Le 10 décembre 2020 est signé l’ANI pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail.
Cet ANI poursuit les objectifs suivants :
Promouvoir la prévention primaire opérationnelle au plus proche des réalités du travail,
Promouvoir une qualité de vie au travail en articulation avec la santé au travail,
Promouvoir une offre de services de prévention et de santé au travail, interentreprise efficiente et de proximité,
Promouvoir une gouvernance rénovée avec un financement maîtrisé.
Pour le Medef, « cet accord est novateur » en ce qu’il place la prévention au cœur du système de santé au travail, c’est-à-dire à la place traditionnelle de la réparation.
Il ressort en effet pour les partenaires sociaux qu’il est primordial de s’attaquer, en amont, aux causes profondes des risques avant que ces derniers ne se réalisent.
Pour rappel, l’OMS définit la prévention comme « l’ensemble des mesures visant à éviter ou à réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ».
Appliquée aux relations contractuelles de travail, la prévention des risques vise ainsi à supprimer ou à réduire les risques d’atteinte à la santé d’origine professionnelle.
Ces risques peuvent être de plusieurs natures de telle sorte que la prévention doit entre autres recouvrir les risques :
classiques : physiques, chimiques, biologiques…,
d’usure inhérente à l’activité professionnelle,
psychosociaux : burn-out, harcèlement moral...,
extérieurs : sanitaire.
La culture de prévention dans l’entreprise peut être définie sur la base des travaux de l’OIT comme la « manière dont les acteurs de l’entreprise se saisissent des enjeux santé sécurité du travail et de leurs implications sur le travail réel ».
Selon les partenaires sociaux, la prévention des risques professionnels doit être considérée comme un investissement aux effets durables contribuant autant à la performance individuelle qu’à la performance collective.
C’est pourquoi divers outils sont proposés à travers l’ANI du 10 décembre 2020 afin d’assurer une prévention des risques professionnels efficace au sein de l’ensemble des entreprises.
Cet objectif est particulièrement ambitieux pour les TPE et les PME où la prévention des risques est peu développée. C’est d’ailleurs ce qui ressort d’une récente enquête du ministère du travail [1] où seuls 45% des employeurs interrogés ont élaboré ou réactualisé un Document Unique d’évaluation des Risques Professionnels (DUERP) au cours des douze mois précédant l’enquête.
L’ANI du 10 décembre 2020 est donc particulièrement révolutionnaire en ce qu’il propose, de manière concrète, la mise en place de plusieurs outils novateurs afin d’améliorer la prévention des risques professionnels en entreprise.
Le 23 décembre 2020, l’assemblée nationale adopte, en première lecture, la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail ayant pour objet de transposer cet ANI.
Le 6 juillet 2021, le Sénat vient modifier puis adopter la proposition de loi susvisée en première lecture.
Dans cet article, nous allons nous intéresser à 4 des propositions effectuées par les partenaires sociaux et transposées par la proposition de loi adoptée en première lecture par le Sénat le 6 juillet 2021.
I. Sur l’esprit de l’ANI et la dématérialisation du DUERP.
A la lecture du texte, il semble que la proposition de loi soit fidèle à l’esprit de l’ANI puisqu’elle insère dans de nombreuses dispositions des codes du travail et du Code rural et de la pêche maritime la notion de prévention qui bénéficie désormais d’une place centrale dans la politique de la santé au travail.
Ressort également de la proposition de loi, la volonté des partenaires sociaux de mobiliser l’ensemble des acteurs de l’entreprise et de favoriser le dialogue social.
En ce sens, cette proposition prévoit de modifier l’article L4121-3 du Code du travail en prévoyant la consultation obligatoire du CSE sur le DUERP.
Cette disposition n’est pas sans conséquence sur le droit actuel où, la Cour de Cassation affirme à l’inverse, et encore très récemment, que cette consultation n’était que facultative [2] !
Concernant le DUERP, l’ANI tout comme la proposition de loi qui le transpose, prévoit sa dématérialisation afin de simplifier la traçabilité collective et ainsi avoir accès à l’ensemble des versions successives de ce document.
II. Sur la mise en place d’un passeport (de) prévention.
Pour favoriser la prévention, les partenaires sociaux souhaitent créer un passeport prévention pour l’ensemble des salariés et apprentis. Ce passeport qui accompagnerait le salarié tout au long de sa carrière permettrait de retracer l’ensemble des formations en santé et sécurité au travail dont il a pu bénéficier.
Pour ce faire, ce passeport serait composé de deux parties présentant d’une part les formations communes à l’ensemble des branches professionnelles et d’autre part les formations spécifiques à chaque branche professionnelle et dont le contenu serait défini par ces dernières.
Ce projet poursuit l’idée selon laquelle l’ensemble des acteurs de l’entreprise (employeur, salariés, représentants du personnel, branches professionnelles…) doit être mobilisé et associé à la prévention des risques au travail.
Conformément à l’ANI, la proposition de loi prévoit la création d’un passeport de prévention qui reprend parfaitement celui proposé par les partenaires sociaux.
En effet, en cas d’adoption de la loi, l’article L4141-5 du Code du travail disposera que
« l’employeur renseigne dans un passeport de prévention les attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail dispensées à son initiative. Les organismes de formation renseignent le passeport selon les mêmes modalité dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail qu’ils dispensent. Le travailleur peut également inscrire ces éléments dans le passeport de prévention lorsqu’ils sont obtenus à l’issue de formations qu’il a suivies de sa propre initiative ».
III. Une meilleure collaboration entre médecin traitant et médecin du travail.
Une autre proposition des partenaires sociaux semble également novatrice. Il s’agit de la mise en place d’une plateforme pluridisciplinaire dans le but de faciliter les échange entre le médecin traitant, le médecin du travail et le médecin conseil de la CPAM.
Ces échanges permettront ainsi de favoriser le repérage précoce d’un risque de désinsertion professionnelle et ainsi d’adapter les conditions de travail du salarié afin que le risque qu’il encourt ne se réalise pas (burn out, entorse de fatigue…).
IV. L’intervention du médecin praticien correspondant.
Enfin, une meilleure prévention des risques professionnels passe également par la mise en place dune offre de SPSTI efficiente et de proximité.
En effet, force est de constater qu’en dépit d’une forte attente en matière de « prévention » de la part des employeurs et des salariés ; il existe une grande hétérogénéité des prestations rendus par les services de santé au travail.
Or, ces dernières sont primordiales pour les entreprises ne présentant aucune ressource interne en prévention (notamment les TPE et les PME).
Pour les partenaires sociaux, une modernisation de ces services s’impose afin que l’ensemble des entreprises puisse aisément en bénéficier.
Ainsi, afin de faire face à la pénurie du personnel médical et paramédical qualifié, les partenaires sociaux souhaitent permettre aux SPSTI de formaliser une offre qui s’appuie sur toutes les ressources médicales disponibles sur son périmètre d’action.
En d’autres termes, est proposé la possibilité pour le SPSTI de s’appuyer sur un réseau de médecins praticiens correspondants pour répondre aux attentes des salariés et des entreprises en matière de santé au travail, dans des limites strictement définies.
Cette nouvelle collaboration entre la médecine du travail et la médecine de ville permettrait alors de faire bénéficier à l’ensemble des salariés d’une surveillance effective, de proximité et dans le respect des délais réglementaires.