Il est à souhaiter qu’elle fera prévaloir la logique et la cohérence des textes sur des considérations de politique jurisprudentielle qui conduiraient immanquablement à des distinctions ésotériques, obscures, incompréhensibles entre les différentes fins de non-recevoir et provoqueraient à coup sûr de nouveaux contentieux au sein des Cours d’appels.
I - Le Code de procédure civile.
Tout a changé depuis le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.
Depuis le 1er janvier 2020, les instances introduites à compter de cette date sont soumises au nouvel article 789 du Code de procédure civile qui en son 6° accorde compétence au JME du tribunal judiciaire pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Le renvoi de l’article 907 du même code à l’article 789 implique qu’en appel le CME quand il existe est désormais compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Le 3 juin 2021, la Cour de cassation a précisé que le CME ne pouvait connaître ni des fins de non-recevoir tranchées par le JME ou par le tribunal ni de celles qui bien qu’ayant été tranchées en première instance auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge.
Ce point de vue est parfaitement logique car la mission du CME lorsqu’il se prononce sur une fin de non-recevoir n’est pas de statuer sur l’appel à la place de la Cour.
La mission du CME consiste à régler des problèmes procéduraux préalables de procédure relatifs à la seule instance d’appel.
On ne peut donc qu’approuver l’avis du 3 juin 2021.
II- Les points à retenir.
Cela étant, la Cour de cassation ne répond pas dans son avis du 3 juin 2021 à la question de savoir si le CME est compétent pour statuer sur la recevabilité d’une prétention nouvelle en appel.
De même, la Cour de cassation ne répond pas à la question de savoir si le Président de la Chambre dans les procédures 905 du Code de procédure civile à bref délai et sans CME, est compétent pour prononcer l’irrecevabilité des demandes pour défaut de droit d’agir en appel.
III- En pratique.
Question n°1 :
Le CME est-il compétent pour statuer sur la recevabilité d’une prétention nouvelle en appel ?
Réponse :
Civ. 2e, avis, 11 oct. 2022, n° 22-70.010.
Juridique un peu, pratique et politique surtout, la Cour de cassation tranche la question controversée de la compétence à statuer sur la recevabilité des demandes nouvelles en cause d’appel et la concentration des prétentions au fond :
1/ Par renvoi de l’article 907 du Code de procédure civile, l’article 789, 6°, du Code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l’article 914 du même code n’en restreigne l’étendue.
2/ Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du Code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d’appel.
Par renvoi de l’article 907 du code de procédure civile, l’article 789, 6°, du code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l’article 914 du même code n’en restreigne l’étendue. Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d’appel.
Cet avis s’inscrit dans le prolongement de l’avis rendu par la 2ème chambre civile le 3 juin 2021, par lequel elle a jeté les fondements de la répartition des compétences entre le conseiller de la mise en état et la cour d’appel depuis la réforme issue du décret du 11 décembre 2019.
L’articulation de la solution de l’arrêt commenté avec ce précédent avis n’est pas reprise dans la décision, mais la référence qui y est faite exprime clairement l’ancrage du nouvel avis dans le précédent.
Par ce nouvel avis, la deuxième chambre civile a répondu à deux questions nouvelles posées par cette réforme : la première relative au caractère limitatif ou non de l’article 914 du code de procédure civile ; la seconde relative à la compétence du conseiller de la mise en état ou de la cour d’appel pour statuer sur les fins de non- recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile.
1° - La première question - qui est préalable à la seconde - concernait l’articulation des textes pertinents depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2020, de l’article 789, 6°, du code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019, qui prévoit désormais que le juge de la mise en état a compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Par renvoi de l’article 907 du même code, le conseiller de la mise en état se voit attribuer la même compétence que le juge de la mise en état.
Or, jusqu’au 1er janvier 2020, l’article 914 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret du 6 mai 2017, limitait la compétence du conseiller de la mise en état à certaines irrecevabilités limitativement énumérées (irrecevabilité de l’appel, irrecevabilité des conclusions d’intimé et d’intervenant et irrecevabilité des actes de la procédure d’appel en application de l’article 930-1 irrecevabilité de l’appel).
Aussi bien la deuxième chambre civile a-t-elle dû préciser la portée de la réforme issue de ce texte.
En effet, le décret précité a, s’agissant de la compétence du conseiller de la mise en état, opéré par renvoi des textes relatifs au juge de la mise en état. Il n’a pas modifié pour autant l’article 914 du code de procédure civile. Fallait-il, dès lors, considérer que ce texte restreignait désormais l’application des dispositions nouvelles relatives aux fins de non-recevoir ?
La deuxième chambre civile a répondu par la négative.
