Effets en France d’un jugement marocain...

Sans reconnaître un jugement de divorce étranger, une cour d’appel accorde un effet « de fait », s’agissant de la séparation des époux ainsi que du versement d’un somme d’argent à l’épouse…

Cass.1er civ. 4 mai 2011, n°10-14.142, F P+B+I

Par cet arrêt récent du 4 mai dernier, la Cour de cassation reconnait les effets en France d’un jugement de divorce marocain.

Rappel factuel  :

Deux ressortissants marocains, se sont mariés en 1996 au Maroc. Ils ont résidé ensuite en France où ils ont poursuivi leurs études.

À la suite d’une action initiée par l’époux, le Tribunal de première instance de Casablanca saisi, fixe le montant de la pension due à l’épouse, après avoir prononcé le divorce.

L’époux n’ayant pu faire transcrire le jugement marocain sur les registres français, a saisi de nouveau le Juge aux affaires familiales français, cette fois-ci, sur le fondement de l’article 233 du Code Civil : « Le divorce peut être demandé par l’un ou l’autre des époux ou par les deux lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Cette acceptation n’est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l’appel  ».

La Cour d’appel de Rennes, par son arrêt du 13 janvier 2009, a débouté l’épouse de sa demande de prestation compensatoire.

L’ex-épouse fait grief à la Cour d’appel de Rennes de l’avoir donc déboutée de sa demande de prestation compensatoire se prévalent de l’article 16 de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 et des conditions de reconnaissance d’un jugement de divorce marocain.

Ajoutant qu’il appartenait à la Cour d’appel d’apprécier la régularité internationale de ce jugement étranger au regard de cette disposition conventionnelle.

La Cour de cassation valide la position de la Cour d’appel qui, «  sans reconnaître le jugement marocain, lui a accordé un effet « de fait », s’agissant de la séparation des époux ainsi que, pour l’appréciation de l’existence d’une disparité, du versement d’une somme d’argent à l’épouse  ».

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi de l’épouse le 4 mai 2011, estimant que le moyen n’est pas fondé.

Si cet arrêt devait être analysé en une phrase, on pourrait dire que le Jugement marocain en question, a été considéré non pas comme un « Droit » mais comme un « Fait juridique » et que dans cette circonstance, les Juges du fond et la Cour de Cassation, lui font produire des effets en France, sans pour autant qu’il soit nécessaire de vérifier sa régularité internationale.

Je profite de cette dernière indication relative à la vérification de la régularité internationale, pour rappeler que les conditions de vérifications pour l’exequatur d’un jugement étranger ne sont plus qu’au nombre de trois depuis le revirement opéré par l’arrêt de principe Cornelissen en 2007.

En effet, les cinq conditions posées par l’arrêt Munzer ont été ramenées à 4 avec l’arrêt Bachir. Elles viennent d’être réduites à 3 depuis l’arrêt Cornelissen du 20 février 2007.

Ce dernier arrêt consacre la suppression en droit commun du contrôle par le juge de l’exequatur français de la compétence de la loi appliquée par le juge étranger, s’agissant des effets des jugements étrangers.

« Le juge français doit s’assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure et l’absence de fraude à la loi ; que le juge de l’exequatur n’a donc plus à vérifier que la loi appliquée par le juge étranger est celle désignée par la règle de conflit de lois française ».

Désormais les critères de contrôle sont donc au nombre de trois :


- La compétence du juge marocain (qui sera évaluée selon la jurisprudence Simitch de la Cour de cassation),
- La décision doit être passée en force de chose jugée et ne doit pas être inconciliable avec une décision en France,
- La décision [marocaine ou autre] ne doit pas être contraire à l’ordre public international français de fond comme de procédure.

Le Juge de l’exequatur doit s’assurer que ces trois conditions sont remplies.

Toutefois en présence d’une convention internationale liant la France et qui prévoit des conditions tenants à l’exequatur d’une Décision, il devra en tenir compte en la faisant primer.

On s’apercevra qu’il n’est pas impossible de trouver dans des conventions bilatérales la condition relative au contrôle de la loi appliquée par le Juge étranger… qui n’est plus d’actualité en droit commun français.

Comment doit alors réagir le juge français, juge de l’exequatur, face à ce cas de figure ?

Volontairement, je ne prendrais pas pour exemple la convention franco-marocaine car elle ne prévoit pas le contrôle de la loi applicable (article 16 de la Convention du 5 octobre 1957).

Pour illustrer mon propos, je me fonde sur la Convention franco-égyptienne…

La situation est la suivante : le juge français saisi d’une demande d’exequatur d’une décision égyptienne en matière de statut personnel, devra appliquer la convention franco-égyptienne du 13 mars 1982, laquelle prévoit le contrôle de la loi appliquée par le juge étranger...

Le droit commun français ne prévoit plus ce contrôle de la loi appliquée par le Juge étranger… Aussi et dans la mesure où le principe est que la convention bilatérale doit primer [s’agissant d’une convention internationale], le juge français de l’exequatur devra donc vérifier plus de conditions que ne lui en impose son propre droit....

Il impératif en effet et sans aucun doute possible, de respecter les termes de la Convention Bilatérale, peu important qu’elle pose des conditions différentes du droit commun.

Le Juge de l’exequatur n’ayant évidemment pas le pouvoir de modifier les termes d’une Convention Internationale.

En espérant que cette nouvelle note vous soit utile…

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