Proposition de mesures préventives de lutte contre la corruption concernant les autorités répressives.

Par Alain Bollé.

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La corruption désigne une déviance : « Le comportement du détenteur d’une autorité qui, dans le cadre de ses fonctions, publiques ou privées, utilise sa situation de pouvoir pour détourner une règle, à son profit, ou à celui d’une autre personne » (P. Lascoumes).
Les autorités judiciaires au sens large, policiers, gendarmes, magistrats, greffiers et agents pénitentiaires, constituent une cible privilégiée des organisations criminelles. Elles ont besoin, pour étendre leurs activités, d’avoir accès aux différents fichiers, de connaitre en amont la programmation des opérations de police, de bénéficier d’une immunité lors d’une interpellation…

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La corruption est un comportement pénalement répréhensible par lequel une personne sollicite, agrée ou accepte un don, une offre ou une promesse, des présents ou des avantages quelconques d’une personne en vue d’accomplir, de retarder ou d’omettre d’accomplir un acte entrant d’une façon directe ou indirecte dans le cadre de ses fonctions. Le corrupteur est celui qui propose, le corrompu est celui qui accepte.

La corruption des fonctionnaires et militaire, qu’il s’agisse de magistrats, greffiers, policiers nationaux, municipaux, gendarmes ou agents pénitentiaires, constitue un réel fléau fragilisant la confiance des citoyens envers les institutions publiques et déstabilisant des pans entiers de la société.

Les organisations criminelles, notamment les trafiquants de stupéfiants, ont besoin pour développer leurs activités tout en réduisant les risques judiciaires, d’avoir accès à certaines informations ou d’obtenir certains avantages. La corruption des policiers ou des gendarmes leur facilitent, notamment, l’accès aux différents fichiers de police, le développement de leurs activités sans risquer d’être interpellés en étant informé des opérations judiciaires. La corruption des magistrats et greffiers leur offrent, entre autres, la possibilité d’échapper à toutes poursuites judiciaires ou d’obtenir une atténuation de leur peine et d’avoir accès aux dispositifs de politique pénale. Lorsque les criminels ou les délinquants n’ont pu échapper à l’emprisonnement, la corruption des agents pénitentiaires leur favorise l’accès aux téléphones, armes, stupéfiants et facilite la poursuite de leurs activités criminelles. Il convient d’observer que les agents publics dans la plupart des cas n’ont pas d’autre choix que celui d’accepter le pacte de corruption pour protéger leur vie ou celle de leur famille.

Face à cette menace, il est indispensable de mettre en œuvre des mesures de prévention efficaces, basées sur des cadres légaux associées à des actions concrètes. Il convient dès lors de définir le cercle d’action préventif pour s’assurer que les moyens mis en œuvre sont adéquats.

I. Le cercle d’action préventif de la lutte contre la corruption.

Le cercle d’action repose sur la détermination des agents publics concernés et le cadre légal dans lequel s’inscrivent les mesures préventives.

1.1. Les agents publics concernés par les mesures préventives.

Les agents publics concernés échelonnent la chaine pénale, il s’agit des fonctionnaires de la police et des militaires de la gendarmerie nationales, des magistrats, des greffiers et des agents pénitentiaires.

Selon, l’article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, le statut des magistrats fait l’objet d’une loi organique. Celle-ci fixe les principes d’indépendance et d’inamovibilité des magistrats du siège, ainsi que les conditions d’intervention du Conseil supérieur de la magistrature dans le cadre des nominations et de la discipline des magistrats. Les règles statutaires intéressant les magistrats sont définies par une ordonnance.

Les magistrats sont chargés d’appliquer et de faire appliquer la loi. Il existe deux grandes catégories de magistrats, ceux de l’ordre judiciaire comprenant les magistrats du siège et du parquet, et les magistrats de l’ordre administratif.
Les magistrats du siège sont chargés d’appliquer la loi en rendant des décisions de justice conformes au droit, en toute impartialité.
En matière civile, ils tranchent les conflits entre les personnes et en matière pénale, ils sanctionnent les auteurs d’infraction. Les magistrats du parquet sont les représentants de la société. Ils exercent l’action pénale, participent aux politiques publiques locales, exécutent les décisions pénales définitives et sont chargés de protéger les mineurs en danger. Ils interviennent également dans certaines procédures civiles et commerciales pour défendre l’ordre public.
Les greffiers des services judiciaires sont des fonctionnaires soumis à la loi du 11 janvier 1984. Le greffier est le garant du bon déroulement de la procédure judiciaire. Sa présence est obligatoire à l’audience. Il assiste les magistrats et rédige les projets de décisions et de réquisitoires, il authentifie les actes juridictionnels. Il enregistre les affaires, constitue les dossiers et dresse les procès-verbaux. Son rôle est essentiel, tout acte juridictionnel accompli en son absence peut être frappé de nullité, c’est-à-dire considéré comme invalide. Il joue également un rôle d’intermédiaire entre les avocats, le public et les magistrats. À ce titre, il reçoit les justiciables au service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) ou au sein des services spécialisés pour les renseigner sur les procédures à suivre et sur la constitution de leur dossier.

