Qu’est-ce que la publicité des débats ?
Consacré tant en droit supranational (article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qu’en droit interne au rang constitutionnel (Conseil Constitutionnel, n° 2017-645 QPC, 21 juill. 2017) et législatif (articles 306, 400 et 535 du Code de procédure pénale), la publicité est d’abord un principe fondamental du fonctionnement de la procédure pénale.
Plus précisément, le principe, englobant à la fois les débats et l’énoncé de la décision, constitue une exigence essentielle visant à assurer la transparence de la justice, à renforcer la confiance des citoyens envers celle-ci, tout en préservant son bon fonctionnement au sein d’un État de droit bannissant tout arbitraire.
En quoi est-elle restreinte pour les juridictions pour enfants ?
Très tôt, la France prend conscience de l’importance cruciale d’instaurer une procédure judiciaire distincte et modérée pour les mineurs. En effet, dès 1945, est promulguée ce que l’on appelle l’« Ordonnance de 1945 ». Ce texte législatif, adopté par voie d’ordonnance, montre une réelle ambition d’adapter la procédure pénale ordinaire aux spécificités de la minorité du délinquant face à la justice.
C’est dans cette ordonnance que le principe de « publicité restreinte » de la procédure a été introduit pour la première fois, notamment en ses articles 14 et 20, ces derniers prévoyant limitativement les personnes pouvant assister à l’audience de jugement du mineur et les règles de publicité de la décision. Il n’en demeure pas moins que celui-ci va se développer progressivement au gré des décisions de la Cour de cassation, notamment lorsque ce principe sera consacré « d’ordre public », passant de « condition essentielle à la validité des débats » (Crim., 20 mars 1958) à, si celui-ci n’est pas respecté, violation qui « porte nécessairement atteinte au mineur » (Crim. 6 janvier 1993).
Cependant, 76 ans après l’adoption de l’ordonnance du général de Gaulle du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le Code de la justice pénale des mineurs voit le jour, entrant en vigueur le 30 septembre 2021. N’introduisant aucune nouveauté radicale, ce code se contente de réaffirmer la philosophie et les dispositions préexistantes, notamment à travers son titre préliminaire intitulé « Des principes généraux de la justice pénale des mineurs » (article L12-3), précisé par les dispositions de l’article L513-2 du même code.
Désormais, alors que « devant le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la Cour d’assises des mineurs, seuls sont admis à assister aux débats la victime, qu’elle soit ou non constituée partie civile, les témoins de l’affaire, les représentants légaux, les personnes civilement responsables, l’adulte approprié mentionné à l’article L311-1 et les proches parents du mineur, la personne ou le service auquel celui-ci est confié, les membres du barreau ainsi que les personnels des services désignés pour suivre le mineur », l’on voit que « le jugement ou l’arrêt est quant à lui rendu en audience publique, en présence du mineur ». Puis, selon le Code de l’organisation judiciaire, « la chambre spéciale des mineurs connaît de l’appel des décisions du juge des enfants et du tribunal pour enfants. Elle statue dans les mêmes conditions qu’en première instance ». La procédure spéciale est donc applicable à l’ensemble des juridictions traitant les affaires concernant des mineurs.
Pourquoi est-elle restreinte ? Est-ce acceptable de juger différemment des « délinquants » ?
D’abord, parce que les mineurs sont perçus comme plus vulnérables physiquement, émotionnellement et psychologiquement, en raison de leur développement en cours et de l’influence potentielle de facteurs tels que le milieu familial, l’éducation et l’environnement social. Alors, en raison de leur immaturité et de leur capacité limitée à comprendre les conséquences de leurs actes pour certains, les mineurs sont considérés parfois comme « moins responsables » [1].
Ainsi, la justice des mineurs cherche souvent à les rééduquer plutôt qu’à les punir.
Cette volonté de rééduquer met en place alors nombreux dispositifs telle que la publicité restreinte, afin d’éviter une stigmatisation précoce et offrir des opportunités pour une réinsertion réussie. Parce qu’en effet, il n’est pas toujours approprié, dans le souci de préserver son avenir, que tous les événements et aspects de sa personnalité soient exposés publiquement. La réinsertion future du mineur peut devenir considérablement plus compliquée si de nombreuses informations, concernant son caractère, son parcours et ses actes, ont été divulguées.
L’ensemble de ces informations sont alors également préservées d’une diffusion massive, celle des médias. Parce que si les médias permettent dans un premier temps d’informer les citoyens des activités de la justice et des faits divers locaux, ces derniers peuvent parfois avoir tendance à se substituer à celle-ci. Cette tendance se manifeste singulièrement lorsque les médias, grâce à des techniques stylistiques qu’ils maîtrisent parfaitement, soumettent l’affaire à l’appréciation souveraine de la justice populaire. Toutefois, cette protection vise principalement à éviter la diffusion d’informations concernant le jeune accusé dans la presse, en particulier celles liées à son identité (les initiales étant même interdites).
Ces dispositions de restriction de la publicité, contraires en apparence, sont jugées conformes à l’article 6-1 de la CESDH selon deux arrêts rendus par la Cour Européenne des Droits de l’Homme le 16 décembre 1999, affaires V. c. Royaume-Uni et T. c. Royaume-Uni. La restriction étant proportionnelle et recherchant un but précis et légitime, la protection d’un mineur.
Quel avenir pour cette décision ?
Un débat peut s’ouvrir. Incontestablement, la juridiction des mineurs, les portes étant fermées aux citoyens, peut sembler énigmatique, voire obscure : est-ce bénéfique à la société ? Avec certitude, lorsqu’une affaire suscite un intérêt légitime en soulevant notamment des questions sociétales, la publicité des débats, et par extension la divulgation intégrale du dossier, peut contribuer à éclairer le processus ayant conduit une personne à commettre cette infraction.
Dans ce contexte, cet arrêt semble se présenter comme un simple rappel. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, si les parties sont tenues de contribuer à la célérité de la justice en évitant toutes manœuvres dilatoires ou saisines abusives des juridictions, les juges sont également priés de faire preuve de rigueur. Si cette rigueur avait été observée, la Cour de cassation n’aurait pas été saisie pour un énième litige, évitant ainsi de prolonger les délais de décision et la nécessité de rejuger l’affaire en publicité restreinte devant la cour d’appel.