En France, le taux de bancarisation est estimé à 99%, pratiquement, aujourd’hui, tous les Français disposent d’un compte bancaire.
Bien qu’il ne soit pas obligatoire d’avoir un compte bancaire, dans les faits, il est quasiment indispensable pour le versement des salaires et prestations sociales, le paiement des charges et des abonnements et pour l’encaissement des chèques.
D’ailleurs, toute personne résidant en France, en cas de refus de l’ouverture d’un compte par une banque, peut bénéficier de la procédure du droit au compte sur décision de la Banque de France. Ce dispositif oblige un établissement désigné à lui ouvrir un compte avec des services de base gratuits. Le compte bancaire est nécessaire pour effectuer tous les actes de la vie quotidienne.
Les établissements financiers, teneurs de compte, ont l’obligation d’informer mensuellement leur client des opérations affectant leur compte bancaire. Cette information est réalisée par la communication d’un relevé de compte. L’examen des relevés de compte bancaire facilite grandement les investigations judiciaires. En outre, il permet de s’interroger sur les sources de revenus illicites du titulaire du compte en l’absence de mouvements financiers.
Afin d’analyser les flux bancaires, il convient de connaitre la nature des opérations bancaires pour procéder à leur analyse.
I. La nature des opérations bancaires.
La nature des opérations bancaires implique préalablement d’obtenir des informations sur les opérations réalisées par le titulaire en ce faisant communiquer ses relevés de compte bancaire.
1.1. L’accès aux opérations bancaires.
La première étape réside dans l’identification des comptes bancaires d’un titulaire. La liste s’obtient auprès du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA).
Dans un second temps, il est nécessaire d’adresser une demande à chaque établissement bancaire pour recueillir le relevé de compte bancaire.
FICOBA est un fichier géré par l’administration fiscale française. Il recense tous les comptes bancaires, qu’ils soient ouverts en France par des particuliers ou des entreprises. Il contient des informations sur chaque compte bancaire, l’identité du titulaire (particulier, entreprise, association, etc.), la nature du compte (compte courant, épargne, compte joint, etc.), le numéro et les caractéristiques du compte, le nom de la banque et de l’agence, la date d’ouverture et, le cas échéant de fermeture du compte.
Les banques, les établissements de paiement et les institutions financières ont l’obligation de déclarer à FICOBA l’ouverture d’un nouveau compte, les modifications des informations de celui-ci, notamment le changement de titulaire, l’adresse, etc., ainsi que la date de clôture. Ces informations sont transmises automatiquement et mises à jour en continu.
L’accès est restreint à certaines autorités et administrations, notamment, l’administration fiscale pour le contrôle et la lutte contre la fraude, les commissaires de justice pour le recouvrement de créances, les services de police et de gendarmerie dans le cadre d’enquêtes judiciaires, et les notaires pour le règlement des successions.
Une banque française est un établissement de crédit agréé par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution. Elle est habilitée à recevoir des fonds du public, à octroyer des crédits et à fournir divers services financiers. Elle dispose du monopole bancaire, son activité est protégée.
Il existe plusieurs catégories de banques :
- Les banques commerciales ayant une vocation généraliste, elles offrent des services bancaires classiques aux particuliers et aux entreprises, notamment la BNP Paribas et la Société Générale.
- Les banques mutualistes et coopératives, qui appartiennent à leurs sociétaires et fonctionnent sur un modèle de gouvernance participatif, entre autres le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel.
- Les banques d’investissement et de financement qui se concentrent sur les services aux grandes entreprises, la gestion d’actifs et les marchés financiers, par exemple Natixis.
- Les banques en ligne et les néo-banques utilisant Internet, offrent des coûts réduits et une accessibilité optimisée, par exemple Boursorama.
- Les banques centrales et les institutions publiques.
La Banque de France supervise la politique monétaire et assure la stabilité du système financier.
Les banques ont plusieurs obligations réglementaires et contractuelles envers leurs clients. En matière d’information et de transparence, elles doivent fournir des informations claires et complètes sur les tarifs, les services et les risques associés aux produits financiers. En matière de crédit, elles doivent respecter le devoir de mise en garde sur les risques d’endettement excessif. Elles ont une obligation de confidentialité et de protection des données, elles sont tenues au secret bancaire et doivent respecter le RGPD pour la protection des données personnelles. Il leur incombe également, dans le cadre de la vigilance et de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de vérifier l’identité de leurs clients et signaler toute opération suspecte au service national TRACFIN. Elles sont responsables en cas d’erreur dans l’exécution des virements, prélèvements ou paiements. Par ailleurs, pour les produits financiers complexes, elles doivent évaluer le profil de risque du client et leur proposer des services adaptés.
En cas de manquement à leurs obligations, un client peut saisir le médiateur bancaire, l’ACPR , voire engager la responsabilité de la banque devant la justice.
Les banques étrangères exerçant en France, qu’elles soient implantées sous forme de succursales ou qu’elles fournissent des services transfrontaliers, sont soumises aux obligations réglementaires françaises et européennes.