La loi du 9 juillet 1966 a créé la version actuelle de la police nationale. La loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité de janvier 1995, confirmée en août 2012 par la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, liste les missions attribuées à la police nationale. Ces missions sont la sécurité et la paix publique, la police judiciaire, les missions de renseignements et d’informations.

La police judiciaire est chargée de recevoir les plaintes des victimes, de constater des infractions pénales, de recueillir les preuves et les analyser, de mener des enquêtes, d’identifier et interpeller les auteurs des infractions pour les soumettre à la justice. La police nationale intervient sur l’ensemble du territoire, et même à l’international pour traiter les affaires dont elle est chargée.

La Gendarmerie est constituée de plusieurs échelons remplissant des missions spécifiques. Nous n’aborderons que les échelons de la Gendarmerie départementale qui représentent la majorité des effectifs. Elle assure entre autres des missions de sécurité publique et de police judiciaire. Son organisation est pyramidale. Pour ses missions de police judiciaire, elle est articulée en une sous-direction de la police judiciaire, un institut de recherches criminelles, d’offices centraux, de sections et de brigades de recherches. La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois, la police judiciaire constitue l’une de ses missions essentielles. Elle assure la sécurité publique et l’ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication. Elle contribue à la mission de renseignement et d’information des autorités publiques, à la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’à la protection des populations .

Les deux institutions se différencient par leur statut. Les gendarmes sont des militaires, rattachés au ministère de l’Intérieur au côté de la Police nationale et de la Sécurité Civile. Les policiers et les gendarmes partagent un même code de déontologie, ils exercent les mêmes missions dans des zones de compétences distinctes. La police nationale, dont la compétence est essentiellement urbaine, est implantée dans les grandes agglomérations et certaines communes qui disposent d’une police municipale. La gendarmerie intervient en zone péri-urbaine, dans les petites et moyennes villes et dans les territoires plus ruraux. La limite de la zone de compétence des gendarmes est fixée à 20.000 habitants.

Les personnels pénitentiaires assurent la prise en charge des personnes condamnées à une peine et contribuent à leur réinsertion. Ils prennent également en charge les prévenus. Ils veillent à la sécurité de l’établissement pénitentiaire, des personnes détenues et des personnels, notamment par leurs missions de maintien de l’ordre, d’accompagnement lors des déplacements internes, de contrôles et de fouilles…Ils peuvent intervenir en prison mais aussi à l’extérieur, notamment dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Le niveau de responsabilité du personnel est lié aux grades.

L’agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité . Une personne dépositaire de l’autorité publique peut être poursuivie pénalement lorsqu’elle transgresse la loi.
Le fait de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ou pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. L’infraction de corruption passive est punie de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. La peine d’amende est portée à 2 000 000 € ou, s’il excède ce montant, au double du produit de l’infraction, lorsque les infractions sont commises en bande organisée.

