La structuration juridique des DAO.

Par Arnaud Touati, Avocat.

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Explorer : # dao # blockchain # smart contracts # gouvernance décentralisée

Ce que vous allez lire ici :

Les DAO (organisations autonomes décentralisées) utilisent des smart contracts pour automatiser leur gouvernance. Elles offrent des avantages comme l’inclusion financière et la rapidité, mais présentent des risques juridiques et techniques. Leur structuration reste complexe, nécessitant des conseils juridiques adaptés pour naviguer les défis réglementaires.
Description rédigée par l'IA du Village

Une DAO (Organisation Autonome Décentralisée) est un système basé sur la blockchain qui permet aux gens de se coordonner et de se gouverner eux-mêmes grâce à des règles auto-exécutables déployées sur une blockchain publique. Les DAO sont considérées comme des entités économiques naturelles du web3, opérant sans contrôle central et alimentées par la technologie blockchain. Initialement utilisées pour émettre de nouveaux jetons, ces entreprises ont évolué vers des applications financières décentralisées (DeFi) utilisant des smart contracts sur la blockchain. Ce système permet le transfert direct sans intermédiaire, constituant le mouvement DeFi. Elles éliminent la nécessité de faire confiance à des tiers centralisés, étant gérées par des membres qui possèdent des cryptoactifs, conférant des droits décisionnels et/ou économiques.

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Il existe plusieurs types de DAO : DAO de protocole (Uniswap, Aave, Maker), DAO d’investissement (investissant dans divers projets pour générer des rendements), DAO de subvention (finançant des projets ou initiatives communautaires), DAO de collectionneurs (achetant, vendant et gérant des collections d’actifs numériques), et DAO de gouvernance (comme Jupiter Exchange, permettant aux membres de voter sur des propositions).

Organisation et gestion des DAO.

Les DAO s’appuient sur les blockchains et les smart contracts. Leur gouvernance est automatisée par le biais de codes décentralisés, de sorte qu’aucune personne ne peut altérer les règles établies.

Ces structures présentent plusieurs avantages significatifs. Tout d’abord, elles réduisent les barrières à l’entrée, favorisant ainsi une plus grande inclusion financière.

La rapidité est également un atout majeur, permettant de mobiliser et de déployer des capitaux rapidement. En outre, les DAO offrent une flexibilité notable grâce à des processus de vote simples et rapides, et elles incarnent une forme de démocratie où les décisions sont prises collectivement par les membres.

Cependant, ces structures ont aussi leurs inconvénients. L’exigence de voter sur toutes les modifications, même mineures, peut être lourde pour les participants. Il y a aussi une absence de relation juridique formelle entre les détenteurs de jetons et la DAO, ce qui pose des problèmes de responsabilité et de protection des investisseurs, souvent peu claires. Enfin, leur statut juridique incertain constitue une autre difficulté majeure, car elles n’ont pas encore de cadre légal clair et défini.

La nature purement décentralisée des DAO leur permet de fonctionner dans toutes les juridictions, ce qui soulève des questions importantes sur l’application du système juridique actuel à une telle diversité de juridictions et de géographies.

Smart contracts : pilier de l’innovation et risques sous-acents.

Une DAO est gérée de façon décentralisée par des membres qui ne sont pas des personnes physiques mais plutôt des adresses de portefeuilles enregistrées dans la blockchain et qui reçoivent en échange de leur gestion, des jetons de gouvernance émis par le protocole de la DAO, le fameux smart contract.

Les smart contracts jouent un rôle principal dans la gestion des DAO. Ces contrats intelligents sont des programmes informatiques qui s’exécutent automatiquement sur une blockchain, vérifiant et appliquant les instructions prédéfinies sans intervention humaine. Ils sont responsables de la mise en œuvre des règles de gouvernance de la DAO. Par exemple, les smart contracts peuvent gérer la distribution des jetons de gouvernance, enregistrer les votes des membres et exécuter les décisions collectives. Grâce à ces contrats, les DAO peuvent fonctionner de manière autonome et transparente, assurant que les actions et transactions sont effectuées conformément aux règles établies.

Cependant, cette automatisation n’est pas sans risques. Les DAO sont particulièrement vulnérables aux cyber-attaques et aux erreurs de codage. Une faille dans un smart contract peut être exploitée par des acteurs malveillants, entraînant des pertes financières significatives. Un exemple notable est l’incident avec The DAO en 2016, où une vulnérabilité dans le code a permis à un pirate de détourner environ 50 millions de dollars. Ce genre de risque souligne l’importance de la rigueur et de la prudence dans la conception et le déploiement des smart contracts.

Avant de créer une DAO, il est conseillé de cartographier les risques juridiques, d’identifier les droits des membres, d’évaluer les risques de requalification en société et d’analyser les vulnérabilités en cybersécurité. Cette cartographie doit être accompagnée d’un whitepaper détaillant la gouvernance de l’organisation. Un avocat spécialisé en Web 3 est essentiel pour assurer la protection des données personnelles et la cybersécurité de l’ensemble de la DAO et de ses membres.

Structuration juridique des DAO.

En l’absence de structure juridique formelle, il devient compliqué pour une DAO d’établir des relations contractuelles avec d’autres entités. Pour s’engager avec d’autres entreprises ou gérer sa trésorerie, la DAO doit avoir un statut juridique.

