Partons du début et donc d’une définition générale. Sommairement, le syndic est le représentant légal du syndicat des copropriétaires. Sa mission est définie très précisément à l’article 18 de la Loi du 10 juillet 1965 et lui confère, à ce titre, un mandat de gestion des finances et de l’administration de la copropriété. En ce sens, le syndic doit autant tenir la comptabilité du syndicat sur un compte séparé et dédié, établir un budget prévisionnel pour les charges courantes et un budget provisionnel pour les dépenses exceptionnelles et de travaux, lever les fonds auprès des copropriétaires et en respect des tantièmes, assurer la trésorerie du syndicat et le paiement des fournisseurs, mais également, convoquer l’assemblée générale annuellement, assurer la conservation du bâtiment, son entretien et, en cas d’urgence, faire exécuter les travaux nécessaires, veiller au respect du Règlement de copropriété, gérer et assurer la conservation des archives, représenter le syndicat des copropriétaires en justice.
Le syndic est contraint de remplir ces missions et ne peut se faire substituer. En outre, en cas de négligence dans leur accomplissement, il peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à payer une indemnité à la copropriété. Effectivement, le syndic est avant tout un mandataire et de ce fait il « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion » [1].
En outre, sa responsabilité peut également être recherchée sur le terrain du droit commun, aux articles 1240 et suivants, par tout copropriétaire qui se prévaut d’une faute de sa part, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Lorsque l’on parle de voisinage, on s’intéresse évidement aux rapports particuliers entre propriétaires d’un même immeuble. Le droit de la propriété est un fondement de notre système juridico-politique et le Code de la copropriété ne peut en faire l’impasse. A ce titre, dès l’article 9, il est disposé : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ». On peut alors déduire deux éléments de ce texte. Tout d’abord, les copropriétaires sont maîtres de leur lot et ont une liberté de jouissance sur les parties communes dont, on le rappelle, ils possèdent une quote-part. Secondement et a contrario, cette liberté est limitée non seulement par le droit des autres copropriétaires mais, et c’est ce qui nous concerne, par la destination de l’immeuble. Ainsi, faut-il comprendre que les actes de voisinage sont autant de rapports privatifs qui concernent la vie en copropriété et donc… le syndic !
I. Les actes de jouissance du copropriétaire-voisin : un syndic omniscient.
Dans une définition purement littérale, le droit de jouissance est celui d’utilisation de la chose. On le comprend parfaitement en matière locative, ce qui permet de considérer qu’un locataire puisse utiliser son bien. Toutefois, et c’est toute la magie du démembrement du droit de propriété, le droit de jouissance n’est pas un droit de disposer ou d’aliéner. Il est également une obligation d’entretenir ou de ne pas laisser dégrader. Ainsi, un locataire ne peut décider de s’approprier une partie de son bien (limitation de la sous-location par exemple) et se doit d’en assurer la conservation. Eh bien, c’est exactement pareil pour un copropriétaire avec les parties communes. Et, si un mandataire locatif se doit de connaître les agissements de son locataire, le syndic doit quant à lui être omniscient quant aux actes des copropriétaires.
a) En copropriété, le voisin a un droit de jouissance sur les parties communes.
Liberté et égalité de jouissance : cela signifie simplement qu’il peut utiliser les espaces communs à sa guise : prendre un ascenseur, l’escalier, emprunter un couloir commun…Il y a même, dans cette notion, un principe fondamental d’égalité de traitement qui impose de permettre à chaque copropriétaire de jouir des parties communes et des équipements communs. Cette précision n’est pas anodine car il existe bien du contentieux à ce sujet. Par exemple, une assemblée générale ne peut interdire à un restaurateur de jeter ses déchets dans le local poubelle commun au prétexte de leur volume trop important [2].
Plus subtile, un conseil syndical ne peut retenir les clefs d’accès à une cour commune, estimant devoir en limiter le passage. De même qu’un syndic ne peut refuser d’attribuer les badges d’ouverture des portes du hall commun aux propriétaires qui ne posséderaient uniquement que des places de parking, considérant qu’ils n’ont pas à avoir accès aux étages supérieures du fait de l’absence de logement. Le syndic doit alors rester vigilent quant au respect de ces notions.