L’agence nationale a recensé quelques faits délictueux :
• Un fonctionnaire de police plus particulièrement chargé du contrôle des débits de boisson dans un commissariat depuis plus de 30 ans a été condamné, du chef de corruption passive et trafic d’influence passif, pour avoir entre juillet 2014 et avril 2018, reçu des biens et de l’argent en espèces (23 800 euros découverts à son domicile) de la part d’exploitants d’établissements ou de débits de boisson afin notamment de ne pas effectuer de contrôles ou pour en limiter le nombre ;
• Un contrôleur général de la police nationale, chef d’un district au sein d’une direction de la sécurité publique d’une agglomération a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits de violation du secret professionnel, trafic d’influence passif, recel et abus de biens sociaux commis entre 2011 et février 2014, pour avoir profité de sa profession pour consulter fréquemment des fichiers de police ;
• Un surveillant pénitentiaire a été condamné pour des faits de remise irrégulière d’objets par personne chargée de la surveillance des détenus et corruption passive commis entre janvier et juin 2015. Il lui est reproché d’avoir, lors de fouilles de cellules, saisi plusieurs téléphones de détenus et sollicité, en échange de leur restitution, une rétribution en espèces ou sous forme de cigarettes ;
• Un surveillant pénitentiaire a été condamné pour des faits de corruption passive, remise ou sortie irrégulière de correspondance, somme d’argent ou objet de détenu par une personne chargée de la surveillance de détenus, offre ou cession non autorisée de stupéfiants et détention non autorisée de stupéfiants commis entre juillet 2021 et juillet 2022, pour avoir introduit des objets illicites en détention en contrepartie d’un paiement en nature ou en numéraire, et pour avoir offert et cédé des stupéfiants à des détenus.
Le fait de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû. L’infraction de concussion est punie de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. La même peine peut être prononcée pour avoir accordé sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires. La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.

L’agence nationale a recensé quelques faits délictueux :
• Un fonctionnaire de police affecté, au sein d’un aéroport, au contrôle des personnes en provenance de l’étranger a été condamné, du chef de trafic d’influence passif commis en avril 2021, pour avoir accepté la somme de 150 euros de la part d’un voyageur d’origine étrangère démuni d’une attestation sanitaire obligatoire pour l’entrée sur le territoire, et l’avoir laissé entrer ;
• Deux fonctionnaires de police ont été renvoyés devant le tribunal judiciaire de Toulouse pour des faits de corruption passive commis entre novembre 2019 et février 2020 en l’espèce, pour avoir, lors de de contrôles routiers, sollicité de l’argent auprès de trois conducteurs en contrepartie de l’absence de rédaction de procès-verbaux routiers.

L’infraction de prise illégale d’intérêts, lorsqu’elle est commise par un magistrat ou toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles, de nature à influencer, au moment de sa décision, l’exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction est punie des peines prévues à l’article 432-12 du Code pénal.

II. Un dispositif de prévention perfectif contre la corruption.

Le dispositif de lutte contre la corruption pour les fonctionnaires et militaires chargés de la répression repose sur l’existence et l’application de textes préventif de la corruption et sur leur mise en œuvre.

2.1. Le fondement textuel préventif de la corruption.

Les textes préventifs de lutte contre la corruption dans la sphère répressive sont principalement constitués de chartes et de codes déontologiques.
L’article R.434-9 du Code de la sécurité intérieur dispose que le policier et le gendarme exercent leurs fonctions avec probité. Ils ne peuvent se prévaloir de leur qualité pour en tirer un quelconque avantage personnel, ni utiliser à des fins étrangères à leur mission les informations dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions. Ils ne doivent donc accepter aucun avantage ni aucun présent directement ou indirectement lié à leurs fonctions ou qu’ils se verraient proposer au motif, réel ou supposé, d’une décision prise ou dans l’espoir d’une décision à prendre. Ils n’accordent aucun avantage pour des raisons d’ordre privé.

S’agissant plus particulièrement des gendarmes, le Code de la défense précise : « Le militaire est soumis aux obligations qu’exige l’état militaire… Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ».

Le recueil des obligations déontologiques des magistrats est plus élaboré. Sa rédaction a été confiée à la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature. Le magistrat a l’obligation d’être intègre pour se conformer aux devoirs de son état. Il présente, dans son exercice professionnel et dans sa vie personnelle, les qualités d’intégrité pour exercer dignement sa mission, assurer légitiment son pouvoir et la confiance en la justice. La probité s’entend à une exigence générale d’honnêteté, qualité qui commande son exercice professionnel et sa conduite en société et dans sa vie personnelle. Il s’interdit tout comportement sanctionné par la loi comme tout comportement indélicat. Il veille à une bonne utilisation des ressources qui lui sont confiées pour l’administration de la justice sans usage abusif ou inapproprié. Il s’abstient de solliciter des interventions indues pour une mutation, nomination ou promotion personnelle ou d’agir en vue d’obtenir un avantage pour lui-même ou pour autrui. Il se refuse de toute intervention qui ne s’inscrit pas dans les pratiques régulières de gestion des ressources humaines et qui vise à obtenir, par faveur, sa promotion ou sa nomination à un poste déterminé. Il s’interdit d’accepter des cadeaux ou faveurs pour lui-même ou pour ses proches, à l’occasion de ses fonctions juridictionnelles. En dehors de celles-ci, les cadeaux ou faveurs reçus à raison de sa qualité de magistrat ne sont admis que dans la limite des usages internationaux ou institutionnels. Il ne peut faire usage de sa qualité pour obtenir, pour lui-même, ses proches ou ses relations, des cadeaux, faveurs ou avantages de quelque nature qu’ils soient. Il s’interdit d’utiliser cette qualité ainsi que tout support permettant de la déduire pour toute démarche d’ordre privé.