Elle ne s’est pas engagée dans la voie contraire qui aurait eu pour conséquence de neutraliser les effets de la réforme du décret du 11 décembre 2019.
Elle a donc résolu la confrontation des textes en cause en jugeant que l’article 914 du code de procédure civile ne limitait pas la compétence du conseiller de la mise en état. C’est donc bien l’article 789, 6°, du code de procédure civile, qui vise de manière générale l’ensemble des fins de non-recevoir, qui s’applique.
2. - La seconde question portait sur la compétence du conseiller de la mise en état ou celle de la cour d’appel pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile
On rappellera que le premier de ces textes prohibe, à peine d’irrecevabilité, les prétentions nouvelles en appel et que le second oblige la partie à formuler ses prétentions dans les premières conclusions.
Interprétant la norme réglementaire de manière dans un sens conforme à la norme législative, la deuxième chambre civile a considéré que les deux fins de non-recevoir considérées relevaient de la compétence de la cour d’appel et non de celle du conseiller de la mise en état.
Cette analyse s’inscrit dans la logique de l’avis du 3 juin 2021, qui avait souligné que la réforme issue du décret du 11 décembre 2019 s’inscrivait dans le cadre fixé par le code de l’organisation judiciaire, et notamment de ses dispositions de nature législative (articles L.311-1, L.312-1 et L.312-2).
Celles-ci donnent compétence à la cour d’appel pour connaître des décisions judiciaires, civiles ou pénales rendues en premier ressort.
Elles précisent que cette juridiction statue souverainement sur le fond des affaires, cet adverbe devant être compris en ce sens que la cour d’appel dispose, en matière d’appel, d’une plénitude de juridiction.
C’est donc bien le principe de la hiérarchie des normes et la méthode d’interprétation conforme qui fondent principalement ce nouvel avis dans la suite logique du précédent.
Question n°2 :
Le CME ou le Président de la Chambre dans les procédures sans CME est-il compétent pour prononcer l’irrecevabilité des demandes pour défaut de droit d’agir en appel ?
Réponse :
La Cour de cassation n’a pas encore répondu à la question.
Le pouvoir réglementaire en 2019 a voulu mettre fin en 2019 à l’application de la règle qui consistait à confier aux magistrats de la mise en état le soin de se prononcer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance tout en refusant la mission de statuer sur les fins de non-recevoir.
Il n’existe donc aucune raison, en droit, pour dénier cette même compétence tant au CME ou qu’au Président de la chambre dans les procédures 905 sans CME, il nous semble évident dans cette mesure que la question du défaut de droit d’agir en appel ne touche pas « trop étroitement au fond et à l’effet dévolutif » pour que le CME ou le Président de la Chambre dans les procédures 905 sans CME qui sont le « juge de la procédure d’appel et non du fond » puisse avoir compétence.
En effet, la question de savoir si une partie dispose en appel du droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée, ne touche pas au fond du litige.
Le CME ou le Président de la Chambre dans les procédures 905 sans CME saisi de cette fin de non-recevoir ne s’interroge pas sur le bien-fondé de la prétention.
Il se demande simplement si la partie a qualité pour agir en cause d’appel tel un intervenant volontaire ou forcé.
Rien dans la démarche du CME ou du Président de Chambre ne le conduit à statuer au fond de cette prétention.
Pour une fois qu’une réforme de procédure est cohérente, on peut espérer que la Cour de cassation ne fera pas des nouveaux textes une interprétation déformante.
Bon nombre de praticiens préconisent une nouvelle réforme en un remède simple.
C’est une sorte d’option de compétence le magistrat de la mise en état sous le Président de Chambre dans les procédures sans mise en état seraient désormais concurremment compétents avec la formation de jugement pour se prononcer sur une fin de non-recevoir avec une évolution similaire en première instance.
Ce serait une sorte d’option de compétence qui serait consacrée, étant observé que le magistrat de la mise en état disposerait dans tous les cas d’une faculté de renvoyer devant à la formation de jugement.
C’est sans doute la problématique qui sera la plus délicate à trancher pour les proches années à venir.
Pour aller plus loin sur le sujet :
La structuration des conclusions devant le tribunal judiciaire.
Focus sur le décret d’application du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
Guide pratique du décret d’application du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
Guide pratique du décret du 11 décembre 2019 : quels pièces et actes à produire devant le tribunal judiciaire par type de contentieux.
Avis n°15008 du 3 juin 2021 de la Deuxième Chambre Civile de la Cour de cassation.
Qui peut connaitre de la recevabilité des demandes nouvelles, le conseiller de la mise en état ou la cour ?
Civ. 2e, avis, 11 oct. 2022, n° 22-70.010 [1].