Depuis le 13 mai 2023, suite à un avis de la Haute autorité de santé et ce, malgré les recommandations des scientifiques liées à la protection et à la sécurité sanitaire, l’obligation vaccinale des professionnels de santé et du secteur médico-social a été suspendue par un décret n°2023-368. Ce décret implique dès lors la réintégration des personnels suspendus.
Dans cette perspective, une instruction a été publiée le 2 mai 2023 par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), visant à « anticiper » les indices des levées de suspension.
Or, des problématiques liées à la réintégration des personnels suspendus, et plus précisément des agents de droit public, se présentent dès à présent.
I. Les difficultés de reclassement des agents.
Une vague de polémiques et de manifestations a accompagné la réintégration du personnel soignant non vacciné au sein des effectifs mis à disposition des établissements.
En effet, l’établissement se trouve dans l’obligation de réintégrer l’agent suspendu à son poste initial ou dans un emploi « équivalent », dont les conditions sont définies par un arrêt de principe du Conseil d’Etat [1] :
- Elle n’entraîne aucune modification substantielle dans la nature des fonctions, le niveau des responsabilités, la rémunération, la résidence administrative
- Elle se situe sur la même implantation géographique que le poste occupé antérieurement
- Elle n’est motivée que par les seules nécessités de fonctionnement et de continuité du service et ne présente aucun caractère discriminatoire.
Or, de nombreux postes, autrefois occupés individuellement, se trouvent désormais occupés en surnombre du fait, d’une part, de la nécessité de couvrir celui-ci durant la pandémie mais également par l’obligation de réintégrer l’agent initial.
Dès lors, si l’établissement ne peut pas offrir à l’agent un emploi équivalent, le fonctionnaire est maintenu en surnombre provisoire. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant au grade de l’agent lui est proposé en priorité.
II. Les interrogations liées à l’obligation de rémunération dès la date de fin de suspension.
Une multitude de carrières ont été bloquées, pour certaines depuis 20 mois au moment de leur suspension, sans aucune indemnisation pour la période d’absence. Les laps de temps de suspension n’ont pas généré de droits à congés ni la prise en compte des droits à l’avancement ou encore des droits à pension.
Néanmoins, la levée de l’obligation vaccinale a entraîné l’obligation de rémunérer les agents « y compris entre la date de fin de suspension et la réaffectation dans l’emploi », selon les indications de la DGOS.
Dès lors, une question se pose : que se passe-t-il si l’agent ne se soustrait pas à son obligation de reprendre le service sur le poste d’affectation indiqué par l’établissement ?
Dans cette dernière hypothèse, l’établissement ne sera pas tenu de rémunérer l’agent.
En effet, si l’agent ne se présente pas à la date de réaffectation et ne justifie pas de son impossibilité de se présenter, ce dernier sera placé en abandon de poste.
III. La gestion des préavis.
La DGOS a donné la possibilité aux chefs d’établissements, dans un délai de deux semaines à compter de la levée de l’obligation vaccinale, de contacter chaque professionnel suspendu pour lui signifier la fin de la suspension et lui indiquer le poste d’affectation et la date de reprise du travail.
Ces modalités de reprise ont été jugées comme brutales après un long moment d’absence.
En effet, pour rappel, les agents suspendus en application de la loi du 5 août 2021 pour défaut d’obligation vaccinale, pouvaient exercer une autre activité. Ces derniers n’étaient en effet pas soumis à l’interdiction de cumul d’activités.
Dès lors : qu’en est-il du délai de leur préavis de départ de leur autre activité en vue de leur réaffectation ?
La DGOS a indiqué que, lorsqu’un salarié de droit privé conclu un CDD pendant la période de suspension, ce dernier peut se prévaloir de la reprise de son CDI et rompre unilatéralement et de manière anticipée le CDD conclu avec cet autre employeur.
Ainsi, les fonctionnaires devraient être soumis à cette même possibilité, notamment au regard de l’obligation des employeurs de proposer aux agents suspendus une réintégration « au plus tôt et si possible dans les deux semaines ».
La publication du décret intervenant moins de 2 semaines après la publication de l’Instruction de la DGOS n’a pas laissé le temps nécessaire aux établissements d’anticiper correctement la réintégration de leurs agents.
Dans ces conditions, de nombreuses interrogations liées au pouvoir des établissements et aux droits des agents réintégrés se posent et il conviendra de rester extrêmement vigilants sur la jurisprudence qui interviendra dans les prochains mois sur le sujet.