de
SRVGH
le Mar 07 Sep 2004 13:58
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Profession: Juriste
Petit ajout à ce qui a été dit dans un post précédent qui m'a vivement fait réagir, (que faut-il pour être digne d'être juriste) et que je partage tout à fait concernant la dureté du marché du travail.
Le déséquilibre entre l'offre et la demande concernant l'emploi des juristes, ne joue pas seulement (malheureusement) en tant que barrière à l'entrée dans le monde du travail. Il a quelques effets pervers une fois le petit monde de l'entreprise intégré.
Par exemple, les salaires sont revus à la baisse bien souvent. Personne n'est irremplaçable, des profils comme le votre il y en a des tas qui courent les rues.
Le petit monde merveilleux de l'entreprise connaît généralement assez bien les vicissitudes du marché de l'emploi des jeunes diplômés de manière générale, il est facile à partir de cela, et en ajoutant une petite pointe de mauvaise foi de dire que votre travail est trop payé, et que tout un tas de personnes seraient prêtes à le faire pour beaucoup moins que vous.
Le pire dans cette histoire est que c'est vrai tout du moins dans le milieu des collectivités locales que je connais depuis 3-4 ans. Travail alimentaire s'il en est. J'ai personnellement vu dans la collectivité locale ou je travaille, des personnes diplômés Bac + 4 et supérieur accepter un poste payé au smic, et au bas de la hiérarchie administrative. Ce sont d'ailleurs ces personnes qui m'ont remplacé lorsque excédé par les critiques concernant le salaire mirobolant que je touchais (moins de 10000 fr nets par mois depuis plus de trois ans, c'est vraiment honteux de toucher autant) j'ai fini par demander à changer de service, après avoir envisagé une démission.
J'en profite pour souscrire totalement à ce que disait quelqu'un concernant l'ambiance de travail des collectivités locales. C'est désolant, démotivant, un vrai cimetière à initiative personnelles et à enthousiasme. Seulement, pas mal de JD s'y retrouvent et parfois s'y enterrent, faute de pouvoir trouver un poste à la hauteur de leurs capacités. La fonction publique territoriale est bourrée, je dis bien bourrée de blocages divers, de lenteurs, d'effets pervers en tous genre. L'avantage étant la sécurité (relative, car qu'est-il préférable entre un placard de plusieurs années et un licenciement net) de l'emploi.
Oui, il ne fait pas bon être diplômé par les temps qui courent, dans certaines collectivités locales. Je dirais même que dans certaines structures, être diplômé en droit est quasi un handicap, du fait de la dévalorisation généralisée du diplôme relayée un peu partout. Il n'y a pas loin à ce qu'on considère le diplômé à bac + 5 comme une sorte de parasite qui aurait préféré étudier pendant 5 années à la faculté, au lieu de contribuer telle une bonne petite fourmi ouvrière, à la richesse de la nation.
Quel est le résultat?
On tape sans discontinuer sur le JD, lui indiquant que ses prétentions salariales, et en termes de responsabilité sont indues, qu'il devrait faire preuve d'humilité et commencer comme les autres au bas de l'échelle, ce que certains acceptent. Dans ces conditions, la perte de temps et d'investissement est totale, et cela achève de décrédibiliser les études "longues.
Au total, les conséquences sont simples, le JD est relégué à des tâches d'exécution et au bas de l'échelle, cependant que d'autres, qui n'ont pas "perdu leur temps" pendant 5 années et plus dans les universités, progressent lentement mais sûrement. On en arrive à une véritable inversion des valeurs, avec des personnes surdiplômées au bas de l'échelle sociale, et d'autres, niveau bac, qui disposent de l'autorité hiérarchique sur elles et qui n'ont que quelques années de plus.
Pour qu'un tel système puisse perdurer, il faut soit que le JD n'apporte aucune valeur ajoutée à la structure dans laquelle il travail, soit qu'il en soit empêché d'une façon ou d'une autre, ce qui revient au même, soit que la qualité du travail soit plus ou moins indifférente, ce qui est objectivement le cas dans pas mal de collectivités locales, voire peut être dans certaines entreprises de grande taille.
Le résultat pour la collectivité n'est pas des plus favorable car, le JD payé au smic, n'a que rarement l'envie de s'investir et de donner de la valeur ajoutée à son travail comme ses connaissances pourraient le lui permettre. Il sombre alors dans une grande démotivation et en vient à réaliser effectivement un travail d'une qualité telle que oui, n'importe quel quidam pourrait le faire aussi bien. La boucle est alors bouclée.
Tout cela à cause d'un simple problème d'inadéquation de l'offre et de la demande. Dommage finalement qu'on n'en ait pas connaissance avant de s'engager dans des études longues et coûteuses, en termes financiers et personnels.
EN tous cas, moi je trouve désolant, même si je peux le comprendre, et je ne veux pas jeter la pierre, que des personnes diplômées et qui plus est de qualité en soient réduites à accepter des jobs de merde, à des salaires désolant. C'est dommage pour eux, au premier chef, mais également par ricochet pour ceux qui refusent d'accepter ça. Cette situation, même si elle peut s'expliquer j'en convient, n'est à prendre par aucun bout, et constitue réellement un désastre et un gâchis pour l'entreprise et la collectivité, même s'ils sont nombreux les employeurs qui surfent sur cette vague. Que de violence mes aïeux…