Les parties communes à jouissance privative : qui dit égalité de traitement ne dit pas identité de situation. Aussi, dans l’égalité, il y a l’idée de traiter similairement des situations analogues. Or, en copropriété, il existe un cas particulier de parties communes dont la jouissance est réservée à un seul copropriétaire : la partie commune à jouissance privative. La notion de partie commune a jouissance privative est restée longtemps une notion seulement prétorienne. Le caractère peu prolixe du législateur à s’y intéresser a par ailleurs été source de contentieux. Désormais, l’article 6-3 de la Loi du 10 juillet 1965 dispose : « Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage ou à l’utilité exclusifs d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires. […] Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot. […] Le règlement de copropriété précise, le cas échéant, les charges que le titulaire de ce droit de jouissance privative supporte ».
La partie commune à jouissance privative ne peut pas résulter d’un acte de propriété privé. De ce fait, la jurisprudence a toujours considéré qu’il importait finalement peu que l’acte de propriété mentionne ou non la dépendance à jouissance privative, cette dernière ne pouvant trouver sa source que dans le Règlement de copropriété de l’immeuble [3] ou dans une décision d’assemblée générale [4]. Cette affirmation a une conséquence significative qui est, qu’a contrario, il est impossible de revendiquer une jouissance exclusive du seul fait de sa mention dans l’acte de propriété.
Le droit de jouissance n’est pas un droit de propriété. Effectivement, si le droit de jouissance d’une partie commune implique une exclusivité d’usage par le propriétaire du lot affecté [5], il ne s’agit aucunement d’une appropriation de la parcelle. Ce droit peut par ailleurs être temporaire et la partie concernée demeure la propriété du syndicat des copropriétaires. C’est ce qu’a formalisée la Cour de cassation au terme d’un arrêt de principe du 6 juin 2007, en déclarant : « qu’un droit de jouissance exclusif sur des parties communes n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot » [6].
Le droit de jouissance confère un droit réel. C’est ici à nouveau toute l’abstraction du démembrement du droit de propriété : le droit de jouissance exclusif sur une partie commune ne confère pas la pleine propriété mais bien un usufruit sur la parcelle commune. La cour d’appel suivie par la Cour de cassation ont rappelé que « les lots des copropriétaires étaient composés du droit à la jouissance exclusive et privative d’une parcelle de terrain sur lesquels est implantée chaque maison et la propriété privative des constructions ainsi que des millièmes de parties communes, la cour d’appel a retenu, à bon droit et sans dénaturation, que seul un droit réel de jouissance était conféré aux copropriétaires et que le sol était une partie commune ; (...) » [7]. Cette affirmation implique deux lectures. Celle positive qui donne un véritable droit d’usage au copropriétaire concerné, puis, celle négative, qui rappelle que le sol demeure partie commune. Le cas échéant, le titulaire du droit de jouissance exclusif ne peut en aucun cas effectuer des actes de disposition ou d’aliénation sur la partie commune et sera soumis, pour ce faire, à l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
La partie commune à jouissance privative est l’accessoire d’un lot privatif. C’est certainement le point d’achoppement qui a contraint le législateur à codifier cette notion prétorienne. Pendant longtemps, la jurisprudence ne permettait pas de trancher sur les lots de copropriété dont une partie était grevée d’un droit de jouissance privatif. Or, lors de l’arrêt du 8 octobre 2008, au terme duquel il a été affirmé qu’« un droit de jouissance exclusif sur des parties communes n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot » [8], la Cour de cassation a excipé une anomalie qui a provoqué un vide juridique sur les nombreuses situations concernées.
