LOPMI : le renforcement des pouvoirs de la victime durant l'enquête pénale. Par Réda Hammouche, Avocat.

Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

LOPMI : le renforcement des pouvoirs de la victime durant l’enquête pénale.

Par Réda Hammouche, Avocat.

2076 lectures 1re Parution: 4.86  /5

Explorer : # renforcement des droits des victimes # enquête pénale # Égalité des armes # législation judiciaire

Régulièrement considérée comme la grande oubliée des diverses refontes de la justice pénale, la victime a longtemps cherché sa place au sein du procès pénal entendu au sens large, à savoir dans son triptyque composé des trois phases : enquête, instruction, jugement.

-

S’inscrivant dans un mouvement de renforcement des droits de la victime intensifié ces dernières années, la « LOPMI » (ou Loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur) du 24 janvier 2023 contribue à cette tendance au stade de l’enquête.

Face à une procédure dans laquelle l’accusation (conduite par le Ministère Public) et la défense (celle du mis en cause, notamment portée par son avocat) constituaient traditionnellement le centre de gravité, des voix de plus en plus fortes se sont élevées, dénonçant un manque de considération pour une victime peu ou pas associée à l’objectif de manifestation de la vérité poursuivi par l’autorité judiciaire.

Dès lors, depuis quelques années, le législateur s’est attelé à renforcer les droits de la victime pour lui permettre de peser davantage dans le procès pénal.

Un renforcement des droits de la victime à la faveur d’une tendance législative d’actualité.

Très récemment, fort de l’élan impulsé par le Grenelle des violences conjugales, le législateur s’est montré soucieux d’améliorer la qualité de la prise en charge des victimes lors de leur dépôt de plainte au sein des commissariats de police et gendarmeries.

C’est ainsi que la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire est venue consacrer pour la victime - au sein de l’article 10-4 alinéa premier du Code de procédure pénale - le droit pour les victimes d’être accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure, par leur représentant légal et par la personne majeure de leur choix, « y compris par un avocat ».

La « LOPMI » du 24 janvier 2023 - entrée en vigueur le 26 janvier suivant - est venue apporter sa pierre à cet édifice en modifiant à son tour l’article 10-4 du Code de procédure pénale.

Depuis cette date, l’article 10-4 comporte désormais un second alinéa disposant que :

« Lorsque la victime est assistée par un avocat, celui-ci peut, à l’issue de chacune de ses auditions, poser des questions. Il peut également présenter des observations écrites. Celles-ci sont jointes à la procédure ».

Une « égalité des armes » entre la victime et le suspect.

Pour l’heure peu commentée par les observateurs, cette modification législative se révèle pourtant considérable en ce qu’elle permet de combler une certaine carence juridique, assurant ainsi un rééquilibrage entre les droits de la victime et ceux du mis en cause au stade de l’enquête.

Jusqu’à présent, la victime n’avait en effet que peu de prise sur le déroulé de l’enquête menée à la suite de sa plainte par les services de police ou de gendarmerie.

Concrètement, passé le dépôt de plainte, le rôle de la victime se cantonnait jusqu’alors essentiellement à être entendue une ou plusieurs fois, accompagnée ou non, et à patienter le temps des investigations menées par les enquêteurs jusqu’à être informée soit d’une décision de poursuite du mis en cause, soit de classement sans suite par le Procureur de la République.

Dans ce processus, les occasions pour la victime de participer à la manifestation de la vérité se matérialisaient ainsi :
- par ses déclarations spontanées lors de ses auditions,
- par les réponses fournies aux questions lui étant posées par l’officier de police judiciaire chargé de mener l’enquête,
- par ses réactions aux déclarations du mis en cause sur lesquelles elle peut être invitée à rebondir dans le cadre d’une éventuelle confrontation organisée par l’enquêteur à son initiative ou à celle du procureur de la République,
- par les observations et questions que son avocat a la possibilité de formuler durant une telle confrontation (article 63-4-4 du Code de procédure pénale).

Le mis en cause de son côté (entendu sous le régime de l’audition libre ou de la garde à vue) jouissait quant à lui d’un outil supplémentaire dont ne disposait pas la victime jusqu’alors, à savoir la faculté pour son avocat de formuler des observations écrites ou de poser des questions à son client à l’issue de chacune de ses auditions.

Désormais, l’alinéa 2 de l’article 10-4 du Code de procédure pénale offre la même possibilité à l’avocat de la victime à l’issue de chacune de ses auditions, lui permettant à son tour d’être acteur de la procédure et de sortir de la simple mission d’assistance.

En un sens, la LOPMI du 24 janvier 2023 consacre une certaine forme « d’égalité des armes » entre victime et mis en cause durant la phase d’enquête.

Réda Hammouche,
Avocat au barreau de Périgueux

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

37 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs