Cession de titres ou droits d’une société et bénéfices des abattements fiscaux.

Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat.

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Explorer : # abattements fiscaux # cession de titres # cessation de fonctions # contrat de prestation de services

Pour bénéficier des abattements fiscaux, le cédant doit cesser toutes fonctions dans la société cédée.

Des situations sont, toutefois, prévues pour permettre au cessionnaire de bénéficier du savoir-faire du cédant parfois nécessaire notamment à la bonne transmission de la clientèle.

-

L’article 150-0 D ter du Code général des impôts (CGI) dispose que :

« (…).
3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 du présent I est subordonné au respect des conditions suivantes :
[…].
c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession ;
[…]
 ».

L’article 150-0 D ter du CGI interdit toute fonction dans la société dont les titres ou les droits sont cédés.

A contrario, il est tout à fait possible que le cédant exerce une activité professionnelle auprès d’une autre société.

En application de l’article précédemment cité, un principe d’interdiction de continuer à exercer des fonctions dans la société cédée est posé.

La notion de « cessation de toute fonction » mentionnée à l’article 150-0 D ter du CGI est donc importante.

Un bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFIP) publié le 12 septembre 2012 est venu préciser la notion de cessation de fonctions. Il est ici à préciser que les bulletins officiels sont opposables à l’Administration.

Au vu de ce bulletin ministériel, il faut ainsi entendre par « fonction » qui doit cesser :

« les fonctions de direction énumérées à l’article 885 O bis (I-A-1), ainsi que toute activité salariée au sein de la société concernée. »

L’article 885 O bis du CGI prévoit que :

« Les parts et actions de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, sont également considérées comme des biens professionnels si leur propriétaire remplit les conditions suivantes :
1° Etre, soit gérant nommé conformément aux statuts d’une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d’une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d’une société par actions.
Les fonctions énumérées ci-dessus doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l’intéressé est soumis à l’impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62.
(…)
 ».

Le Bulletin officiel précise :

« Ainsi, sous réserve du respect des règles applicables au regard du cumul emploi-retraite, le dirigeant cédant pourra, postérieurement à la cession de ses titres ou droits et sans remise en cause du bénéfice de l’abattement pour une durée de détention prévu à l’article 150-0 D ter du CGI :
-  exercer une activité non salariée auprès de la société dont les titres ont été cédés (par exemple, consultant ou tuteur au sens de l’article L. 129-1 du code de commerce).
-  exercer une activité professionnelle dans une autre société.
 »

Dès lors, au sens de ce bulletin, deux hypothèses sont notamment envisageables comme activité non salariée :

o Le contrat de prestations de service/consultant

Le recours à un contrat de prestation de services est, ainsi, possible, à condition que la relation contractuelle ne puisse pas être requalifiée en contrat de travail.

Le cédant devra jouir d’une totale indépendance dans son emploi du temps. A défaut, ce contrat serait requalifiable en contrat de travail, l’exonération fiscale sur la plus-value pourrait être de facto remise en cause.

Selon la cour de cassation, « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné » (Cass. soc. 1er juillet 1997, n° 94-45.102).

Le contrat de prestation de services/consultant suppose par nature une absence totale de lien de subordination entre la société cédée et le cessionnaire (horaires fixes, déplacements déterminés, …) Le cédant devra jouir d’une totale indépendance dans son emploi du temps.

A la différence du salarié, le prestataire de services doit exercer son activité en toute indépendance, et ne doit donc avoir aucun lien de subordination avec son client.

Ce prestataire de services est en effet lié par une obligation de résultat mais conserve toute liberté quant aux moyens mis en œuvre pour y parvenir.

S’il ne remplit pas sa mission en toute indépendance et qu’un lien de subordination peut être établi entre lui-même et son client, la relation entre les parties peut être requalifiée en contrat de travail.

Nous attirons également l’attention sur le risque existant pour le cas où les services fiscaux venaient à considérer tout ou partie des honoraires payés par la SASU, postérieurement à la cession, comme un complément de prix de cession de fonds de commerce.

o Le contrat de tutorat

Ce contrat est prévu à l’article L 129-1 du Code de commerce qui dispose que :
« Le cédant d’une entreprise commerciale, artisanale, libérale ou de services peut, après cette cession, conclure avec le cessionnaire de cette entreprise une convention aux termes de laquelle il s’engage, contre rémunération, à réaliser une prestation temporaire de tutorat. Cette prestation vise à assurer la transmission au cessionnaire de l’expérience professionnelle acquise par le cédant en tant que chef de l’entreprise cédée. Le tuteur reste affilié aux régimes de sécurité sociale dont il relevait antérieurement à la cession.

Les conditions d’application des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Le décret du Conseil d’Etat n°2007-478 du 29 mars 2007 est venu préciser les conditions dans lesquelles peut être conclue une convention de tutorat (ci-joint) :
« (…).
Art. 4 La convention de tutorat est conclue au plus tard dans les soixante jours suivant la date de cession de l’entreprise. A titre dérogatoire, ce délai court à compter de la date d’entrée en vigueur du présent décret pour les cessions d’entreprises intervenues à compter du 1er janvier 2006.
La convention est conclue pour une durée minimale de deux mois. Cette durée ne peut excéder un an, y compris les éventuelles prolongations.
[…]
 »

Ce contrat de tutorat est ainsi idéal pour permettre le savoir faire entre le cessionnaire et le cédant. Il peut être toutefois regretter la faible durée maximale d’un an autorisée pour bénéficier des abattements fiscaux.

Jean-Baptiste Rozès
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS
www.ocean-avocats.com

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