1) Contexte.
L’article L.1237-15 du Code du travail prévoit que la conclusion d’une rupture conventionnelle avec un salarié protégé nécessite l’autorisation de l’inspecteur du travail et non l’homologation par la Direccte, comme dans la procédure classique.
Cette décision étant une décision administrative, le juge judiciaire ne peut pas se prononcer a posteriori sur la validité de la convention de rupture et sur l’existence ou non d’un vice du consentement, ce que la Haute juridiction a précisé à deux reprises [1].
Cependant, lorsque l’autorisation administrative de l’inspection du travail est annulée, le juge judiciaire est à nouveau compétent pour se prononcer sur les conséquences de la rupture.
2) Faits et procédure.
2.1) Circonstances du litige.
En l’espèce, un directeur de projet, élu membre de la délégation unique du personnel, puis désigné membre du CHSCT, a signé une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Cette rupture a ensuite été autorisée par l’inspecteur du travail.
Quelques mois plus tard, le ministre du travail a annulé la décision d’autorisation.
La société a alors proposé un poste de chef de projet au salarié.
Le salarié, estimant se heurter à un refus de réintégration sur son poste ou un poste équivalent, a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes.
2.2) Solution de la Cour d’appel.
Dans un arrêt du 23 novembre 2017, la Cour d’appel prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l’employeur, produisant les effets d’un licenciement nul.
En effet, la Cour d’appel a considéré que l’annulation de l’autorisation de l’inspecteur du travail ouvrait le droit à réintégration du salarié, qui n’a pas été respecté par l’employeur.
Ainsi, elle condamne l’employeur au paiement de diverses sommes.
L’employeur s’est alors pourvu en cassation.
3) Solution de la Cour de cassation : une rupture conventionnelle nulle, produisant les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur. En effet, l’annulation de l’autorisation administrative emporte la nullité de la rupture conventionnelle et le salarié est ainsi titulaire d’un droit à réintégration.
A cet égard, la Haute juridiction affirme que : « Le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu’il en résulte que, lorsque l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur ».
4) Analyse de la solution de la Cour de cassation.
4.1) Le salarié protégé est titulaire d’un droit à réintégration.
D’une part, la Cour de cassation pose le principe selon lequel « le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l’annulation de l’autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ».
Selon l’article L.2422-1 du Code du travail, lorsque l’autorisation administrative de licenciement est annulée, le salarié protégé a le droit « d’être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ».
La Cour de cassation applique ainsi l’article susvisé à la rupture individuelle signée avec un salarié protégé : en cas d’annulation de l’autorisation administrative de licenciement, le salarié protégé a droit à sa réintégration.
La solution de la Cour de cassation semble cohérente : l’article L.1237-15 du Code du travail prévoit que « la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail dans les conditions prévues notamment au chapitre intitulé « Contestation de la décision administrative » [2].
Or, l’article L.2422-1 du Code du travail figure dans ce chapitre et s’applique donc à la rupture conventionnelle.
4.2) La sanction du non-respect de l’obligation de réintégration : une résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
D’autre part, la Haute juridiction affirme que : « Lorsque l’employeur n’a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d’une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur pour ce motif produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur ».
L’employeur a donc l’obligation de réintégrer le salarié, il ne peut s’en libérer qu’en justifiant d’une impossibilité de réintégration, ce qui est rarement admis par les juridictions.
En cas de non-respect par l’employeur de son obligation de réintégrer le salarié, la Cour de cassation admet la résiliation judiciaire et le salarié peut obtenir ainsi une indemnité pour violation de son statut protecteur.
En l’espèce, le salarié obtient une indemnité au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à laquelle s’ajoutent les indemnités de rupture « classiques » et l’indemnité pour licenciement illicite.