémiques, professionnelles et autres, ainsi que la lutte contre ces maladies ».

Une analogie pourrait être établie avec l’article 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP ) qui dispose d’une part que : « (1) toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre », et d’autre part, que « (2) les Etats parties à la présente Charte s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie ». Intégrées aux plus hauts rangs des dispositifs normatifs des Etats d’Afrique noire francophone, par « un mouvement d’internationalisation des constituions », ces déclarations et conventions internationales relatives aux droits de l’homme dépassent les cadres géographiques par le principe de l’universalité des droits de l’homme. On pourrait d’ailleurs parler d’un « droit constitutionnel international » des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone dès lors que depuis les années 1959-1960, la plupart de ces constitutions ont proclamé « un ferme attachement aux droits et libertés fondamentaux universellement reconnus dans un État de droit », avec notamment « une référence rituelle (…) à tous les grands textes en la matière (…) ».

Les droits de l’homme sont « l’ensemble des droits qui conditionnent à la fois la liberté de l’Homme, sa dignité et l’épanouissement de sa personnalité ». En termes plus simples, il s’agit des droits inhérents à la nature humaine. Par ailleurs, l’obligation vaccinale qui implique une contrainte dans l’acceptation du produit médical traduit une tension entre les principes d’autonomie et de solidarité.

Mais comment concilier libertés humaines et obligation vaccinale en Afrique noire francophone où le contexte social est particulièrement marqué par une grande méfiance quant à la médecine moderne et aux « vaccins extérieures » ? Ou encore aux interrogations qui ne cessent de naitre sur l‘évaluation de l’efficacité des vaccins contre la Covid-19 face aux mutations du SARS-CoV-2 ? L’obligation vaccinale contre la Covid-19 en Afrique noire francophone a un double impact sur les droits de l’homme.

On relève d’une part, un impact juridique, au niveau de l’opposition entre le concept de la responsabilité de protéger de l’Etat et la garantie des droits fondamentaux par l’Etat. D’autre part, un impact social dans la possibilité offerte aux citoyens de disposer des voies de recours en cas des violations desdits droits par l’imposition d’une vaccination contre la Covid-19, et ce, dans la mesure où les droits de l’homme reflètent une conception particulière des rapports entre le pouvoir et l’individu. Ils constituent la limitation de l’exercice du pouvoir et, en cas d’atteinte, sont garantis par des mécanismes déterminés. La nécessité de gérer les conflits de libertés nous amène donc à nous interroger sur la question de savoir : l’obligation vaccinale contre la Covid-19 est-elle compatible avec les droits de l’homme en Afrique noire francophone ?

Comme le dit l’adage courant, « aux grands maux, des grands remèdes », la compatibilité entre l’obligation vaccinale contre la Covid-19 et les droits de l’homme est soutenue par le droit international en période de crise sanitaire (I). Toutefois, si l’acceptation du vaccin par les Etats d’Afrique noire francophone ne pose aucun problème, son acceptation au sein de ces Etats amène à parler d’une compatibilité en quête d’harmonie (II). Tel est le sens de cette contribution esquissée en ces pages.

Pour lire l’intégralité de l’article, cliquez sur le lien suivant :

Charles Kouladoumadji, Juriste.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 550 membres, 28198 articles, 127 292 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs