Mais, en plus, la clause de non concurrence prévue au contrat est nulle. Le salarié peut s’engager chez un concurrent ou créer une activité concurrente à celle de son ex-employeur, en toute impunité.
Retour sur une décision de la Cour de cassation du 15 janvier 2014 (n° 12-19472) qui rappelle plusieurs règles.
Rappelons que le Code du travail ignore la clause de non concurrence. C’est la Cour de cassation qui a forgé les règles applicables. Toute décision émanant d’elle à ce sujet doit donc être soupesée pour déceler les possibles évolutions du droit.
Règle I - La clause de non concurrence prend effet à la rupture du contrat de travail et l’indemnité de non concurrence doit être versée à compter de la rupture du contrat : si l’indemnité est versée avant la rupture, elle rend la clause nulle.
Un salarié conclut un contrat de travail prévoyant, en 2001, une clause de non concurrence assortie d’une indemnité qui lui est versée mois après mois. Au jour de la rupture du contrat, en 2007, le salarié a ainsi perçu près de 20.000 euros d’indemnité.
A la rupture, l’employeur délie le salarié de la clause et réclame le remboursement de l’indemnité de non concurrence. Ce qu’il obtient des juges du fond.
Ceux-ci décident :
« Qu’aucune cause de nullité n’affecte cette clause assortie d’une contrepartie financière sous la forme du versement d’une indemnité mensuelle : que, l’employeur ayant renoncé à l’application de cette clause, il en résulte que le salarié n’a jamais été soumis à une clause de non concurrence. »
Le salarié doit donc rembourser son ex-employeur. Mais il porte son litige devant la Cour de cassation…
La Cour de cassation juge différemment :
« La clause de non concurrence prévoyant le versement d’une indemnité avant la rupture du contrat est nulle ».
La solution a déjà été exprimée (Cass. soc. 7 mars 2007, n0 05-45511).
En 2011, la Cour de cassation a précisé que pour juger de la validité de la clause au regard de son indemnisation non dérisoire, seuls sont pris en compte les montants à payer après la rupture (Cass. Soc. 22 juin 2011, n° 09-71567).
Règle II - L’employeur ne peut obtenir le remboursement d’une somme versée au titre d’une clause nulle.
L’employeur ayant renoncé à la clause au moment de la rupture, il expliquait qu’elle n’avait jamais été exécutée et que les versements qu’il avait faits au salarié durant la vie du contrat de travail devaient lui être remboursés.
La Cour de cassation, au contraire des juges d’appel, s’y refuse et précise :
« L’employeur ne peut obtenir la restitution de sommes versées au titre d’une clause nulle ».
En effet, la clause de non concurrence est nulle mais l’employeur ne peut revendiquer cette nullité (solution déjà exprimée : Cass. soc. 25 janvier 2006, n°04-43646).
Ici, la Cour vise deux articles généraux relatifs à la formation des contrats :
l’article L. 1221-1 du Code du travail (« Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter. »)
Et l’article 1134 du Code civil (« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »)
La Cour de cassation fait jouer un rôle prépondérant à la bonne foi des parties dans l’exécution du contrat qu’elles ont conclu ensemble et qui fixe leurs obligations respectives.
Elle rappelle, en outre, la règle qu’elle a édictée en matière de clause de non concurrence : est nulle la clause qui ne remplit pas les critères qu’elle a posés.
Règle III - La contrepartie financière de la clause de non concurrence qui est versée pendant la vie du contrat de travail est qualifiée de « complément de salaire », non dénué de cause, et reste acquise au salarié alors que la clause est nulle.
Pour la Cour d’appel, l’employeur avait valablement renoncé à la clause (valide) et il pouvait donc récupérer les versements faits d’avance : « l’employeur ayant renoncé à l’application de cette clause, il en résulte que le salarié n’a jamais été soumis à une clause de non concurrence. »
Pour la Cour de cassation, le raisonnement est tout autre : « l’employeur ne peut récupérer les sommes versées au titre d’une clause nulle car elles constituent un complément de salaire ».
Pour la première fois, à notre connaissance, la Cour de cassation qualifie les sommes stipulées contractuellement mais improprement d’"indemnité de non concurrence" : elles sont des "compléments de salaire".
Elles restent acquises au salarié.
Discussion en cours :
Bonjour,
Pourriez-vous me dire si, malgré que le contrat de travail et la convention collective prévoient un versement mensuel de l’indemnité de non concurrence, l’employeur a le droit de verser l’intégralité de cette indemnité en une seule fois à la rupture du contrat ? (en accord avec le salarié)
Je vous remercie par avance pour votre réponse