La personne responsable dans le domaine du cosmétique : les dispositions européennes et chinoises.

Par Christel Boissel, Avocat et Muriel Havas, Étudiante.

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Explorer : # réglementation cosmétique # conformité des produits # personne responsable # sanctions

Il existe un certain nombre de conditions à satisfaire pour être en mesure de commercialiser les produits cosmétiques en toute légalité. Le nouveau règlement chinois entré en vigueur cette année vient susciter un intérêt de la part des marques internationales de cosmétiques. Il est donc intéressant d’étudier l’une de ses principales réformes concernant la personne responsable et de comparer avec le règlement européen applicable depuis 2013.

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Union européenne.

Le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement Européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques (mis en application depuis le 11 juillet 2013) a remplacé la directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques. Ce règlement s’applique à tous les produits mis sur le marché européen et implique leur conformité à sa régulation.

Il y a plusieurs étapes pour mettre un produit cosmétique sur le marché européen en toute légalité.

Tout d’abord, il faut rassembler des documents nécessaires à la future mise en conformité (formule qualitative et quantitative, méthode de fabrication, déclaration de tests sur les animaux, documents sur les matières premières…).
Ensuite, il faut vérifier la conformité de la formule d’un point de vue réglementaire. Cela permet par exemple de déterminer si le produit est importable ou non.
La troisième étape est la rédaction du Dossier d’Information sur le Produit cosmétique (DIP). C’est un dossier réglementaire indispensable à la mise en marché qui comprend une évaluation de sécurité devant être menée par un toxicologue assermenté. L’article 11 prévoit justement la liaison de ce dossier entre la personne responsable et l’autorité de contrôle.
Puis, il faut enregistrer sur le « Cosmetic Products Notification Portal » (CPNP) diverses informations sur le produit cosmétique.
Enfin, il faut une personne responsable pour mettre un produit cosmétique sur le marché européen. Cette notion est l’élément primordial de cette newsletter.

L’article 4 définit la personne responsable, seule responsable vis-à-vis des autorités. Un produit cosmétique ne peut être mis sur le marché que si la personne responsable est une personne physique ou morale désignée dans la Communauté. Il précise que « la personne responsable garantit, pour chaque produit cosmétique mis sur le marché, la conformité aux obligations applicables établies dans le présent règlement ».

Chine.

Le règlement sur l’administration de l’hygiène des cosmétiques (化妆品卫生监督条例), vieux de trente ans, était critiqué pour l’absence de base juridique permettant aux « National Medical Products Administration » (NMPA) d’adopter une approche plus proactive de la réglementation et de la surveillance des cosmétiques importés et des fabricants de cosmétiques étrangers.
Aussi a-t-il été remplacé par le Règlement sur la supervision et l’administration des cosmétiques (CSAR - 化妆品监督管理条例), publié le 29 juin 2020 et entré en vigueur le 1er janvier 2021.

L’une des réformes centrales du règlement concerne le renforcement de la gestion de la sécurité et de la qualité des produits cosmétiques en transférant une plus grande partie de la charge aux déclarants et aux notifiants.

Il y a plusieurs étapes pour mettre un produit cosmétique sur le marché chinois en toute légalité.

Tout d’abord, il faut enregistrer les cosmétiques à usage spécial, tant ceux locaux qu’importés. Il faut désigner un agent responsable en Chine dans le cas de produits importés.
Il faut vérifier la conformité de la formule, de l’étiquette et de l’allégation.
Ensuite, il faut organiser le test du produit par des laboratoires agréés par la NMPA.
Enfin, il faut soumettre à approbation les documents d’enregistrement et les échantillons de produits à la NMPA.

Le nouveau règlement prévoit que les sociétés déposantes sont responsables des allégations de qualité, de sécurité et d’efficacité des cosmétiques.

Concernant les cosmétiques importés, l’article 23 prévoit que les déclarants/notifiants étrangers doivent désigner une entité juridique chinoise pour gérer les questions réglementaires en Chine pour l’enregistrement ou la notification des produits.
L’agent responsable national est une condition préalable à la demande d’enregistrement d’un produit auprès de la NMPA.

Qui peut être la personne responsable ?

Union européenne :

L’article 4 du Règlement de 2009 distingue la Personne Responsable selon son rôle :

- 4.3 « Pour un produit cosmétique fabriqué dans la Communauté ne faisant pas l’objet, par la suite, d’une exportation puis d’une réimportation dans la Communauté, le fabricant établi dans la Communauté est la personne responsable ».
- 4.5 « Pour un produit cosmétique importé, chaque importateur est la personne responsable du produit cosmétique spécifique qu’il met sur le marché ».
- 4.6 « Le distributeur est la personne responsable lorsqu’il met un produit cosmétique sur le marché sous son nom ou sa marque, ou modifie un produit déjà mis sur le marché de telle manière que sa conformité aux exigences applicables risque d’en être affectée ».
- 4.4 et 4.5 « Le fabricant ou l’importateur peut désigner comme personne responsable, par mandat écrit, une personne établie dans la Communauté, qui accepte par écrit ».

L’article 5 dispose des obligations des personnes responsables. Celles-ci doivent garantir « la conformité aux articles 3, 8, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17 et 18, à l’article 19, paragraphes 1, 2 et 5, ainsi qu’aux articles 20, 21, 23 et 24 » du règlement de 2009.

Chine :

La principale exigence est que l’agent responsable national soit établi en Chine.

