Décret "Magendie" : Trois petits avis… en attendant les arrêts. (A propos des avis du 21 janvier 2013 de la Cour de cassation). Par Philippe Leconte, Avocat.

Décret "Magendie" : Trois petits avis... en attendant les arrêts. (A propos des avis du 21 janvier 2013 de la Cour de cassation).

Par Philippe Leconte, Avocat.

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Explorer : # procédure civile # appel # conclusions # compétence judiciaire

La Cour de cassation rend pour l’instant plus d’avis que d’arrêts sur l’application du décret "Magendie" en matière de procédure d’appel. Cette situation, si elle permet d’éclairer les praticiens et les conseillers de la mise en état, ne permet pas pour autant de lever toutes les hypothèques sur un texte qui demeure complexe.

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La cour de cassation a rendu le 21 janvier 2013 trois avis (Avis n 1300003, 1300004, 1300005) qui intéresseront le praticien des procédures car ils viennent résoudre trois problèmes distincts mais récurrents.

Le premier avis, rendu sur saisine par la Cour d’appel de Poitiers posait à la Cour suprême la question suivante : « Dans la procédure d’appel en matière civile contentieuse avec représentation obligatoire, l’appelant peut-il, dans un second jeu de conclusions signifiées et remises plus de trois mois après la déclaration d’appel, articuler des moyens nouveaux (fins de non recevoir ou moyens de fond) non soulevés dans ses premières conclusions d’appel, et non suscités par une évolution du litige susceptible d’avoir été provoquée par les conclusions signifiées entre-temps par l’intimé ? Dans la négative, quelle est la sanction applicable ? »

La question était importante car se pose fréquemment le problème de la possibilité, après un premier jeu de conclusions de reconclure en présentant des moyens nouveaux et ce, jusqu’à la clôture. Une réponse négative aurait littéralement gelé les premières conclusions de l’appelant qui n’aurait pu alors, comme la Cour de cassation l’a développé de manière prétorienne en matière de jour fixe, que répondre aux moyens de défense de l’intimé. Une réponse négative aurait également posé la question du sens du maintien d’une ordonnance de clôture dans une procédure où l’appelant aurait été lié par ses premières écritures, ne pouvant alors le plus souvent que répondre dans les deux mois de l’appel incident de l’intimé.

La cour de cassation répond fort opportunément à cette question que "Dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire en appel, les parties peuvent, jusqu’à la clôture de l’instruction, invoquer de nouveaux moyens." Cette réponse soulagera le praticien confronté parfois à certains magistrats des cours, dont faisait vraisemblablement partie l’auteur de la demande d’avis, qui envisageaient une lecture rigide de l’article 912 alinéa 1 du Code de procédure civile et émettaient le souhait par cet article de pouvoir limiter les échanges d’écritures des parties. L’échange de conclusions et le développement de nouveaux moyens sont donc recevables jusqu’à la clôture sous réserve évidemment de ne pas les soulever trop tardivement.

Le deuxième avis est rendu sur une demande de la Cour d’appel de Paris : « Le conseiller de la mise en état qui, en vertu des articles 907 et 763 du code de procédure civile, a pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces, a-t-il compétence pour écarter les pièces qui n’auraient pas été communiquées conformément aux dispositions de l’article 906 du même code ? Si la compétence du conseiller de la mise en état est retenue, est-il seul compétent ? Ses ordonnances ont-elles, de ce chef, autorité de la chose jugée au principal ? Peuvent-elles être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date ?  »

Nous avions évoqué cette question dans une précédente chronique suite à l’avis de la Cour de cassation du 25 juin 2012 en considérant que le pouvoir d’écarter les pièces relevait de la Cour et non du conseiller de la mise en état en soutenant le caractère dérogatoire des pouvoirs du conseiller de la mise en état au rang desquels ne figure pas le pouvoir d’écarter les pièces.

La Cour de cassation le confirme en émettant l’avis que : "Le conseiller de la mise en état n’est pas compétent pour écarter des débats les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions." Cette solution rassurera ici encore car elle confirme l’analyse permettant de régulariser la communication simultanée des pièces devant la Cour. Elle renforce également la position selon laquelle la demande de rejet des pièces doit émaner des parties. Par ce renvoi à la compétence de la Cour du pouvoir d’écarter les pièces, et donc à l’issue du débat judiciaire, la crainte de voir écarter d’office des pièces dont les parties durant tout le débat judiciaire n’ont pas contesté la recevabilité parait désormais bien improbable.

La troisième demande d’avis provenait d’un conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Versailles et était ainsi libellée : « Les conclusions visées par les articles 908 et 909 du Code de procédure civile sont-elles nécessairement des conclusions au fond devant la Cour, ou peut-il s’agir de conclusions saisissant le conseiller de la mise en état d’un incident tendant à obtenir la radiation du rôle de la cour par application de l’article 526 du même code, ou, plus généralement, tendant à mettre fin à l’instance ou a en suspendre/interrompre le cours ?  » Des trois questions posées celle-ci était probablement la plus récurrente pour le praticien. Les conclusions visées aux articles 908 et 909 étaient elles nécessairement des conclusions de fond saisissant la Cour ? De même, fallait-il systématiquement conclure au fond alors que le conseiller de la mise en état se trouvait être saisi d’un incident de caducité, d’irrecevabilité d’appel ou d’irrecevabilité de conclusions dont l’issue risquait de rendre inutiles ces écrits.

La Cour de cassation est ici d’avis que : "Les conclusions exigées par les articles 908 et 909 du Code de procédure civile sont toutes celles remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes, qui déterminent l’objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre fin à l’instance." Cet avis sera probablement celui des trois qui laissera le plus de difficultés d’interprétations ou de risques de mauvaises interprétations. Il convient de bien le limiter aux cas évoqués. Les conclusions interrompant les délais des articles 908 et 909 du Code de procédure civile sont, par principe les conclusions de fond saisissant la Cour et par exception les conclusions d’incident visant ou de nature à mettre fin à l’instance.

Ainsi à titre d’exemple sont de nature à mettre fin à l’instance : l’incident d’irrecevabilité d’appel, l’incident de caducité de la déclaration d’appel, mais attention, ne met pas fin à l’instance l’incident de communication de pièces, l’incident de sursis à statuer, la demande d’expertise, la demande de radiation de l’article 526 du Code de procédure civile ou encore la demande de dépaysement de l’article 47 du Code de procédure civile.

Sous ces réserves, et une surveillance quasi quotidienne, le ciel s’éclaircit…

Philippe Leconte,
Avocat au barreau de PARIS
spécialiste en procédure d’appel,
Associé de KPDB inter-barreaux (Paris/Bordeaux)
www.kpdb.legal

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Discussion en cours :

  • Ce décret Magendie impose aux Avocats des délais drastiques pour déposer leurs conclusions, mais rien aux magistrats. De telle sorte qu’une fois que les conclusions sont échangées, les dossiers continuent à attendre pendant des mois une date d’audience... Pour accélérer la justice, il ne suffit pas de faire pression sur les Avocats, mais aussi sur l’institution judiciaire. Récemment, une affaire qui était prête à plaider devant la Cour d’appel, et fixée en décembre 2013 a fait l’objet d’un renvoi pour "encombrement du rôle" à décembre 2014 !!!! Quel moyen à disposition des avocats pour protester et avoir une date plus proche ? Aucun. Or, en l’espèce, comme dans nombre de cas, ce délai imposé à l’appelant est désastreux.

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