Elle s’exprime en ces termes :
" Au regard des évènements récemment survenus en Tunisie, l’ensemble des professionnels visés à l’article L561-2 du CMF (notamment les prestataires de service d’investissement et autres acteurs du système financier) sont invités à appliquer avec une particulière attention les mesures de vigilance complémentaires prévues à l’article R561-20 du CMF (notamment concernant identification du client et autres mesures de vérification) à l’égard de toutes les opérations susceptibles de concerner, directement ou indirectement, des personnes visées au 2° de l’article L561-10 (client exposé à des risques particuliers en raison de ses fonctions politiques ainsi que son entourage) et R561-18 du CMF (membres ou anciens membres du gouvernement) et en lien avec la Tunisie.
Les opérations [suspectes] devront sans délai faire l’objet d’une déclaration à TRACFIN.
Les déclarants sont par ailleurs invités à signaler particulièrement les déclarations concernant des opérations mettant en péril le suivi des sommes concernées (retraits substantiels en espèces, achat de métaux précieux, envois de fonds vers l’étranger etc.) afin de mettre TRACFIN en mesure d’exercer, le cas échéant, les prérogatives prévues à l’article L561-25 (blocage des opérations). "
Cette publication de la part de TRACFIN concrétise la volonté affirmée du gouvernement de mettre en place une vigilance renforcée concernant les avoirs tunisiens sur le territoire français. En effet, il est probable que le gouvernement tunisien renversé, et particulièrement celui que l’on peut désormais nommer ex-président Zine el-Abidine BEN ALI, aient organisé leurs avoirs (légaux ou non) avec un maximum de sécurité pour pouvoir en disposer à tout moment. C’est ainsi que, selon le site www.armée.com qui se veut citer une source « fiable », M.Ben Ali aurait quitté son poste et la Tunisie avec 45 000 000 d’euros.
C’est donc dans un but de traitement des remontées d’informations concernant des mouvements douteux que TRACFIN a décidé de garder un œil attentif sur les mouvements de fonds concernant la famille BEN ALI et son entourage, mais plus largement sur tout mouvement impliquant la Tunisie et susceptible d’être douteux. Cette initiative a d’ailleurs été concomitante avec celle menée conjointement par le ministre du budget, François BAROIN, et la ministre de l’Economie, Christine LAGARDE. En effet, cette dernière a expliqué aux professionnels du secteur financier, le 15/02/2011, la position adoptée par le gouvernement français sur ce point.
Elle précisait alors la nécessité d’une « vigilance particulière », dont font d’ailleurs preuve les banques françaises concernant les avoirs tunisiens. Aux nombreuses allégations de mesures de gel des avoirs, elle répond en précisant qu’il ne s’agit que de « blocages administratifs », toute mesure de gel des avoirs nécessitant une décision judiciaire, inexistante pour le moment. Plus précisément, Madame LAGARDE explique qu’il s’agissait de mettre en place « une vigilance extrême sur les mouvements de fonds et demandes de transfert concernant les comptes et les avoirs tunisiens ». Elle rappelle aux établissements financiers l’importance de leur implication dans les déclarations de mouvements suspects afin que TRACFIN puisse prendre leur suite. En effet, TRACFIN peut « bloquer [les mouvements] pendant 48 heures et ensuite saisir une instance [ce qui permettrait de bloquer l’évasion des avoirs de M.BEN ALI]. C’est souvent ce qui se passe en cas de changement et de transition de régime », indique-t-elle.
D’aucun se demandent déjà pourquoi ce type de mesures n’a pas été pris avant cette révolution populaire, qui a finalement eu le rôle de révélateur de la nécessité de surveillance de ces avoirs douteux. Là encore, Madame LAGARDE apporte des précisions sur cette question en expliquant que « le caractère douteux » apparait « au moment où des instances démocratiques se mettent en place ».
Quant à la partie immobilière des avoirs, si la traçabilité est facilitée par l’inamovibilité des biens, il n’en reste pas moins que l’implication des notaires est également requise par les instances françaises en ce qu’elles rappellent qu’il est de leur devoir de déclarer des transactions qui leur semblerait douteuses, c’est-à-dire qui auraient pour but de dissimuler l’origine des fonds ou leur bénéficiaire effectif.
Cependant, la priorité pour le moment reste la surveillance des avoirs plus liquides. C’est ainsi que François BAROIN précise que le volet immobilier fera par la suite l’objet d’une « procédure judiciaire ».
L’ensemble des informations ainsi recueillies permettront, dès l’apaisement et un retour au calme du pays, d’évaluer l’ampleur des avoirs tunisiens douteux dans le système financier français. Cela devrait mettre les autorités françaises en mesure de répondre efficacement aux sollicitations des nouvelles instances tunisiennes légitimes et de décider du sort des avoirs litigieux
C’est donc seulement avec du recul que nous pourrons évaluer l’impact effectif des mesures qui ont été prises et que chacun pourra se construire sa propre opinion quant à la critique d’ores et déjà soulevée : tout ceci n’est-il pas seulement un effet d’annonce ?
Par Nastasia BLANCHOT
Master 2 Droit pénal financier Cergy-Pontoise
http://www.m2dpf.fr