N.B. : dans son article 209, la loi Elan du 23 novembre 2018 imposait aux copropriétés un délai de trois ans pour mettre à jour les règlements de copropriété, notamment sur la question des parties communes à jouissance privative. La loi 3DS du 21 février 2022 a supprimé de délai et a indiqué « pour les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1ᵉʳ juillet 2022, quand le règlement de copropriété ne mentionne pas les parties communes spéciales ou à jouissance privative existantes, le syndicat des copropriétaires inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de cette mention dans le règlement de copropriété. Cette décision est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présentés, représentés ou ayant voté par correspondance. L’absence d’une telle mention dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ces parties communes ».
b) En copropriété, le voisin doit permettre la jouissance des parties communes.
Cette affirmation peut être déclinée de deux manières. La première est la suite logique de l’article 9 de la Loi du 10 juillet 1965 qui déclare qu’« un copropriétaire ne peut faire obstacle à l’exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d’intérêt collectif régulièrement décidés par l’assemblée générale des copropriétaires, dès lors que l’affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n’en sont pas altérées de manière durable ». De manière cartésienne, le syndic doit pouvoir accéder aux parties communes afin d’en assurer la conservation et l’entretien. Ainsi, un copropriétaire qui refuserait l’accès à son lot, pourrait y être contraint judiciairement, à ses frais (astreinte judiciaire). De même, si l’accès aux parties communes est obstrué, le syndicat des copropriétaires peut procéder à la dépose de l’installation sans avoir à indemniser le copropriétaire. Tel est le cas des coffrages, la jurisprudence ayant très régulièrement été amenée à se prononcer sur le sort des frais de reconstruction de cloison ayant été détruite pour permettre l’accès aux parties communes et de considérer que : « que les demandes du syndicat étaient fondées sur l’exécution de travaux votés par l’assemblée générale des copropriétaires le 26 mars 2003 et que M. X... avait commis une faute en coffrant, à des fins esthétiques, les canalisations en cause qui n’étaient plus accessibles en violation du règlement de copropriété, la cour d’appel, sans modifier l’objet du litige et sans violer les articles 14 et 26 de la loi du 10 juillet 1965, a pu déduire de ces seuls motifs que M. X... devrait supporter l’intégralité des frais de dépose du coffrage privatif mis en place par lui dans sa salle de bains » [9]. En revanche, si l’intrusion de la copropriété dans la sphère privative implique un véritable préjudice matériel et un trouble de jouissance, le syndicat des copropriétaires en sera naturellement redevable.
La deuxième compréhension de l’obligation du voisin de permettre la jouissance des parties communes résulte réciproquement de son obligation d’entretenir son logement pour ne pas nuire aux parties communes et donc à son usage par les autres voisins. Tel est le cas d’une fuite privative, non prise en charge, qui affecterait la structure de l’immeuble. Très souvent, le syndic est démuni face à ce type de situation, notamment pour intervenir en urgence. A mon sens, comme pour un incendie, il est dans l’obligation d’intervenir au plus vite, quitte à couper l’alimentation en eau du voisin négligent. Vient ensuite le temps judiciaire et la question des responsabilités et des mesures contraignantes à l’égard du copropriétaire responsable de son appartement.
En tout état de cause, le syndic se doit d’être un gestionnaire omniscient de son immeuble, afin d’être au fait de la jouissance des propriétaires, tant pour leur compte que pour celui des parties communes dont il a la charge quant à la sauvegarde.
II. Les actes de disposition du copropriétaire-voisin : un syndic alerte.
Dans cette hypothèse, l’action du copropriétaire-voisin est plus importante qu’un simple usage. Il va, cette fois-ci, par des actes d’alinéation, opérer une véritable emprise sur les parties communes. Ainsi, le syndic n’a plus une simple position de surveillance à distance mais bien de protection de l’immeuble et d’alerte. Deux cas concrets peuvent alors être excipés.
a) En copropriété, le voisin ne peut aliéner les parties communes sans y être autorisé.
