C’est une nouvelle fois, sur fond de crise économique, que 51 députés de toutes appartenances politiques confondues, ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée Nationale le 5 novembre 2009, visant à instaurer une contribution de solidarité des clubs professionnels de football.
Notons d’emblée, que cette proposition ne vise pas le sport professionnel dans son ensemble, mais uniquement le football, sans doute parce qu’il génère, de par son exceptionnel pouvoir d’attraction, un maximum de revenus directs et indirects.
Retour sur un projet qui pourrait modifier la répartition de la contribution de solidarité au sport amateur...
Les associations sportives bénéficient d’un soutien affirmé de l’État : aides financières directes au fonctionnement et à la réalisation des projets associatifs, aides financières à l’emploi, aides éventuelles en personnel, allègements de charges sociales et fiscales, mesures spécifiques d’encouragement des entreprises au mécénat et encouragement du bénévolat.
Il existe aujourd’hui une véritable dépendance du financement du sport en France par l’Etat .
Cette dépendance s’explique en grande partie par l’organisation du mouvement sportif français axée sur un modèle fédéral permettant de mettre en oeuvre des mécanismes de solidarité.
Parmi, les principaux organes de financement des politiques publiques du sport, le Centre National pour le Développement du Sport (CNDS), Etablissement Public Administratif ayant succédé au Fond national pour le développement du sport (FNDS), contribue de manière active au développement de la pratique sportive par tous les publics.
Aux termes de l’article R. 411-2 du code du sport, le CNDS exerce ses missions par l’attribution de concours financiers, sous forme de subventions d’équipement ou de fonctionnement :
au Comité national olympique et sportif français ;
aux associations sportives, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements ;
et aux organismes assurant le fonctionnement des antennes médicales de prévention du dopage mentionnées à l’article L. 232-1 du code du sport, ainsi qu’aux associations et groupements d’intérêt public qui interviennent dans le domaine des activités physiques et sportives.
Le CNDS est donc un financeur du sport amateur au niveau local, qui bénéficie de recettes affectées.
Les ressources du CNDS (268 M€ en 2008) proviennent :
de prélèvements sur le chiffre d’affaires de La Française des Jeux ;
des produits du placement de sa trésorerie.
Ces ressources ont très largement chuté entre 2008 et 2009, passant de 268 millions d’euros à 211,7 millions d’euros.
Cette significative diminution des fonds du CNDS a conduit l’ensemble du mouvement sportif à rechercher de nouvelles sources de financement.
En 2010, la dotation du CNDS devrait ainsi être issue :
d’une partie du produit de la contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives (article 302 bis ZE du code général des impôts), dite « taxe Buffet ». Le montant de cette recette pour le CNDS est évalué à 43,3 millions d’euros.
sous réserve de l’adoption du projet de loi sur les jeux en ligne présenté au Parlement, une contribution nouvelle de 1,3 % pour 2010 (taux augmenté à 1,8 % par l’Assemblée nationale) sur les mises jouées sur les paris sportifs de la Française des Jeux et des nouveaux opérateurs agréés, dont la recette est évaluée à environ 30 millions d’euros en année pleine.
un prélèvement de 1,8 % sur les sommes misées sur les jeux exploités en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer par la Française des jeux dans la limite d’un plafond de 163 millions d’euros en 2008, indexé chaque année sur la prévision de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Sous réserve de l’adoption du projet de loi sur les jeux en ligne, l’assiette de ce prélèvement exclura les paris sportifs. La recette attendue pour 2010 est évaluée à 154,3 millions d’euros.
Au total, les crédits du CNDS devraient s’élever à 227,6 millions d’euros en 2010.
C’est précisément dans ce contexte de recherches actives de nouvelles sources de financement de cet établissement public chargé du développement du sport que des députés ont déposé une proposition de loi visant à instituer une nouvelle ressource financière au profit du CNDS : une taxe sur les recettes brutes générées par les indemnités de mutation de joueurs professionnels de football.
Le produit de cette contribution serait destiné au financement du sport amateur.
Concrètement, ladite contribution « serait affectée au Centre National pour le développement du sport, lequel devrait la répartir ensuite à raison :
de 30 % aux clubs de football amateurs des communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue à l’article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales ou au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, en fonction du nombre de licenciés ;
de 70 % aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ou au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France, qui subventionnent au moins un club municipal de football amateur. »
Un nouvel article L.411-3 du Code du Sport serait ainsi institué afin de mutualiser les revenus issus des transferts de joueurs de football professionnels au profit du sport amateur.
L’alinéa 3 dudit article fixerait différents taux de contribution selon le pays dans lequel seraient installés les clubs sportifs concernés par l’opération de transfert.
Ainsi, « le taux de la contribution serait de 5 % en cas de transfert entre sociétés ou clubs sportifs français, de 10 % en cas de transfert entre une société ou un club sportif français et une société ou un club sportif d’un État membre de l‚Union européenne et de 15 % en cas de transfert entre une société ou un club sportif français et une société ou un club sportif d’un État non membre de l’Union européenne. »
Cette modulation du taux de contribution en fonction de la provenance nationale, communautaire ou extracommunautaire du joueur concerné par l’opération de transfert peut surprendre tant elle déroge au principe de la libre circulation des personnes.
Outre cette entrave manifeste à ce principe communautaire, un tel amendement n‚aura vraisemblablement de chance d‚aboutir que si ses rédacteurs s’astreignent à préciser les modalités de mise en place d’un tel dispositif (notamment l‚assiette de la contribution de solidarité) tout en apportant un éclairage sur les clubs visés par ce nouveau prélèvement (clubs de Ligue 1, Ligue 2 uniquement et/ou Clubs du Championnat de France National et Amateur.
Déjà très lourdement handicapé par la suppression, le 30 juin prochain, du dispositif consacrant le droit à l’image collective des sportifs professionnels, le sport professionnel et plus particulièrement le football professionnel subirait un nouveau coup dur en cas d’adoption de cette proposition parlementaire.
Déplacer le problème du financement du sport amateur sur le caractère exorbitant des montants de certains (sic) transferts de joueurs professionnels n’est pas audacieux.
Ne vaudrait-il pas mieux revoir le problème à la base et repenser le système aléatoire et arbitraire des subventions accordées par les municipalités aux clubs amateurs ?
Ne vaudrait-il pas mieux encourager l’initiative privée, par l‚autofinancement, le sponsoring, le partenariat privé/public, la publicité... ?
Ne vaudrait il pas mieux s’attarder sur le problème récurrent de l’exode de nos meilleurs footballeurs vers des pays à fiscalité attractive ?
Antoine Séméria
Avocat à la Cour
Auteur de nombreux articles en droit du sport
Source : Projet de Loi de Finances pour 2010 : Sport, Jeunesse et Vie Associative présenté le 19 novembre 2009 par les sénateurs Pierre MARTIN et Jean-Jacques LOZACH