1/ Règles légales.
Il résulte de l’article L4622-6 du Code du travail que les dépenses afférentes aux SSTI sont répartis proportionnellement au nombre des salariés des entreprises adhérentes.
La question se pose de savoir s’il convient de tenir compte du nombre de salariés pris individuellement, c’est-à-dire comme personnes physiques (« per capital ») ou de l’effectif de l’entreprise en équivalent-temps-plein.
L’ordonnance 2004-602 du 24 juin 2004 a harmonisé les modalités de calcul de l’effectif en instaurant une règle générale de décompte.
Celle-ci s’applique lorsqu’un dispositif du Code du travail fait référence à une condition d’effectif, sauf disposition expresse contraire.
La règle générale de décompte des effectifs est fixée par les articles L1111-2, L1111-3 et R1111-1 du Code du travail.
Or, ces trois textes commandent de calculer l’effectif de l’entreprise en équivalent-temps-plein.
En particulier, les salariés à temps partiel ne constituent pas une unité : il convient de tenir compte de leur durée de travail.
Ces règles de décompte en équivalent temps plein s’appliquent aux SSTI.
2/ Interprétation jurisprudentielle.
La Cour de cassation interprète l’article L4622-6 du Code du travail comme prévoyant un seul mode de répartition des dépenses de santé entre entreprises adhérentes au service : la répartition par salarié en équivalent temps plein [1] :
« Mais attendu qu’aux termes de l’article L4622-6 du Code du travail, les cotisations dues par les employeurs lorsqu’ils adhèrent à un service de santé au travail interentreprises correspondent aux dépenses afférentes à ces services réparties proportionnellement au nombre de salariés ; qu’il en résulte que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l’employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme ; que seul peut être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée ».
Une note explicative de l’arrêt du 19 septembre 2018, publiée sur le site Internet de la Cour de cassation, confirme que :
« Au regard du texte actuel du Code du travail, le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein. C’est ce qu’avait déjà rappelé le Conseil d’Etat dans une décision du 30 juin 2014 [2] et ce que réaffirme le présent arrêt de la chambre sociale qui approuve la cour d’appel d’avoir considéré que la cotisation appliquée à l’employeur devait être calculée en rapportant les dépenses globales du service interentreprises au nombre total de salariés de l’ensemble des entreprises adhérentes puis en multipliant la somme obtenue par le nombre de salariés de la société (…) ».
En effet, le Conseil d’Etat s’était déjà prononcé en ce sens, en refusant d’annuler une circulaire ministérielle exprimant cette règle de calcul [3].
La Cour d’appel d’Orléans, dans un arrêt du 10 novembre 2020 [4], a rappelé cette règle :
« l’Association de prévention de santé du Loir et Cher doit fixer la cotisation de l’Union des industries et métiers de la métallurgie du Loir et Cher à une somme, par salarié équivalent temps plein, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme, seul pouvant être appliqué le cas échéant à ce calcul un coefficient déterminé correspondant au nombre de salariés nécessitant une surveillance médicale renforcée (…) ».
Récemment, le TJ de Villeurbanne a aussi jugé qu’il résulte de l’article L4622-6 et de l’interprétation commune qu’en font le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, que la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l’entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le SSTI auquel adhère l’employeur, rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l’organisme [5].
3/ Position de l’administration.
La Direction générale du travail s’est également prononcée dans ce sens, dans la circulaire n° 13 du 9 novembre 2012 relative à la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail :
« L’article L4622-6 du Code du travail précise que « les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs [et que] dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre de salariés ». Le coût de l’adhésion à un SSTI est donc calculé selon l’effectif de chaque entreprise adhérente, défini selon les modalités des articles L1111-2 et L1111-3 du Code du travail. Il ne correspond pas à un pourcentage de la masse salariale, mais à un montant calculé par salarié ».
Postérieurement, une réponse ministérielle a précisé que le principe d’une cotisation calculée par salarié ne fait pas obstacle à ce que chaque service de santé définisse son propre taux de cotisation par salarié, lequel est librement décidé par l’assemblée générale de ses adhérents [6].
Par ailleurs, il est permis que le SSTI différencie les taux des cotisations selon la nature des expositions des salariés et selon qu’un salarié est placé en surveillance médicale renforcée ou en surveillance médicale simple.
4/ Modes de calcul prohibés.
Bien que la solution juridique soit claire, de nombreux SSTI ne respectent pas la règle de calcul des cotisations fondée sur la prise en compte de l’effectif en équivalent temps plein.
Selon un rapport de la Cour des comptes du 29 novembre 2012, près de la moitié des SSTI établissent une cotisation fondée, non sur une répartition en fonction du nombre de salariés des entreprises adhérentes, mais sur la masse salariale des entreprises ou sur un système mixant les deux critères.
Dans l’arrêt du 19 septembre 2018, la Cour de cassation a sanctionné le règlement d’un SSTI prévoyant que la cotisation annuelle était calculée « en fonction des risques spécifiques du poste de travail et de la masse salariale avec un plancher et un plafond par salarié ».
La jurisprudence n’admet pas non plus une cotisation fondée sur le nombre de salariés entendus comme personnes physiques.
Par dérogation au principe du calcul de la cotisation sur la base du nombre de personnes employées au cours d’une année, dans le cas des dépenses afférentes au service de santé effectuées pour les journalistes à la pige, les mannequins et/ou les artistes et techniciens intermittents du spectacle, ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale [7].
Discussion en cours :
Merci cher Maître pour cet article intéressant.
Malgré ces jurisprudences en faveur d’une application de la loi, les SST (mais pas toutes) continueront d’appliquer ce(s) mode(s) de tarification(s) illicite(s).
Les entreprises sont peu enclines à engager des recours car elles ont l’obligation d’adhérer à un SST.
Selon les localisations, le nombre des SST généralistes / spécialisés est faible, laissant souvent aucune alternative aux employeurs. Dans les grandes métropoles, la pluart des SST sont saturées et font des adhésions sélectives.
Ce qui placent les SST en situation de monopole !
Avant 2017, certaines Direcctes (notamment en IDF) avaient fixées (illégalement) aux SST des deadlines de mise en conformité. Les SST s’en prévalaient pour continuer leurs pratiques tarifaires.
L’administration couvrait implicitement cette situation au regard peut-être de la fragilité financière de ces structures associatives.
En conclusion, un employeur ne peut se permettre de se faire radier aux risques de sanctions pénales, prudh’homales...dont le coût sera potentiellement plus important qu’une sur-cotisation à la médecine du travail.
Habib KHIRREDINE
Expert optimisation des charges sociales