I. Le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides.
En matière d’indemnisation des travailleurs victimes des pesticides, doit être mentionné la création du fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, dont le fonctionnement, l’organisation et les modalités d’indemnisation des victimes de pesticides sont définis par le Décret n° 2020-1463 du 27 novembre 2020.
II. Le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides : un dispositif insatisfaisant et incomplet.
Régi par le code de la sécurité sociale [1] et le Code rural et de la pêche maritime [2], il se donne quatre objectifs :
- 1° Faciliter les démarches de reconnaissance des maladies professionnelles ;
- 2° Indemniser plus équitablement, grâce à un complément d’indemnisation, les exploitants agricoles dont l’indemnisation en matière d’accidents du travail et maladies professionnelles est moindre que celle attribuée aux salariés ;
- 3° Prendre en charge les retraités agricoles exposés aux pesticides et qui ont pris leur retraite avant 2002 ;
- 4° Proposer une indemnisation pour les enfants exposés aux pesticides pendant la période prénatale du fait de l’exposition professionnelle de l’un ou des deux parents et qui a provoqué une pathologie chez l’enfant.
Le FIVP voit son activité croître doucement avec 326 dossiers en 2021 (dont 212 complets, qui ont donné lieu à 166 accords, 46 refus, et 14 incomplets) et 326 dossiers en 2021 (dont 324 complets qui ont donné lieu à 242 accords et 82 refus) mais reste, pour l’heure, très peu mobilisé FIVP [3].
Le FIVP prévoit un système d’indemnisation forfaitaire, dont les montants sont modiques, voire dérisoires, au regard des dommages causés. Par ailleurs, il exclut malheureusement les populations de riverains alors même qu’elles sont exposées aux pesticides et que les risques liés à une telle exposition sont bel et bien établis dans la littérature scientifique [4].
Il est toutefois pertinent de solliciter ce fonds pour les victimes qui peuvent le faire, car la réparation ainsi obtenue « ne fait pas obstacle à l’engagement d’une action juridictionnelle, selon les voies de recours de droit commun », ainsi que le précise le dernier alinéa de l’article L491-1 du Code de la sécurité sociale ; il s’agit d’ailleurs là d’une différence notable avec le fond d’indemnisation des victimes de l’amiante.
III. Au-delà du FIVP : la voie contentieuse.
En ce qui concerne les travailleurs ayant déclaré une maladie, c’est par-devant le pôle social du Tribunal judiciaire que ceux-ci pourront obtenir l’intégralité de la réparation des préjudices causés par leur exposition aux pesticides en soulevant la responsabilité de leur employeur dans le cadre d’une action sur le fondement de la faute inexcusable de l’employeur [5].
En ce qui concerne les travailleurs n’ayant pas développé de maladie(s) mais ayant été exposés aux pesticides, ceux-ci peuvent espérer bénéficier de la récente évolution jurisprudentielle relative au préjudice d’anxiété [6].
À l’instar de l’amiante, ces produits génèrent effectivement une inquiétude permanente de tomber gravement malade en raison de leur caractère nocif ou toxique et du risque élevé de développer une telle pathologie.
Par ailleurs – et cela ne concerne cette fois plus uniquement les salariés exposés aux pesticides – la saga judiciaire relative à l’affaire Paul François laisse à penser que s’ouvre la voie des contentieux portant sur la responsabilité des producteurs de produits phytopharmaceutiques à l’égard de leurs victimes [7].
En effet, la responsabilité de la firme Monsanto a été engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. S’il est évident que cette affaire constitue un exemple topique, il n’en demeure pas moins que ce fondement constitue une voie envisageable pour engager la responsabilité d’un producteur de pesticides.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’en dépit de l’évolution des normes et des équipements de protection utilisés, leur efficacité a encore été clairement mise en cause [8]. Certains pesticides contiennent effectivement des nanoparticules et l’on peut s’interroger sur l’efficacité des équipements afin de protéger le travailleur de ces nanoparticules. À l’évidence, la question demeure ouverte.