La responsabilité du dirigeant.

Par Donatella Halfon, Avocat.

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Explorer : # responsabilité du dirigeant # action sociale # préjudice à la société # cession de fonds de commerce

L’autorisation préalable par l’Assemblée générale des actionnaires de céder un fonds de commerce ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par un associé à l’encontre du dirigeant.

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Dans un arrêt en date du 8 mars 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné le dirigeant d’une société anonyme lequel, après avoir obtenu l’autorisation de l’assemblée générale, avait procédé à la cession du fonds de commerce de celle-ci (un cabinet d’expertise comptable) à un prix très inférieur à sa valeur « sans justifier de la recherche d’un acquéreur à un meilleur prix, ni de la méthode de détermination de ce prix ».

En visant les articles L225-251 et L225-252 du Code de commerce, la Cour de cassation rappelle que lorsque la faute d’un dirigeant cause un préjudice à la société, l’action en réparation de ce préjudice (dite action sociale) peut être engagée par la société elle-même, par l’intermédiaire de ses représentants légaux, ou par un associé (exercice de l’action sociale ut singuli).

En effet, l’action sociale est celle qui est exercée pour obtenir réparation du dommage causé à la société dans son ensemble et, par suite, à la masse des associés. Elle a donc pour objectif d’indemniser les préjudices subis par la société par la sollicitation de la condamnation de l’auteur du préjudice au versement de dommages-intérêts dans la caisse sociale.

Exercice de l’action

L’action sociale se subdivise en deux actions distinctes : l’action ut universi et l’action ut singuli.

L’action ut universi est l’action dirigée par les dirigeants pour obtenir la réparation du préjudice causé à la société qu’ils dirigent.
Cependant, il est assez rare que le dirigeant ayant commis une faute, soit enclin à engager une action en justice visant à sa condamnation ; celle-ci intervient en fait lorsque la société change de dirigeants. Elle est alors exercée par les nouveaux dirigeants contre les anciens. Elle peut également être exercée par un nouveau dirigeant même s’il a participé aux agissements fautifs de l’ancien.

L’action ut singuli, dirigée par l’un des associés à l’encontre des dirigeants, apparaît comme beaucoup plus efficace.

La loi autorise l’exercice de l’action sociale par un associé ou actionnaire agissant individuellement, quelle que soit la fraction du capital qu’il représente (action sociale ut singuli). Cette action a pour objet d’obtenir la réparation de l’entier préjudice que les dirigeants ont causé à la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués (art. L 223-22, al. 3 et L 225-252). Elle ne peut pas être intentée pour faire annuler un acte passé par un dirigeant.

Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société et en cas de condamnation, les dommages-intérêts seront alloués à la société. Toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’avis préalable ou à l’autorisation de l’assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l’exercice de cette action serait réputée non écrite.
De même, aucune décision de l’assemblée des associés ne saurait avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les dirigeants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat.

L’action ut singuli est donc dirigée par l’un des associés à l’encontre des dirigeants.

En cas de succès de cette action, ce ne sera bien entendu pas l’associé qui se verra allouer des dommages et intérêts pour réparer le préjudice, mais la société ayant subi directement le préjudice.

Mais en dépit de son efficacité, ce type d’action pour laquelle l’actionnaire supporte les frais d’une procédure contentieuse alors que les dommages et intérêts sont le cas échéant attribués in fine à la société, n’est pas souvent pratiqué.

En l’espèce, l’actionnaire minoritaire d’une société anonyme a assigné le dirigeant en réparation du préjudice subi par la société suite à la cession du fonds de commerce exploité par la société considérant que le prix du fonds de commerce était dérisoire

Le dirigeant entendait échapper à la mise en jeu de sa responsabilité en arguant de l’autorisation préalable donnée par l’assemblée générale des actionnaires tant à l’opération de cession qu’ à ses modalités.

La Cour de cassation n’a pas retenue cet argument.

Aucune décision de l’assemblée générale ne saurait avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les administrateurs ou contre le directeur général d’une société anonyme pour faute commise dans l’accomplissement de son mandat (C. com. art. L 225-253, al. 2).

En l’espèce, le dirigeant, qui avait préparé le projet de cession du fonds soumis à l’assemblée générale, a selon la Cour de cassation agi avec une légèreté blâmable envers la société en acceptant un prix très inférieur à sa valeur, sans justifier de la recherche d’un acquéreur à un meilleur prix, ni de la méthode de détermination de ce prix.

Il en résulte que si les représentants légaux ne sont pas tenus de faire autoriser au préalable par l’assemblée générale les opérations sur le fonds de commerce (La Cour de cassation ayant affirmé que le gérant d’une SARL pouvait valablement procéder à la cession d’un fonds de commerce dès lors qu’elle ne nécessite pas une modification des statuts), la soumission à l’autorisation préalable de la collectivité des associés ne les exonère pas pour autant de toute responsabilité, encore faut-il vérifier l’opportunité de l’opération, ses conditions financières ainsi que les diligences accomplies.

Donatella Halfon
Cabinet GH & ASSOCIES
donatella.halfon chez wanadoo.fr

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