1) Faits et procédure.
Mme [S] a été engagée en qualité d’infirmière par la société Euromed cardio suivant trois contrats à durée déterminée du 18 au 31 mai 2017, du 1ᵉʳ juin au 30 juin 2017 et du 1ᵉʳ août au 30 août 2017, puis par contrat à durée indéterminée du 4 septembre 2017, ce dernier contrat prévoyant une période d’essai de deux mois.
L’employeur a notifié à la salariée la rupture de la période d’essai le 15 septembre 2017.
2) Moyen.
La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande au titre de l’inopposabilité de la période d’essai et de ses différentes demandes alors que : « en retenant que les deux premiers contrats ne se trouvaient pas dans la continuité du troisième contrat de travail à durée déterminée et du contrat de travail à durée indéterminée conclu à sa suite, tout en constatant cependant que l’interruption d’un mois entre le deuxième et le troisième contrat de travail à durée déterminée était intervenue au mois de juillet 2017, soit pendant la période légale de prise du congé principal, ce dont il résultait, nonobstant la brève interruption du mois de juillet 2017, l’existence d’une relation de travail continue depuis le premier contrat de travail à durée déterminée, qu’il lui appartenait de prendre en considération dans son ensemble, la cour d’appel a violé l’article L1243-11 du Code du travail ».
3) Réponse de la Cour.
Au visa de l’article L1243-11 du Code du travail, la Cour de cassation affirme que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.
Il en résulte que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un contrat à durée indéterminée à la suite d’un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée, la durée du ou de ces contrats est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le contrat de travail à durée indéterminée.
Pour débouter la salariée de ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence retient que les deuxième et troisième contrats sont espacés d’une période intercalaire d’un mois, que les troisième et quatrième contrats sont espacés d’une période intercalaire de trois jours calendaires, et que cette discontinuité ne caractérise pas une chaîne de contrats pour leur totalité, mais seulement pour le contrat du 1ᵉʳ au 30 août 2017 suivi dès le 4 septembre 2017 du contrat à durée indéterminée.
L’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence conclut que seule la durée du contrat à durée déterminée du 1ᵉʳ au 30 août doit être déduite de la période d’essai qui expirait le 4 octobre 2017 et que l’employeur, qui a rompu celle-ci par lettre du 17 septembre 2017, se trouvait encore dans le délai pour le faire.
En statuant ainsi, alors qu’elle constatait que la salariée avait été engagée par contrats à durée déterminée, d’abord du 18 au 31 mai 2017, ensuite du 1ᵉʳ juin au 30 juin 2017 et enfin du 1ᵉʳ août au 30 août 2017, puis avait conclu un contrat à durée indéterminée le 4 septembre 2017, qu’elle avait exercé à cette occasion en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, ce dont il résultait que la même relation de travail s’était poursuivie avec l’employeur depuis le 18 mai 2017 et qu’ainsi la durée des trois contrats de travail à durée déterminée devait être déduite de la période d’essai, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
4) Analyse.
Cet arrêt doit être approuvé.
En l’espèce, la salariée avait été employée en qualité d’infirmière :
- en CDD du 18 au 31 mai 2017, ensuite du 1ᵉʳ juin au 30 juin 2017 et enfin du 1ᵉʳ août au 30 août 2017,
- puis elle avait conclu un contrat à durée indéterminée le 4 septembre 2017,
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, avait conclu que seule la durée du dernier CDD du 1ᵉʳ aout au 30 aout 2017 devait être déduite de la période d’essai de 2 mois du CDI.
Elle est sèchement recadrée par la Cour de cassation qui considère que les 3 CDD devait être déduit de la période d’essai.
La Cour de cassation relève que la salariée avait été employée en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, ce dont il résultait que la même relation de travail s’était poursuivie avec l’employeur depuis le 18 mai 2017.
Rappelons que la période d’essai a pour objet d’apprécier les capacités professionnelles du salarié.
En l’occurrence, après 3 CDD d’une durée de plus de 2 mois et 14 jours, l’employeur avait largement eu le temps d’apprécier les qualités professionnelles de la salariée.
En pratique, beaucoup d’entreprises utilisent le CDD comme une « super » période d’essai, ce qui est bien sûr illicite.
Les salariés doivent être vigilants.
Ces derniers ne doivent pas hésiter à contester la rupture de période d’essai dans de telles circonstances.
Le présent arrêt doit être rapproché des 2 arrêts suivants.
Dans un arrêt du 9 octobre 2013 (n° 12-12.113), la Cour de cassation avait affirmé qu’il résulte de l’article L1243-11 du Code du travail que lorsque le salarié a été, après l’échéance du terme de son contrat à durée déterminée, engagé par contrat à durée indéterminée, la durée du ou des contrats à durée déterminée est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail ; qu’il importe peu que le salarié ait occupé le même emploi, en exécution de différents contrats.
Par ailleurs, dans un arrêt du 13 juin 2012 (n° 10-28.286), la Cour de cassation avait affirmé que la salariée avait, pendant une durée de quatorze jours au cours des mois de mai et juin 2006, exercé le même emploi d’employée de service auprès du même employeur qui avait donc déjà pu apprécier ses capacités professionnelles, ce dont il résultait que cette durée devait être déduite de la période d’essai prévue dans le nouveau contrat, de sorte que la rupture intervenue le 31 juillet 2006 était postérieure à l’expiration de la période d’essai.
Source :
C. cass. 19 juin 2024, n°23-10.783 publié au bulletin