Dans la Lettre d’Hiver 2008 du Cabinet WAGRET, nous avions commenté une décision de la Cour d’appel de Paris qui avait fait application de la théorie de l’accessoire pour rejeter une action en contrefaçon de droits d’auteur intentée contre le réalisateur et les producteurs du film documentaire Être et Avoir.
Rappelons que, dans ce film, apparaissaient à de nombreuses reprises à l’écran des illustrations tirées de la méthode d’apprentissage de la lecture intitulée Super Gafi, ces illustrations étant apposées sur les murs de la salle de classe. N’ayant été ni sollicités pour leur autorisation préalable ni rémunérés par les producteurs du film, l’auteur-dessinateur des œuvres et le cessionnaire de ses droits patrimoniaux, la Société des auteurs, des arts visuels et de l’image fixe (SAIF), avaient décidé d’agir en contrefaçon.
Leur action judiciaire s’était soldée par un échec, prononcé par les magistrats parisiens en septembre 2008, ceux-ci ayant considéré que les œuvres litigieuses n’étaient à aucun moment dans le film représentées pour elles-mêmes, mais uniquement en arrière-plan de l’action principale. Ils avaient donc jugé que la représentation des œuvres n’était qu’accessoire au sujet du documentaire, de sorte qu’il n’y avait pas eu communication au public ni atteinte au monopole de l’auteur et de ses ayant-droits.
Saisie par les appelants déboutés, la Cour de cassation était invitée à dire le droit dans cette affaire, principalement à décider si les juges du fond avaient pu légalement fonder leur décision sur une exception aux droits de l’auteur non prévue par l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI).
En effet, cette disposition légale, d’interprétation nécessairement stricte, prévoit plusieurs exceptions aux droits de l’auteur d’une œuvre, auxquelles il ne peut s’opposer, mais au nombre desquelles ne figure pas la communication au public de façon accessoire par opposition à une communication au public faite à titre principal. Cet argument, parfaitement restitué par le moyen, permettait de conclure que la cour d’appel était allée au-delà de ce que la loi prévoit.
Mais les juges suprêmes, reprenant les termes de l’arrêt et se fondant sur l’intention du législateur, rejetèrent le moyen [1], considérant qu’ :« "une telle présentation de l’œuvre litigieuse était accessoire au sujet traité résidant dans la représentation documentaire de la vie et des relations entre maître et enfants d’une classe unique de campagne, de sorte qu’elle devait être regardée comme l’inclusion fortuite d’une œuvre, constitutive d’une limitation au monopole d’auteur, au sens de la Directive 2001/29 CE du 22 mai 2001, telle que le législateur a, selon les travaux préparatoires, entendu la transposer en considération du droit positif" [2]. »
La théorie de l’accessoire est donc une nouvelle fois consacrée par la Cour de cassation.
Nous ferons néanmoins remarquer qu’un élément a, semble-t-il, fortement influencé les juges dans cette affaire. Cet élément est la nature même de l’œuvre principale en cause. Et s’il est ici possible de parler, sans équivoque selon nous, de représentation d’œuvres accessoire par rapport à un sujet principal, c’est parce que le film Être et Avoir, est un film documentaire [3]. Or, et la cour d’appel l’avait justement relevé, "s’agissant d’un film documentaire sur la vie d’une école à la campagne, il ne peut être fait grief au producteur de ne pas avoir supprimé les illustrations figurant sur les murs alors que le but d’un documentaire est de restituer précisément le cadre réel dans lequel évoluent les personnages du sujet du film".
La décision serait-elle différente si l’œuvre principale était une œuvre de fiction ?