L’article 313-1 aliéna 1 du Code pénal dispose :
« L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »
Contrairement aux juges allemands, italiens ou suisses, les juridictions françaises refusent de qualifier le simple mensonge d’escroquerie. La forme du mensonge importe peu. Il peut s’agir de mensonges verbaux, écrits, résultant notamment de faux bilans, de fausses commandes, de mensonges réitérés ou simples, de mensonges diffusés par n’importe quel procédé ou adressés à une seule victime.
Les décisions sont très nombreuses à ce sujet et sont unanimes : quel que soit le mensonge, encore une fois réitéré ou non, il ne suffit pas à qualifier l’escroquerie. Le mensonge doit se transformer en manœuvre frauduleuse pour permettre cette qualification. Or, il ne devient une manœuvre que dans des circonstances particulières.
En effet, dans un arrêt du 1er juin 2005 (n° 04-87757), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugé :
« (…) un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manœuvre frauduleuse au sens de l’article (313-1 du Code pénal), s’il ne s’y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d’un tiers destinés destiné à donner force et crédit à l’allégation mensongère (…). »
En l’espèce, la Cour avait jugé que « la simple émission de chèques non provisionnés, en l’absence de fait extérieur ou acte matériel, mise en scène ou intervention de tiers, n’est pas constitutive de manœuvres frauduleuses. »
Pour retenir l’existence d’un élément extérieur en plus du mensonge, occasionnant dès lors la constitution de l’escroquerie, les juges s’attachent essentiellement à l’intention de l’auteur, bien plus qu’à la valeur probante de l’élément extérieur : pour qu’il y ait manœuvre frauduleuse, l’élément extérieur doit être indépendant du mensonge. S’il n’est que la reproduction du mensonge, il n’apporte rien de nouveau et ne peut constituer une manœuvre.
Si l’auteur a cherché à ôter à la victime tout sentiment de défiance naturelle, la manœuvre sera établie.
A titre d’exemples, ont été ainsi considérés comme des actes matériels ou une mise en scène destinés à donner force et crédit à l’allégation, la production d’écrits, de pièces ou de documents, l’organisation d’un cadre simulé d’activité, l’usage d’objets ou d’éléments tronqués.
De même, l’intervention d’un tiers - même de bonne foi – venant corroborer les mensonges et rendre vraisemblable la mise en scène est un élément extérieur qui, combiné au mensonge, constitue une manœuvre frauduleuse au sens de l’article 313-1 du Code pénal (Crim. 20 mars 1997, n°96-82577).
En l’espèce, le prévenu, après le décès de son père, avait continué à percevoir sur un compte ouvert au nom de son père à la Caisse d’épargne, pour lequel il avait procuration, la retraite versée par la Mutualité sociale agricole.
Pour déclarer que le délit d’escroquerie était établi, les juges ont relevé qu’ayant, de son propre aveu, pris conscience du caractère anormal de la situation, le prévenu, en faisant indûment fonctionner le compte du défunt, sur lequel sa procuration était devenue caduque et qui aurait dû être clôturé, avait accompli un acte positif de nature à entraîner la remise d’autres fonds par la Mutualité Sociale Agricole.
La Cour de cassation a retenu l’existence de manœuvres frauduleuses du fait de l’intervention de la Caisse d’Epargne, tiers de bonne foi, et a pu considérer qu’elles étaient constitutives du délit d’escroquerie.
Attention ! Si la seule existence d’un mensonge ne suffit pas à constituer une manœuvre frauduleuse, il n’en est pas de même de la combinaison de deux séries de mensonges écrits ayant déterminé la remise indue des fonds (17 janvier 1991, n°87-83348).
Dans cette affaire, la société Stima avait facturé à la société Usinor plus d’heures de travail que son personnel n’en avait réellement effectuées et avait, grâce à plusieurs procédés frauduleux utilisés par les prévenus, établi des feuilles d’attachement faussement renseignées et des facturations injustifiées.
Les procédés utilisés avaient été les suivants : nom du même ouvrier figurant le même jour sur des bulletins d’attachement à des chantiers différents, altération de l’état civil de façon à faire croire à un plus grand nombre d’ouvriers employés, bulletins d’attachement portant le nom de personnes absentes ou employées ailleurs.
La Cour de cassation a jugé que l’établissement et l’utilisation, en connaissance de cause, de tels documents inexacts constituaient des manœuvres frauduleuses qui avaient donné « force et crédit » aux factures mensongères et avaient ainsi été la cause déterminante de la remise injustifiée de fonds par la victime.
Dans la même lignée, la Cour de cassation a relevé que l’emploi d’une publicité tapageuse sous forme d’affiches, de placards, de prospectus ou d’annonces dans la presse n’était plus seulement un mensonge écrit, réitéré ou non, mais véritablement l’organisation d’une véritable mise en scène destinée à donner crédit au mensonge.
Il a ainsi été jugé que la distribution de cartons publicitaires annonçant faussement que les prévenus avaient un gros contrat auprès d’une grande entreprise, était une manœuvre frauduleuse, élément constitutif du délit d’escroquerie (Cass.Crim, 18 mai 1981,n°80-91888).
En conclusion, il sera rappelé que le juge ne peut valablement justifier sa décision s’il retient des éléments contradictoires et ne peut prononcer la relaxe que pour autant qu’il a vérifié que les faits dont il est saisi, et l’ensemble des faits, ne sont pas constitutifs d’une infraction (Ch. crim., 6 janv. 2009, n°08-82335).
Ainsi, le juge correctionnel doit statuer sur l’ensemble des faits et éléments invoqués au soutien de la constitution du délit d’escroquerie pour pouvoir ensuite, éventuellement, valablement relaxer le prévenu du chef de cette infraction.
Discussion en cours :
j avoue que le document que vous avez présenté est de bonne qualité et par la même occasion je vous encourage dans cette perspective .c est certainement le résultat de réflexions très soutenu qui a permis de réaliser cette manœuvre .