L’article 4 de la loi du 10 juillet 1965 rappelle que les « parties communes sont l’objet d’une propriété indivise entre l’ensemble des copropriétaires ». A ce titre et dans le prolongement de ce qui a été dit en supra, si un copropriétaire peut jouir librement des parties communes, il ne peut en aucun cas en disposer, se les accaparer. En effet, comme toute propriété indivise, la partie commune n’est la pleine disposition d’aucun copropriétaire qui ne peut se l’approprier sans l’accord des autres voisins copropriétaires. Cet aval est par ailleurs particulièrement renforcé en ce qu’il nécessite la majorité des 2/3, telle que prévue à l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. Ainsi, un copropriétaire qui souhaiterait annexer une place de stationnement commune aura la nécessité d’obtenir l’approbation de l’assemblée générale quant à la cession de cette partie commune mais également quant à l’établissement d’un modificatif au Règlement de copropriété et à l’Etat descriptif de division. En outre, cette opération ne devra pas porter atteinte à la destination privative et/ou modalité de leur jouissance par les voisins. Le cas classique est le copropriétaire qui privatise le palier du 4ᵉ étage de l’escalier de service ; ce qui empêche son utilisation par le copropriétaire du 5ᵉ [10]. Le cas échéant, si la décision de l’assemblée générale porte atteinte aux parties privative (exemple : perte d’ensoleillement), ou que l’aliénation porte sur une partie commune nécessaire au respect de la destination de l’immeuble, elle devra alors être prise à l’unanimité de l’ensemble des copropriétaires (pas seulement ceux présents).
b) En copropriété, un voisin ne peut disposer des droits de construire sans accord préalable.
Le droit de construire est une abstraction juridique qui se caractérise par le droit de surélever, d’édifier, d’affouiller ou de construire dans une copropriété. Dans le silence des textes, ce droit doit être considéré comme accessoire aux parties communes [11]. La raison de ce paradigme est simple, jusqu’en 2014 et la suppression du COS (Coefficient d’Occupation des Sols), le copropriétaire qui édifiait devait acquérir une partie de l’assiette foncière constructible auprès de la copropriété. Ainsi, même le propriétaire d’une copropriété « horizontale » qui décide de surélever son bâtiment doit solliciter la copropriété pour effectuer un acte de disposition sur les droits de construire. Cet accord doit être formalisé à la majorité de l’article 26. Le vote n’est en revanche pas nécessaire si le Règlement de copropriété prévoit que ces droits ont d’ores et déjà été privatisés ou si le copropriétaire dispose d’un lot transitoire, à savoir « formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante » [12]. Ajoutons que la méthode valorisation des droits de construire n’est encore à ce jour pas définie et alterne entre un forfait sur un pourcentage de la valeur d’un m² à bâtir dans le cadre de la surélévation (1), un bilan promoteur en réalisant un décompte à rebours (2) ou sur la vérification du poids de la charge foncière sur des programmes récemment construits dans le secteur (3).
En outre, une exception à la nécessité d’obtenir une autorisation de l’assemblée générale est née de la pratique des Géomètres. Les constructions dites privatives, c’est-à-dire cantonnée dans le volume du bien, ne sont pas soumises au rachat des droits de construire. Ainsi, le vote ne portera que la validation du modificatif au Règlement de copropriété et à l’Etat descriptif de division, s’agissant de la modification de la consistance du bien, et non sur un rachat des droits de construire. Tel est le cas d’une mezzanine dans un loft par exemple.
III. Les éventuelles responsabilités du syndic dans les contentieux du voisinage.
La responsabilité civile : de manière classique, le syndic doit assurer la tenue de l’immeuble [13]. S’il s’avère qu’il a négligé sa mission et n’a pas pris en compte des situations illégales, comme l’empiétement sur des parties de la copropriété ou la jouissance privative illégale d’une surface commune, il pourra engager sa responsabilité. Toutefois, comme toute responsabilité contractuelle, le préjudice résulte dans la perte de chance d’obtenir une issue favorable.
La responsabilité pénale : en la matière, le syndic est soumis au délit et contravention de droit commun. Le contentieux du voisinage n’emporte aucune spécificité pénale, propre à la qualité de syndic.
En tout état de cause, le voisinage en copropriété n’est pas l’apanage des propriétaires. Les contentieux en la matière mettent régulièrement en cause des aspects de copropriété qui nécessitent une prévention et une surveillance du syndic.