En France, les informations détenues par les banques sont protégées par le secret bancaire. Il s’agit d’une obligation légale imposant aux établissements bancaires et à leurs employés de ne pas divulguer les informations personnelles et financières de leurs clients à des tiers.
Le secret bancaire assure la protection de la vie privée du client, ainsi, il est en droit d’attendre que ces informations ne soient pas divulguées sans son consentement. En cas de violation, il dispose d’un recours devant les tribunaux judiciaires. En effet, une banque ou un employé bancaire peut être poursuivi pour violation du secret professionnel. Toutefois, ce secret n’est pas absolu, il ne peut être opposé, entre autres, aux autorités judiciaires, notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
1.2. Le relevé de compte bancaire.
L’obligation d’information d’une banque envers son client se traduit par des obligations légales et jurisprudentielles visant à assurer la transparence et la protection des opérations. L’établissement de crédit a une obligation de portée générale, dès qu’il connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de son client, il doit l’en informer, dès lors que, légitimement, ce dernier ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
La banque informe gratuitement, son client, par la communication d’un relevé de compte mensuel. Celui-ci contient une synthèse des opérations effectuées sur le compte pendant une période donnée. Il mentionne notamment :
- L’identité du titulaire, son nom et son adresse ;
- Le numéro de compte, il s’agit d’un numéro unique ;
- La période de couverture, celle durant laquelle les transactions ont été effectuées, généralement un mois ;
- Le solde du compte à l’ouverture de la période ;
- Le détail des transactions, les dépôts effectués (transferts entrants, versements en espèces, etc.), les retraits réalisés (retraits d’espèces, paiements par carte, virements sortants, etc.) et les frais bancaires (frais de gestion, commissions, etc.) ;
- Le solde à la fin de la période ;
- Les intérêts et crédits, si cette mesure est applicable les intérêts créditeurs ou débiteurs sur le compte.
Ce relevé peut être reçu sous format papier ou électronique.
La date de valeur ou jour de valeur est la date retenue par un établissement pour le calcul des intérêts débiteurs, elle ne correspond pas forcément à la date de réalisation de l’opération, qui est celle de l’enregistrement par la banque.
II. L’analyse des opérations bancaires.
Les mouvements bancaires se traduisent par des crédits et des débits qui affectent le compte, leur analyse permet d’en tirer des conclusions.
2.1. La nature des opérations bancaires.
En matière d’investigations financières, le document qui présente un intérêt certain est le relevé de compte bancaire. L’article L312-1-5 du Code monétaire et financier impose aux établissements bancaires de fournir à leurs clients un récapitulatif des opérations effectuées sur leur compte, ce qui se traduit généralement par l’envoi d’un relevé de compte mensuel, sous format papier ou électronique selon les préférences du client. En général, il est fourni mensuellement et sans frais pour les comptes courants.
La lecture d’un relevé de compte bancaire permet d’examiner les transactions effectuées afin de comprendre les habitudes financières, détecter d’éventuelles anomalies ou fraudes, et vérifier la cohérence des opérations avec les attentes du titulaire du compte. Avant d’examiner les transactions, il est essentiel de vérifier certaines informations et notamment le nom du titulaire du compte, s’assurer qu’il correspond bien à la personne concernée, le numéro du compte bancaire et la période du relevé pour effectuer l’analyse des transactions.
Trois catégories d’opérations peuvent être examinées sur un relevé de compte bancaire :
- Les opérations de crédit ;
- Les opérations de débit ;
- Les opérations de crédit ou de débit suspectes.
Les opérations de crédit sont classées en :
- Revenus d’activités ;
- Revenus du capital ;
- Revenus de remplacement ;
- Revenus exceptionnels et les autres revenus.
Les revenus d’activité concernent les salaires et traitements, les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les revenus des commerçants, artisans et industriels, les bénéfices non commerciaux (BNC), le revenu des professions libérales et les bénéfices agricoles (BA).
Les revenus du capital sont relatifs aux revenus fonciers, loyers perçus des biens immobiliers loués, des biens mobiliers, les dividendes d’actions, les intérêts d’obligations, les gains sur placements financiers, les plus-values, les profits issus de la vente d’actions, d’un bien immobilier ou d’autres actifs.
Les revenus de remplacement concernent les allocations chômage, les pensions de retraite, les indemnités journalières de Sécurité sociale (IJSS), en cas de maladie ou d’accident.
Les revenus exceptionnels sont relatifs aux héritages et donations, non considérés comme des revenus imposables mais soumis aux droits de succession et/ou de donation et aux gains de jeux et concours, soumis ou non à l’impôt selon la nature du gain. Quant aux autres revenus, ils sont constitués des allocations sociales (RSA, allocations familiales) et des revenus issus de l’économie collaborative (location meublée de courte durée, covoiturage rémunéré).
Les opérations de débit sont relatives aux :
- Dépenses de vie courante ;
- Dépenses somptuaires ;
* Autres débits.
Les dépenses de vie courante sont celles essentielles et habituelles nécessaires au quotidien. Elles incluent le loyer ou remboursement d’un prêt immobilier, la nourriture, les factures d’eau, d’électricité, de gaz, d’internet, les frais de transport (essence, abonnement aux transports en commun), les dépenses de santé, mutuelle, médicaments, consultations médicales et celles relatives à l’éducation des enfants.
