Quelle réparation du dommage environnemental causé par une catastrophe maritime ? Par Chloé Delbos et Fiammetta Vezzadini, Étudiantes.

Quelle réparation du dommage environnemental causé par une catastrophe maritime ?

Chloé Delbos, Etudiante en Master 1 Droit de la Protection des personnes vulnérables,
et Fiammetta Vezzadini, Étudiante en Master 1 Droit des Assurances,
Université de Normandie,
Membres de la Clinique juridique de Normandie.
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Explorer : # pollution maritime # préjudice écologique # responsabilité civile # protection de l'environnement

Le 10 mars 2025, une collision a eu lieu en mer du Nord, au large des côtes du Royaume-Uni, entre un porte-conteneurs transportant du cyanure de sodium – gaz inflammable et toxique – et un pétrolier. L’ampleur des pollutions susceptibles d’en résulter est importante. L’habitat d’espèces d’oiseaux protégées le long des côtes du Yorkshire, tels les macareux et les fous du Bessan, est notamment menacé.
Cette situation n’est pas sans rappeler le naufrage de l’Erika, qui a eu lieu le 12 décembre 1999, entrainant une marée noire sur les côtes françaises, véritable catastrophe écologique qui a eu des répercussions importantes sur la faune et la flore bretonne.
Elle donne l’occasion de rappeler l’évolution importante ayant eu lieu ces dernières années afin de permettre une meilleure indemnisation de tels dommages environnementaux.

Les auteures de cet article sont membres de la clinique juridique de Normandie.

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Le recours à des textes spéciaux.

Plusieurs conventions internationales ont été élaborées en vue de répondre aux enjeux environnementaux soulevés par les catastrophes maritimes.

Certaines ont pour objectif d’éviter les risques de pollution. La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) de 1973, modifiée par le protocole de 1978, a ainsi mis en lumière les failles en matière de sécurité maritime et de contrôle des navires vétustes. Précisons que sa dernière version consolidée est l’édition récapitulative de 2022, publiée par l’Organisation maritime internationale (OMI), et que le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) a adopté depuis lors des résolutions modifiant la convention MARPOL, compilées dans un supplément daté de mai 2024

D’autres visent à indemniser les victimes des pollutions. Tel est le cas de la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (dite convention CLC pour Civil Liability Convention) de 1969, dont la version consolidée la plus couramment utilisée est celle de 1992.
Cette convention a mis en place un système de responsabilité objective canalisée sur le propriétaire du navire, mais cependant limitée. La création d’un fonds complémentaire d’indemnisation (le FIPOL) a entendu répondre à cette problématique, même si les sommes versées sont là encore plafonnées. Pour le surplus, les victimes n’ont d’autre solution que de s’adresser aux juges nationaux sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile, et à condition de réussir à démontrer une faute inexcusable du propriétaire du navire.

L’évolution du droit commun de la responsabilité civile.

Il était traditionnellement exigé en droit de la responsabilité civile que le préjudice soit personnel, c’est-à-dire qu’il ait des répercussions sur une personne juridique, laquelle peut alors en demander réparation. L’indemnisation n’était possible que si la victime y avait un intérêt personnel, autrement dit qu’elle avait elle-même subi le préjudice invoqué. La Nature n’ayant pas la personnalité juridique en droit français, la réparation du préjudice écologique pur semblait impossible.

L’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 25 septembre 2012 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 septembre 2012, 10-82.938, Publié au bulletin), dans l’affaire Erika a consacré expressément le préjudice écologique pur de manière autonome.

Il a cependant fallu attendre la loi Biodiversité du 8 août 2016 pour que le préjudice écologique pur soit introduit dans le Code civil à l’article 1247. Ce dernier dispose désormais qu’ « est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Pour retenir le préjudice écologique, il est donc nécessaire que deux conditions soient réunies : le préjudice doit porter atteinte à la Nature et cet impact ne doit pas être négligeable, ce qui sera apprécié in concreto par les juges.

La Nature ne pouvant bien évidemment pas agir en justice, l’article 1248 du Code civil précise que l’action en réparation du préjudice écologique pur est ouverte à « toute personne ayant qualité et intérêt à agir ». Les personnes titulaires de cette action sont notamment l’État, les collectivités territoriales ou encore les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement.

Pour conclure, il est possible de s’interroger sur l’éventuelle utilité d’octroyer la personnalité juridique à la Nature afin de lui assurer une meilleure protection. Telle est en effet la voie suivie par plusieurs pays. Ainsi, en 2008, l’Équateur est devenu le premier pays au monde à reconnaître dans sa Constitution des droits à la Nature. Depuis, les décisions se sont multipliées : des droits ont notamment été accordés à plusieurs fleuves, rivières et montagnes par différents États (Nouvelle-Zélande et Inde par ex.). Une telle personnification de la Nature ne correspond toutefois pas à la vision très anthropocentrée du Droit dans nos sociétés occidentales.

Chloé Delbos, Etudiante en Master 1 Droit de la Protection des personnes vulnérables,
et Fiammetta Vezzadini, Étudiante en Master 1 Droit des Assurances,
Université de Normandie,
Membres de la Clinique juridique de Normandie.
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