Le rôle du personnel de l’administration pénitentiaire est de s’occuper des personnes qui lui sont confiées à des fins personnelles. Il ne doit accepter d’elles, directement ou indirectement, des dons et avantages de quelque nature que ce soit. Il ne peut se charger d’aucun message et d’aucune mission, acheter ou vendre aucun produit ou service pour le compte des personnes qui lui sont confiées. Il ne peut leur remettre ni recevoir d’elles des sommes d’argent, objets ou substances quelconques en dehors des cas prévus par la loi. Il ne doit permettre ni faciliter aucune communication non autorisée par les textes entre personnes détenues ou entre les personnes détenues et l’extérieur. Il ne doit pas agir, que ce soit de façon directe ou indirecte, auprès des personnes qui lui sont confiées pour influer sur leurs moyens de défense ou le choix de leurs défenseurs.

Le corollaire de ces mesures évidemment est qu’elles soient portées à la connaissance de tout le personnel concerné. Il convient, pour chaque administration, de s’assurer qu’elles sont connues de tous et appliquer. La simple mise à la disposition des chartes ou codes de déontologie n’apparait pas satisfaisant, une remise personnalisée avec un accusé de réception répond à la connaissance par chacun du dispositif auquel il est soumis.
Par ailleurs, la remise doit s’accompagner de contrôles réguliers pour s’assurer de la bonne compréhension des mesures et de leur application.

2.2. La mise en œuvre de mesures préventives.

Chaque institution doit avoir le souci de réduire les opportunités de corruption et notamment d’offrir des salaires compétitifs pour réduire les incitations à accepter des revenus illicites.

Le fonctionnaire a le droit, après un service effectué, à une rémunération comprenant un traitement, une indemnité de résidence, un supplément familial de traitement et des primes et indemnités instituées par une disposition législative ou réglementaire.

Le salaire d’un policier varie, selon le niveau hiérarchique qu’il occupe. En complément de son salaire de base, les policiers touchent entre autres des primes et indemnités de résidence de supplément familial de traitement, de garantie individuelle du pouvoir d’achat, d’allocations de maitrise, d’indemnité compensatoire pour sujétions spécifiques.

Les gendarmes sont des militaires, le salaire qu’il perçoit est dénommé « solde ». Il varie selon les échelons et le grade. L’échelon équivaut à l’ancienneté. Chaque mois, le gendarme reçoit une solde fixe à laquelle s’ajoute des indemnités et des primes. Par ailleurs, ils bénéficient de certains avantages en nature, un logement gratuit souvent situé dans une caserne, des billets de train à tarif préférentiel (réduction de 75%).

Le salaire d’un magistrat est déterminé par son grade et son échelon, il correspond à la somme de deux éléments, un traitement de base sur la base d’un point d’indice commun à toute la fonction publique et d’une prime forfaitaire, qui est, elle aussi, déterminée par le grade et l’échelon du magistrat.

Le salaire d’un surveillant pénitentiaire varie en fonction de son grade et de son ancienneté. En plus du salaire de base, les surveillants pénitentiaires reçoivent diverses primes. Celles-ci incluent des primes pour le travail de nuit, des primes de danger, ainsi que des primes pour les heures supplémentaires. Ces primes augmentent la rémunération globale et reconnaissent les conditions de travail particulières, souvent exigeantes et stressantes.

Ces différentes fonctions sont très exposées aux risques physiques (atteinte à leur vie, violences volontaires…) et d’atteinte à leur honneur et vie intime. En raison des conditions particulières d’exercice, liées aux risques évoqués mais également aux conditions de travail difficile (volume horaires, absence ou insuffisance de moyens matériels modernes pour mener à bien leur missions…), la question qui se pose est celle de la juste rémunération. Il ne peut être contesté que les organisations criminelles, et notamment les trafiquants de stupéfiants disposent de ressources financières colossales. Dès lors, la rémunération revêt un élément important pour prévenir la corruption des autorités répressives. En effet, plus le salaire est élevé et moins le fonctionnaire ou le militaire aura tendance à succomber aux offres des organisations criminelles.
Il convient donc indispensablement, en tenant compte de la conjoncture économique, de rémunérer les fonctionnaires et militaires à la hauteur de leur travail et de leurs risques.

