Regtech : les premiers pas d’outils consacrés à la régulation.

Clarisse Andry
Rédaction du Village de la Justice

Et une nouvelle « tech » fait son apparition ! Pour la première fois a eu lieu le "Paris RegTech Forum", le 9 octobre 2018, à l’initiative du Cercle Montesquieu et de l’association Open Law*le Droit ouvert. « L’objectif est de faire émerger un écosystème dans le domaine de la régulation » a annoncé le président de l’association Benjamin Jean. Mais également de dessiner les contours de cette nouvelle « espèce », qui s’adresse avant tout aux directions juridiques des entreprises.

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Mais qu’est-ce que la Regtech ? Cette nouvelle catégorie d’outils technologiques vise les domaines de régulation. Une question devenue importante pour les juristes, avec la multiplication des mesures comme le RGPD ou la loi Sapin II.

Cette nouvelle catégorie peut donc se définir comme « un écosystème d’outils qui viendront nous aider à l’application de la réglementation dans nos métiers » explique Christian Le Hir, directeur juridique de Natixis. Ou des « réponses technologiques à des enjeux réglementaires », complète Julien Maldonato, associé Conseil industrie financière, innovation et innovation chez Deloitte.
Il s’agirait ainsi d’une branche de la grande famille des legaltech… mais pas seulement, puisque les premiers acteurs se sont d’abord adressés aux banques et aux assurances, croisant ainsi le domaine de la Fintech.

Un écosystème encore à ses balbutiements.

Olivier Chaduteau, Hervé Ekué, Marie-Anne Frisson-Roche, Christian Le Hir et Julien Maldonato

Cet écosystème hybride est en pleine construction. La centaine d’acteurs comptabilisés ont quatre ans d’âge médian, et ont « une maturité très variable, y compris dans les technologies » souligne Julien Maldonato.

Les outils ont en effet été créés dans un premier temps pour « répondre à des besoins très spécifiques, explique Iohann Le Frapper, Group General Counsel de Pierre Fabre. Ils se concentrent sur des problèmes et y répondent, ce qui constitue un frein à un développement rapide. Il faudrait un panel de services où le client peut choisir ce dont il a besoin. »

Les clients, ce sont principalement les directions juridiques. Données personnelles, compliance, mesures anti-corruption et encadrement des lanceurs d’alerte…

Aujourd’hui, les mesures de régulation ne s’adressent plus uniquement à des marchés spécifiques, comme les banques, les assurances, ou la santé, mais à un plus grand nombre d’entreprises – les grands groupes et leurs intermédiaires. Trouver des outils technologiques conçus pour répondre à ces besoins seraient donc un atout pour le juriste. Mais « les acteurs de la Regtech ont du mal à s’intégrer à toute cette complexité, donc ils se spécialisent » affirme Julien Maldonato. Mais pour Olivier Chaduteau, associé de Day One, « il est rassurant qu’il existe des regtech spécialisées : cela facilite la mise à jour et permet d’assurer la fiabilité du service. »

Les premiers destinataires des Regtech : les directions juridiques.

Les premiers outils en lien avec ces besoins commencent néanmoins à apparaître. Ainsi, la société Concord, dirigé par Cyril Murie, également directeur de la stratégie de l’innovation du Chambre nationale des huissiers de justice, a créé Alertcys. Cette plateforme permet à des huissiers de justice d’assister les entreprises dans les procédures de lanceurs d’alerte. « Pour bien caractériser une alerte, il faut poser beaucoup de questions, explique le dirigeant. Si ça ne se passe pas sur une plateforme, la confidentialité saute. La CNIL peut garantir la confidentialité, mais pas l’anonymat car il faut un tiers de confiance. Il faut également quelqu’un qui ne transmette que les alertes sérieuses aux entreprises. L’huissier protège alors les deux parties, sans donner de conseil, car il s’agit du rôle de l’avocat. » Hervé Ekué, managing partner chez Allen & Overy LLP, explique également qu’à la suite de la multiplication des textes encadrant les banques au niveau international, le groupe, en partenariat avec Deloitte, a mis en place une plateforme permettant de croiser ces informations et ainsi « traiter et renégocier des contrats sur des périodes extrêmement courtes et de façon extrêmement fiables ».

Olivier Chaduteau, Marc Jany, Blandine Cordier-Palasse, Iohann Le Frapper et Cyril Murie

Des solutions externes d’autant plus intéressantes que les directions juridiques ne disposent pas forcément des ressources nécessaires, qu’elles soient humaines ou financières, pour créer ces outils en interne. Et leur utilisation semble, pour les intervenants, incontournables. « Avec l’alourdissement de toutes les réglementations confondues, je ne pense pas qu’il y ait vraiment le choix » confirme Iohann Le Frapper. « On va retrouver du temps qui manque tant au juriste pour se consacrer à la réflexion, la créativité, ... » renchérit Olivier Chaduteau.

Des contours et des portées qui restent à définir.

Ces apports attendus des regtech n’empêchent pas de s’interroger sur les obligations auxquelles elles-mêmes doivent répondre : sécurité, hébergement des données, maintenance… « Déployer une regtech c’est bien, mais il faut s’assurer que l’outil soit mis à jour en permanence, sinon il y a un risque pour le client, souligne Iohann Le Frapper. La blockchain, par exemple, repose sur l’immutabilité de la transaction, ce qui va à l’encontre du droit à l’oubli. »

« Le but de la technologie, c’est la pédagogie, savoir pourquoi la régulation est faite. »


Le déploiement de ce nouvel écosystème doit également permettre de réfléchir à leur portée, comme le pointe Marie-Anne Frisson-Roche, professeur de droit à Science Po Paris : « Avoir accès au droit, ce n’est pas avoir accès au texte, mais à la compréhension du texte. Le but de la technologie, c’est la pédagogie, savoir pourquoi la régulation est faite. Si elles peuvent permettre de faire connaître, pas uniquement aux dirigeants et aux directions juridiques, mais à toute l’entreprise, le but de ces régulations, c’est magnifique. »

Les juristes sont donc les plus à-mêmes de participer aux déploiements de ces nouveaux outils, non seulement pour faire connaître leurs besoins, mais aussi pour construire la philosophie qui doit accompagner cet écosystème.

Le "Paris RegTech Forum" était donc l’occasion de « mettre les regtech et les directions juridiques en contact » confirme Bénédicte Wautelet, vice-présidente du Cercle Montesquieu. L’association a d’ailleurs mis en place la Factory du Cercle, un think tank qui aura pour but d’accompagner les directions juridiques dans leur digitalisation.

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