Il peut être :

- Un distributeur chinois ;
- Des experts ou consultants en réglementation (attention aux exigences de la NMPA sur l’expérience et les connaissances professionnelles) ;
- Une entreprise à capitaux entièrement étrangers (WFOE) : dans cette situation, elle doit disposer d’un bureau réel et physique (et non virtuel) puisque la NMPA peut effectuer une inspection sur place.

Si la WFOE doit agir pour un produit fabriqué localement, elle devra, en tant que demandeur, détenir les systèmes de qualité et de gestion requis.
Si la WFOE agit pour un produit importé, seuls le demandeur étranger et l’entreprise de production devront fournir le SMQ.

Désormais, l’agent responsable national fait désormais face à des obligations rigoureuses et s’expose à une responsabilité plus stricte.

Le règlement chinois prévoit certaines obligations pour les titulaires et les déposants de cosmétiques. Ces derniers doivent respecter les articles 18, 22, 29 et 32, notamment concernant les connaissances professionnelles de la Personne Responsable. Celle-ci doit avoir des connaissances professionnelles liées à la qualité et à la sécurité des cosmétiques (en médecine, pharmacie, chimie, toxicologie, chimie et/ou biologie), et plus de cinq ans d’expérience dans la production de cosmétiques ou la gestion de la qualité et de la sécurité.

Si tant en Europe qu’en Chine, la personne responsable doit être basée respectivement dans l’UE ou en Chine, dans le cas de produits cosmétiques importés, le règlement européen n’implique pas forcément l’importateur comme personne responsable.

Que se passe-t-il si le produit cosmétique n’est pas conforme au règlement ?

Union européenne :

Un contrôle est réalisé auprès de la personne responsable de la mise sur le marché des produits cosmétiques, autrement dit, la personne détentrice du dossier d’information sur le produit (DIP). L’Autorité nationale compétente (des États membres où le produit est mis à disposition ou l’État ou le DIP est tenu à disposition) peut demander aux personnes responsables de fournir toutes les informations nécessaires pour démontrer la conformité des aspects spécifiques du produit.
Si la personne responsable ne détient pas le DIP, cela correspond à une infraction au Règlement de 2009.

L’article 5 du Règlement prévoit les actions de la personne responsable en cas de contrôle : prendre les mesures correctives pour le mettre en conformité, le retirer ou le rappeler ; informer les autorités nationales compétentes ; coopérer avec ces autorités.
L’article 25 du Règlement prévoit quant à lui les exigences des autorités compétentes auprès de la personne responsable.

Si la non-conformité est constatée, les autorités peuvent exiger des mesures appropriées telles que la mise en conformité du produit, le retrait ou le rappel du produit.

Exemple français : Le 8 février 2017, cinq arrêtés préfectoraux ont entraîné la fermeture d’un établissement pour non-respect des bonnes pratiques de fabrication et le retrait, le rappel ou la suspension de commercialisation de produits contenant des substances interdites.
Les saisies ont porté presque exclusivement sur des produits de blanchiment de la peau contenant des substances interdites.

Chine :

Le nouveau Règlement prévoit un éventail de sanctions pas large si un déclarant ou notifiant étranger ne respecte pas le règlement.
L’agent responsable national s’expose également à des sanctions plus graves.

En effet, les notifiants/déclarants étrangers peuvent voir leurs produits cosmétiques interdits d’importation pour une période pouvant aller jusqu’à 10 ans (Article 70).
Cet article prévoit également que l’agent responsable national peut être soumis à des pénalités telles que des actions correctives, des amendes pouvant aller jusqu’à 0,5 million de RMB, ou l’exclusion pour cinq ans de toute activité dans le domaine des cosmétiques

Le nouveau Règlement prévoit également que la NMPA peut contrôler davantage les fabricants de cosmétiques problématiques. Elle peut émettre des avertissements de sécurité à l’intention du public, ordonner des rappels de produits obligatoires, examiner et copier la documentation pertinente, mettre sous scellés, saisir des cosmétiques et des ingrédients potentiellement dangereux, et fermer des sites de production ou de distribution impliqués dans des activités illégales.

Le nouveau Règlement chinois prévoit des sanctions similaires à celui européen en cas de non-conformité : retirer le produit du marché, rappeler le produit cosmétique.
Sa récente entrée en vigueur ne permet pas encore de déterminer l’application des sanctions en pratique. Il semble toutefois que la proportionnalité des sanctions soit plus sévère que celles européennes (montant des amendes…).

Pour les fabricants de cosmétiques étrangers, le nouveau règlement chinois permet un meilleur accès au marché, malgré des obligations et des mesures des autorités chinoises plus élargies. On peut observer que la Chine tente de rationaliser son cadre réglementaire pour l’industrie cosmétique et favoriser l’implantation des marques internationales en Chine.
Les responsabilités et sanctions des détenteurs de licences cosmétiques en cas de non-conformité sont sévères. Contrairement au règlement européen qui n’implique pas la responsabilité des importateurs s’ils désignent une personne établie dans la Communauté, les notifiants/déclarants étrangers partagent une responsabilité avec les agents responsables nationaux. Les entreprises cosmétiques internationales doivent donc améliorer leur système de gestion de la qualité et à remplir leurs obligations avec plus de diligence si elles souhaitent s’étendre sur le marché chinois. L’un des points le plus important pour ces marques internationales est de choisir le bon partenaire chinois capable de répondre aux exigences d’agence responsable national.

Christel Boissel
Avocat au Barreau de Paris
Muriel Havas
Étudiante en droit des affaires internationales
c.boissel.avocat chez gmail.com
https://www.linkedin.com/company/cbavocats/?viewAsMember=true

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