L’institution doit également, pour éviter toute proximité avec les délinquants, limiter le temps passé par un fonctionnaire au poste qu’il occupe. Cette mesure évidemment ne peut s’appliquer aux magistrats du siège en raison du principe d’inamovibilité, le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en cas d’avancement.

En outre, pour que chaque agent répressif soit sensibilisé aux risques de corruption, des actions de formation et de sensibilisation doivent être menées pour les informer de ces risques et des moyens de les prévenir. Afin de s’assurer de l’effectivité de cette formation, il est indispensable de contrôler, auprès des fonctionnaires et militaires, leur connaissance et l’application des dispositifs.

La remontée des informations est nécessaire, elle s’appuie sur un mécanisme de supervision. Les fonctionnaires ou militaires ayant connaissance dans le cadre de leurs fonctions de la commission d’une des infractions liées à la corruption doivent la déclarer. La mise en place d’un mécanisme ah doc peut largement s’inspirer de celui des lanceurs d’alerte développé dans la loi du 9 décembre 2016. Il s’agit de préciser, pour éviter toute contestation, qu’il s’agit simplement de faire remonter une information, qui ne peut être considérée comme une dénonciation. L’image de l’institution est le corollaire de son respect par le public. La personne physique qui informe sa hiérarchie ne doit évidemment en aucun cas en tirer une contrepartie financière. Par ailleurs, il est évident qu’elle doit être de bonne foi, c’est-à-dire avoir des motifs raisonnables de croire que les faits signalés sont perpétrés dans la structure qui l’emploie. Le fonctionnaire qui a signalé une infraction, dont la connaissance a eu lieu dans l’exercice de ses fonctions doit bénéficier d’une protection totale. Cette protection bénéficie également aux militaires de la gendarmerie. La remontée d’informations relative à la commission d’une infraction peut se faire par l’intermédiaire d’une plate-forme téléphonique garantissant un accès simultané des communications à différentes personnes pour s’assurer qu’elle sera traitée. Par ailleurs, la communication doit assurer une confidentialité totale à l’appelant. Le traitement des informations est confié aux Inspections des différentes entités.

La loi du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique impose à certaines catégories de fonctionnaires de déclarer leurs intérêts financiers et leurs patrimoines, tous les agents publics répressifs n’y sont pas soumis . Il nous parait pourtant important qu’ils soient soumis à celle-ci dans un souci de transparence. La déclaration devrait porter, notamment, sur les biens immobiliers, mobiliers, assurances vie, comptes bancaires, espèces et biens mobiliers, véhicules à moteur possédés. Elle ne serait pas rendue publique, mais transmise aux Inspections générales propre à chaque institution. L’intérêt de cette déclaration est évidemment d’identifier les fonds ou autres avantages de provenance illicite.

Le fonctionnaire et le militaire ont le devoir de s’adapter aux missions évolutives du service public, ce qui les contraignent à mettre régulièrement à jour leurs connaissances. Le manquement à cette obligation constitue une faute professionnelle. L’agent public peut être tenu de suivre des actions de formation professionnelle dans les conditions fixées par son statut particulier ou par les règles qui lui sont applicables . Le dispositif de prévention de la lutte contre la corruption doit sans cesse être diffusé.

Les militaires et fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi doivent avoir un comportement irréprochable. Ils doivent être exemplaires. Chaque dérive est scrutée par le public, notamment par les organisations criminelles, et chaque entorse rejaillit sur l’institution tout entière.
L’efficacité du dispositif de prévention à la charge des institutions repose indéniablement sur des contrôles indépendants permettant de surveiller les comportements des fonctionnaires et militaires. Il ne s’agit pas d’une défiance envers l’ensemble des personnels, mais d’un moyen de détecter les transgressions « La confiance n’exclut pas le contrôle ». Chaque transgression doit faire l’objet d’une diffusion aux autorités concernées. Régulièrement des rapports doivent être émis sur les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption pour en tirer des enseignements.

Alain Bollé, Chef d’escadron de Gendarmerie, ancien avocat
Membre fondateur du cercle K2

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