Les dépenses somptuaires sont considérées comme non essentielles, souvent associées au luxe, au plaisir ou au prestige. Elles comprennent les voyages haut de gamme, les achats de bijoux, montres de luxe, l’achat de vêtements de créateurs, l’acquisition de voitures de luxe, les frais de repas gastronomiques ou sorties coûteuses et l’acquisition de biens d’art ou objets de collection.
Les autres débits concernent souvent des retraits en espèces ou en chèques.
Chacune des opérations de crédit ou de débit doit faire l’objet d’un examen attentif. Il convient de vérifier la cohérence du montant des opérations avec les habitudes financières et d’identifier les transactions inhabituelles, sommes importantes ou mouvements inhabituels. Le contrôle des dates et fréquence des transactions permet de repérer les transactions récurrentes (prélèvements mensuels, abonnements) et de s’assurer que les opérations correspondent aux dates prévues. Le point le plus important reste celui d’identifier l’origine et la destination des fonds en vérifiant les noms des bénéficiaires ou des émetteurs et en identifiant d’éventuels virements vers des comptes inconnus.
Certaines anomalies doivent attirer l’attention, notamment les découverts bancaires fréquents (signes de difficultés financières), les frais bancaires excessifs (prélèvements injustifiés, commissions élevées), et les transactions frauduleuses (paiements suspects, retraits non autorisés). Enfin, il convient d’examiner le solde, son évolution pour s’assurer qu’il est cohérent entre les revenus et les dépenses.
2.2. Les conclusions de l’analyse.
Les indices détectés sur le relevé de compte bancaire permettent de signaler les relations d’affaires ou transactions présentant des risques accrus. Lorsqu’ils sont pris séparément, en général, ils ne permettent pas de fonder un soupçon suffisant. Par ailleurs, chaque indice peut être justifié par le titulaire du compte. Cependant, le concours de plusieurs de ces éléments peut susciter des interrogations. Les indices peuvent être classés en plusieurs catégories selon la nature du questionnement.
Certaines opérations alimentant le compte doivent attirer l’attention :
- Dépôt régulier de chèques provenant de tiers différents ;
- Virements reçus d’une banque établie dans un des pays considérés comme non coopératif par le Groupe d’Action Financière ;
- Virements provenant d’une société française ou étrangère ;
- Virements importants et répétés provenant de pays producteurs de drogue ;
- Dépôts récurrents en espèces quel que soit le montant.
Les débits inexpliqués devant être examinés :
- Emission de chèques à destination de personnes différentes ;
- Retrait de valeurs patrimoniales peu de temps après avoir été portées en compte (compte de passage) ;
- Retraits fréquents de montants en espèces, sans justification ;
- Virements à destination d’une banque établie dans un des pays considérés comme non coopératif par le Groupe d’Action Financière ;
- Virements importants et répétés en direction de pays producteurs de drogue.
D’autres opérations peuvent également attirer l’attention :
- Incompréhension des raisons qui ont conduit le client à choisir précisément cette banque ;
- Compte bancaire devenant actif après avoir été largement inactif, et cela sans une raison plausible ;
- Client qui fournit à la banque de faux renseignements pour la constitution du dossier ou son actualisation ;
- Fréquentes opérations de montants inférieurs à la limite d’identification du client ;
- Remboursement anticipé sans explications convaincantes ;
- Tentatives du client d’éviter le contact personnel avec la banque ;
- Souhait du client de clôturer un compte et d’ouvrir de nouveaux comptes en son nom ou au nom de certains membres de sa famille.
Par ailleurs, il convient d’être vigilant au compte bancaire régulièrement crédité, mais peu débité. En effet, les dépenses d’un ménage sont incompressibles et liées au paiement du loyer ou remboursement d’un emprunt, aux frais d’alimentation, d’habillement …
Il convient de s’interroger lorsque qu’un compte bancaire n’est pas débité des dépenses de vie courantes. Cela peut signifier que le titulaire a une autre source de revenus qui peut être illégale. En 2022, l’Institut national de la statistique et des études économiques a publié une étude sur la répartition des dépenses des ménages français. Cette étude peut servir de référence pour l’examen des mouvements financiers d’un compte bancaire. Il nous parait utile pour chaque poste de dépense d’appliquer un pourcentage de variation (augmentation ou diminution du pourcentage défini par l’INSEE).
L’application des pourcentages fixés par l’INSEE permet de vérifier que les dépenses sont en relation avec les revenus légaux. L’absence de mouvements financiers pour certains postes doit conduire à s’interroger sur la réalité des opérations.
Les investigations financières sont longues et chronophages, les moyens en personnel et en système informatique sont souvent insuffisants. Il est néanmoins préoccupant que ce domaine soit délaissé et qu’il ne suscite pas suffisamment d’intérêt. Il parait important de rationaliser les investigations et au lieu de s’éparpiller dans l’analyse de nombreux documents, il peut être judicieux de se concentrer dans un premier temps sur l’analyse des flux financiers identifiés sur le relevé de compte bancaire.