De plus, en l’absence de statut légal clair les participants aux DAO pourraient être tenus financièrement responsables et peuvent voir leur responsabilité engagée pour les activités illicites menées par la DAO. Sans enregistrement, les DAO ne sont pas soumis aux obligations légales de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Attirer des fonds et des acheteurs de jetons sans ce type de contrôle peut conduire à des enquêtes criminelles pour crimes financiers. Tandis que si la structure est enregistrée c’est elle qui sera responsable et protégerait les membres des DAO.

La qualification juridique des DAO en France est complexe, car il est difficile de leur donner une existence juridique réelle et de les immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). Les DAO, par leur nature décentralisée et automatisée, ne correspondent pas facilement aux structures juridiques traditionnelles.

Parmi les options de structuration, on peut envisager :

  • Société en Participation (SEP) : cette structure pourrait sembler adaptée, mais elle implique une responsabilité illimitée et solidaire des membres vis-à-vis des tiers. Chaque membre serait donc personnellement responsable des dettes et des obligations de la DAO.
  • Société Créée de Fait (SCF) : née de la coopération informelle entre plusieurs personnes, cette structure impose que les associés soient responsables de manière illimitée envers les tiers, ce qui n’est pas idéal pour les membres de la DAO. Pour qu’une entité soit qualifiée de SCF, trois conditions sont nécessaires, la réalisation d’apports en société, l’intention de s’associer et la conscience de s’associer à un projet commun. Ce n’est pas une transposition idéale car sur le plan juridique les associés sont responsables de manière illimitée envers les tiers sur leur patrimoine propre et, sur le plan fiscal, ils sont directement soumis à l’imposition sur le revenu.

D’autres cadres, comme la société sui generis adoptée par certains pays, ou les structures associatives françaises, offrent des alternatives intéressantes.

  • Société sui generis : certains pays, comme Malte, ont adopté cette approche en créant des cadres spécifiques pour les DAO. Une société sui generis est une structure juridique unique, conçue spécifiquement pour répondre aux besoins et aux caractéristiques des DAO. Bien que cette solution soit innovante, elle nécessite un environnement juridique et réglementaire particulièrement favorable.
  • Structures associatives : en France, il est possible de structurer une DAO en deux modèles distincts : d’une part, une entité à but non lucratif en vertu de la loi de 1901 qui servira à garder les actifs de la DAO, et d’autre part, une société commerciale qui, elle, sera financée par l’association via la facturation des prestations techniques.

Ce montage sociétaire permet certes d’être exonéré d’impôts. Toutefois, pour maintenir le statut d’association à but non lucratif, il est crucial de respecter des conditions strictes :

  • La gestion de l’association doit être désintéressée.
  • La rémunération des dirigeants ne doit pas dépasser certains seuils.
  • Le but de l’association ne doit pas consister en la répartition des bénéfices entre ses membres.

Legal wrappers offshore pour les DAO : opportunités fiscales et défis réglementaires.

Les Legal wrappers, permettent d’immatriculer une entité dans une juridiction fiscalement avantageuse comme la Suisse ou Singapour. Cette alternative offre une solution fiscalement avantageuse et juridiquement facilitée pour leur développement.

Aux Etats-Unis, de nombreux legal wrappers ont déjà émergé, tels que la Vermont BBLLCs ; l’organisation décentralisée du Tennessee LLC et les DAO à responsabilité limitée de l’Utah (LLD). Une organisation doit inclure dans son accord d’exploitation les détails pertinents tels que son objectif, les conditions de vote, l’utilisation prévue de la technologie blockchain et les droits des membres. Chaque structuration est unique.

À l’international, les Îles Marshall permettent aux DAO de s’établir en tant que LLCs et reconnaissent explicitement le vote et la tokenisation dans les DAO. Ce cadre juridique permet alors à la DAO de signer des contrats, de conclure des accords avec d’autres sociétés, de limiter la responsabilité des contributeurs, d’embaucher des employés ou encore de s’acquitter de leurs obligations fiscales de façon optimale.

Limites du Forum Shopping en France.

Les bénéfices réalisés par la DAO seront assujettis à l’impôt français si l’une des conditions de caractérisation d’un établissement stable en France est remplie :

  • Une activité exploitée en France ;
  • Des opérations réalisées en France par des représentants non indépendants ;
  • Des opérations en France formant un cycle commercial complet.

Si l’une de ces conditions est satisfaite, les profits de la DAO seront imposés selon le régime de l’impôt sur les sociétés de droit français. En conséquence, les membres de la DAO ne pourront pas bénéficier d’une fiscalité avantageuse dans un autre État ni d’un legal wrapper offshore.

Rôle des avocats spécialisés en Web 3.

Les avocats spécialisés en Web 3 sont indispensables pour naviguer dans les défis juridiques et fiscaux complexes rencontrés par ces organisations innovantes. Ils sont essentiels pour aider les DAO à se conformer aux lois en vigueur, et à élaborer des stratégies d’optimisation fiscale tout en exploitant les avantages des technologies décentralisées. Leur expertise garantit que les opérations des DAO restent légales, transparentes et sécurisées. En outre, ces avocats aident à structurer les DAO de manière à protéger les intérêts des membres et à minimiser les risques juridiques.

Le domaine des DAO et des technologies blockchain évolue rapidement, avec des modifications fréquentes des cadres législatifs et réglementaires. Les avocats spécialisés doivent suivre ces évolutions de près pour assurer que leurs clients restent conformes aux nouvelles lois et règlements.

Arnaud Touati, Avocat au barreau de Paris
Associé Hashtag Avocats

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