Le Tribunal administratif de Paris vient de juger en référé que Pôle Emploi n’a pas respecté ses obligations envers un chômeur de 54 ans qui s’estimait insuffisamment accompagné par le service public d’aide à l’emploi.
Dans une décision du 8 février 2012, la Cour de cassation avait reconnu qu’un demandeur d’emploi suivi par Pôle Emploi était en droit d’exiger des informations « complètes et efficaces », en l’espèce l’information concernant ses droits à percevoir l’AER (allocation équivalent retraite) faisait défaut.
Mais qu’est-ce que le droit à l’emploi ?
Toute personne a droit au travail et au libre choix de son travail, c’est une liberté garantie par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Traité de Rome, la Charte des droits fondamentaux et le préambule de la Constitution Française de 1946 annexé à la Constitution de 1958.
Cela implique :
Une obligation de moyens : mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition.
Une obligation de résultat : le débiteur doit atteindre le résultat.
Un débiteur : celui sur lequel pèse une obligation doit exécuter celle-ci.
Un créancier : celui qui réclame l’exécution d’une obligation.
Le débiteur ici est Pôle Emploi, le créancier est le demandeur, l’obligation est de moyens.
Par conséquent, le droit à toute personne au travail ne signifie pas que les pouvoirs publics (Pôle Emploi) doivent garantir le plein emploi à tous les travailleurs (ce qui serait constitutif d’une obligation de résultat).
Le droit d’obtenir un emploi ne signifie pas non plus que l’employeur est tenu d’embaucher tout travailleur qui en ferait la demande. En effet, l’employeur est en principe libre du choix des personnes qu’il embauche sauf si le salarié peut prouver qu’il y a eu discrimination à l’embauche.
Reconnaissance de la liberté fondamentale « d’accès à l’emploi »
Dans l’espèce qui nous intéresse aujourd’hui, plus que le droit à l’emploi, c’est l’accès à l’emploi qui est sous les projecteurs !
En effet, le Tribunal administratif dans son ordonnance de référé fait injonction à Pôle Emploi de recevoir ce demandeur d’emploi « dans les huit jours, de mettre à jour son projet personnalisé d’accès à l’emploi, de le rencontrer de manière régulière dans le respect des directives de fonctionnement fixées par cette institution en lui proposant toute offre, toute formation utile ou toute reconversion. »
Selon Florent Hennequin, avocat du chômeur à l’origine de l’action, ce jugement constitue « une grande avancée dans la reconnaissance des droits des chômeurs... C’est un cas important, une forme de jurisprudence, de précédent, qui permettra à tous les chômeurs que soit mis fin à cette violation d’une liberté fondamentale. »
Qu’est-ce qu’un référé-liberté ?
Le référé « liberté fondamentale » issu de l’article L.521-2 du code de justice administrative, est une procédure d’urgence qui peut être mise en mouvement quand une action ou une abstention, venant d’une personne morale de droit public ou d’une personne de droit privé délégataire d’un service public, a pu porter « une atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté dite fondamentale.
C’est une mesure d’urgence, à laquelle une réponse est donnée normalement sous 48 heures. La procédure est libre, ne nécessite pas le ministère d’avocat, et est bien sûr contradictoire.
En l’espèce l’urgence a donc été reconnue car comme l’a déclaré Maître Hennequin à propos de son client, ex-gestionnaire de clientèle chez Veolia, celui-ci se trouve « dans une situation de précarité financière catastrophique. »
Inscrit à Pôle Emploi en février 2009, ce demandeur d’emploi, qui dépend de l’agence d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), n’aurait « bénéficié depuis que de trois rendez-vous en agence, en dépit de ses demandes réitérées », et reçu aucune offre d’emploi, selon son avocat.
Voilà donc deux fois que Pôle Emploi se voit remonter les bretelles par la justice française cette année, une fois par la Cour de cassation, après une longue procédure, et aujourd’hui après un référé qui porte ses fruits en 48 heures seulement !
Bref, les procédures d’urgence du droit français, car nul doute que nombreux demandeurs d’emploi risquent d’utiliser cette procédure du référé liberté dorénavant, vont peut-être enfin permettre à Pôle Emploi d’agir, voire de se réorganiser dans l’URGENCE !
Cette date du 12 Septembre 2012 marque donc une jurisprudence fondamentale pour l’avenir du Droit des demandeurs d’emploi.
Discussions en cours :
La date de l’arrêt est erronée, c’est Conseil d’Etat 4 octobre 2012 n°362948
Sauf erreur de ma part il ne s’agit pas de la Cour de Cassation mais du Conseil d’Etat